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HISTOIRE ET PHILOLOGIE.

RECHERCHES

SUR LES PREMIERS ACTES PUBLICS RÉDIGÉS EN FRANÇAIS,

Par M. le docteur LE GLAY, membre résidant.

Sed quod tertio loco adnotare
juvat, majoris forsan videbitur mo-
menti, nempe quo tempore instru-

menta publica gallico nostro idiomate
primùm confici cœperint.

MABILLON. De re diplom.,
L. 11., cap. 1.

Ce sont les doctes qui polissent et perfectionnent le langage; mais c'est le vulgaire qui le crée et qui lui impose les premières formes.

Je n'ai point à examiner ici par quelles vicissitudes dut passer notre idiome vulgaire depuis le serment de Louis-le-Germanique, monument le plus ancien de la langue romane (1) des

(1) Le 16 des kalendes de mars 849, Charles-le-Chauve et Louis-leGermanique eurent une entrevue à Strasbourg, où ils firent un traité d'union contre Lothaire leur frère. Pour sceller cette alliance, les deux princes répétèrent une formule de serment qui a été conservée par NITHARD. Louis prononça le sien en langue romane, qui n'était alors qu'un latin vicié Pro deo amur,

Plusieurs fautes d'impression assez graves et même quelques erreurs s'étant glissées dans les Recherches sur les premiers actes rédigés en français, par M. le docteur LE GLAY, il en a été publié séparément une nouvelle édition.

troubadours, et les lois de Guillaume-le-Conquérant, qui, selon M. Raynouard, sont le point de départ de la langue des trouvères, jusqu'au règne de St.-Louis, où cette langue devint toutà-fait usuelle, tant dans les actes publics que dans les relations de la vie privée. Il n'entre pas non plus dans mon plan de rechercher quels furent les premiers ouvrages écrits en français. Ces belles questions d'histoire littéraire, déjà traitées par de plus habiles, offrent encore une ample matière à la discussion.

Ce que je voudrais constater, c'est la date des premiers actes publics et authentiques pour la rédaction desquels on a employé notre langue romane du Nord.

Mabillon, dans sa Diplomatique, 60, a traité ce sujet avec une brièveté un peu légère; les auteurs du nouveau Traité de Diplomatique l'ont approfondi davantage; mais ils n'ont pas résolu le problème, et se sont bornés à répéter ce que d'autres avaient dit avant eux. J'essaye d'ajouter quelque chose aux documents fournis par ces savants bénédictins.

J'appelle acte public toute décision prise par l'autorité publique ou toute convention réglée entre particuliers ayant date certaine.

et pro Christian poplo, et nostro commun salvament, dist di en avant, in quant Deus savir et podir me dunat, si salvara jeo cist meon fradre Karlo, et in adjudha, et in cadhuna cosa, si cum om per dreit son fradra salvar dist, in o quid il mi altre si fazet, et ab Ludher nul plaid nunquam prindrai qui meon vol cist meon fradre Karle in damno sit.

TRADUCTION. « Pour l'amour de Dieu, pour le peuple chrétien et notre » salut commun de ce jour en avant, aulant que Dieu m'en donne le savoir » et le pouvoir, je défendrai mon frère Charles què voici, et l'aiderai en toute » chose, ainsi qu'un homme, par droit et justice, doit défendre son frère,

en tout ce qu'il ferait pour moi; et je ne ferai jamais avec Lothaire » nul accord qui, par ma volonté, puisse porter dommage à mon frère Charles » ici présent. » Oliv. Vred. Histor. Comit. Flandr. 362. Mém. de l'Acad. des Inscript., XXVI, 646. Roquefort, Glossaire, Disc. prélim., XX.

Le latin, idiome habituel du clergé et de la magistrature, idiome universel et peu variable, dut rester encore maître du terrain des affaires publiques, lors même que le roman avait déjà envahi la conversation et la littérature. Les protocoles étaient tous formulés en latin; il n'y avait qu'à en faire l'application aux affaires qui se présentaient; chaque terme avait sa signification bien déterminée; chaque expression avait sa place et sa valeur parfaitement convenues; en un mot, le style diplomatiqué était adopté avec force de chose jugée.

De son côté l'idiome roman, fils dégénéré de la langue latine, eut long-temps une destinée précaire et aventureuse. D'abord incertain dans son vocabulaire comme dans sa syntaxe, il dut inspirer peu de confiance à la gent méticuleuse et formaliste des hommes d'affaires; ceux qui l'employèrent les premiers furent considérés comme des novateurs hardis, dont les essais hasardeux étaient de nature à compromettre les intérêts de leurs clients (1).

Les laïcs, pour qui le latin était devenu inintelligible (2), qui parlaient, chantaient et lisaient la langue romane, donnèrent l'exemple de l'emploi de cet idiome pour les transactions écrites. En effet, c'est dans les diplômes souscrits par des seigneurs ou de simples particuliers plutôt que dans les chartes purement ecclésiastiques qu'il faut chercher les premières traces de la langue romane appliquée aux transactions diplomatiques.

Dans le travail dont il est ici question, je me suis attaché,

(1) « Au 13. siècle la langue latine, disent les auteurs de l'Hist. litter. » de France, continuoit d'être employée dans les actes publics, surtout dans » les testaments. » XVI, 146.

(2) A la même époque, les laïcs n'entendaient et ne parlaient plus le latin. Ad cujus objecta monachus, quia laïcus est, non latiná quam non didicit linguá, sed materná respondet. 8. lettre de Joffroi, abbé de Vendome, à Renaud d'Angers. Hist. littér. de France, XI, 186.

surtout, à la recherche des actes originaux, attendu que les copies peuvent fort bien n'être que des traductions. On sait, en effet, que dans le cours du treizième siècle, on a souvent traduit en langue vulgaire des chartes latines d'une date antérieure. Nous possédons aux archives de la Chambre des comptes de Lille un long rouleau de parchemin contenant plusieurs diplomes du huitième et du neuvième siècle, avec une traduction romane qui appartient évidemment aux premières années du quatorzième.

« On a commencé, au 13. siècle, dit Raepsaet, Analyse des droits des Gaulois et des Belges, II, 394, à écrire les >> chartes de Flandre, en langue française. Les rois de France » l'ont commencé entre 1226 et 1270. Avant cette époque, » ils les rédigeaient en latin. Marguerite de Flandre l'a com» mencé en 1248 (1), mais vers l'an 1271, elle a adopté la langue flamande, qui était celle de la nation; les nobles, et, >> entre ceux-ci le premier, Raso de Gavere, l'ont suivie, de » même que les magistrats des villes. »

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Le savant écrivain ne fait ici que répéter ce que dit Vredius, Sigill. comit. Flandriæ, 33, 38. Ils n'ont eu occasion, ni l'un ni l'autre, de voir des actes français d'une époque plus reculée.

Poutrain, Histoire de Tournai, 621, cite une charte française d'Arnoul de Mortagne, datée de 1232, et dit que c'est le premier acte des châtelains de Tournai qu'on ait eu en langue vulgaire.

M. le baron de Reiffenberg, dont l'autorité peut toujours être

(1) Oui, mais ce que M. Raepsaet parait ignorer, c'est qu'avant Marguerite, les comtes de Flandre écrivaient déjà quelques-uns de leurs diplomes en français. J'ai entre les mains un acte original français, du mercredi après la micarême (9 mars) 1238, par lequel Thomas, comte, et Jeanne, comtesse de Flandre, confirment une donation faite par Watier, sire d'Avesnes, à Bouchard, son frère, et à ses héritiers. La charte, encore munie des deux sceaux, appartient à la Chambre des comptes de Lille.

invoquée lorsqu'il s'agit d'érudition philosophique comme en bien d'autres matières, s'exprime ainsi dans la belle et savante introduction de son Philippè Mouskes :

« Les comtes de Flandre, pairs de France, et dont la domi»> nation s'étendait sur des pays où l'on ne parlait que la langue >> française, se considéraient eux-mêmes comme princes français. » Autour d'eux, on n'entendait guère que le roman; et grand » nombre de leurs chartes, même pour les provinces flamandes, >> furent rédigées en français ; c'était le langage de l'aristocratie; >> rien ne sentait mieux son gentilhomme que de s'en servir. »

Ce sont en effet les nobles qui, laissant au clergé l'usage du latin, s'émancipèrent les premiers et adoptèrent enfin l'idiome vulgaire pour leurs actes écrits, comme ils l'avaient adopté depuis long-temps pour les relations orales; mais, à mon avis, ce n'était nullement pour se conformer aux us de la cour de France et se donner les beaux airs de gentilshommes français qu'ils en agissaient ainsi; car nous verrons tout à l'heure que nos rois, sous ce rapport, se laissèrent devancer par les seigneurs flamands. On rédigeait des actes français à Courtrai avant de le faire à Paris.

Le Moisne, Diplomatique pratique, 109, pense que l'on n'a commencé à rédiger les actes publics en français que vers l'an 1240; il avoue même que le plus ancien titre roman qu'il ait eu sous les yeux est une ratification de 1259. La suite de ce Mémoire prouve que Le Moisne n'avait pas fait à cet égard des recherches assez approfondies.

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S'il fallait en croire Borel, préface de son Trésor (1), on ferait remonter à l'an 940 le premier acte écrit en français ; il mentionne, en effet, à cette date une bulle d'Adelberon, évêque de Metz, dont il cite ce passage:

« Bonuis sergens et féaules, envoie ti, cor pour cen que tu

(1) P. 39 de l'édition jointe au Dict. Etym. de Ménage de 1750,

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