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CHAPITRE V.

EXPÉDITION DE CRIMÉE.

EMBARQUEMENT ET DESCENTE.

1854.

Politique suspecte de l'Autriche. Embar-
Voeux du cabinet anglais. — Expédition en
Projets. Ardeur impatiente de l'ar-
Epidémie. Retour.

Situation de l'armée française en Bulgarie.
ras du maréchal. Conseils de guerre.
Crimée résolue. Commission d'exploration.
mée. Choléra. Expédition de la Dobrutscha. - L'ennemi.

Conseil.

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- Incendie de Varna. Expédition contre Sébastopol. - L'armée et la flotte. - Embarquement. Départ pour la Crimée. Retard de la flotte britannique. — Ralliement. Nouvelle exploration. En Crimée. - Concentration. - Reddition d'EupatoAppareillage et marche de nuit. - Débarquement. - Bivouacs. Les Français et les Anglais. Escadrille de diversion. - Bourrasque. Suite du débarquement. - Coup de main. Dépêches.

ria.

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L'occupation des provinces danubiennes par l'Autriche avait plongé le maréchal Saint-Arnaud dans la perplexité la plus profonde. La retraite inopinée des Russes avait été pour lui une déception. C'était une victoire immédiate qui échappait à son épée; il avait rêvé la consécration d'un premier triomphe pour nos drapeaux dès leur déploiement sous le beau ciel d'Orient. C'était cette glorieuse illusion qui s'évanouissait; mais, après tout, ce n'était que la disparition d'une chance heureuse sur laquelle il n'avait pas dû compter d'abord; il pouvait retrouver sur les rives du Pruth, dans les plaines de la Bessarabie ou sur les bords du Dniester, le champ de bataille qu'il avait espéré sur ceux du Danube, et cette fuite des aigles noires à l'approche des aigles françaises rendait indubitablement sa tâche plus laborieuse, plus difficile, mais lui créait en même temps, à la vue du monde, ce qui n'était pas à dédaigner dans la conscience de ses propres soldats, une position qui n'était pas sans prestige.

Le traité intervenu entre la Porte Ottomane et l'Autriche n'avait-il pas tout changé? Ce que le maréchal eût pu opérer à travers la Valachie et la Moldavie, rentrées sous l'autorité du sultan, pouvait-il le tenter, ces provinces étant occupées par des forces autrichiennes; pouvait-il lancer son armée loin de sa base d'opération, de ses magasins, de ses renforts, au milieu de toutes les difficultés matérielles que doit rencontrer la marche de corps nombreux dans un pays ruiné, sans être complétement sûr des dispositions de la puissance qu'il laissait sur ses derrières; de la puissance à la foi suspecte de laquelle il eût dû abandonner ses lignes de communication, ses secours, ses approvisionnements et ses convois; de la puissance, enfin, qu'en cas de revers, il eût pu trouver l'épée à la main en travers de sa retraite? Il est vrai que l'Autriche réclamait le concours de la France au-delà du Danube pour rejeter, en cas de résistance, les troupes russes sur leur territoire; mais pouvait-on bien croire à la sincérité de ses déclarations; était-ce bien dans un intérêt européen que l'internonce avait conduit cette négociation mystérieuse qui livrait le nord de l'empire ottoman au protectorat tudesque? Comment admettre que cette puissance, que toutes les représentations, toutes les instances, toute l'habileté de la diplomatie occidentale n'avaient pu faire sortir de la neutralité armée, eût pris spontanément une résolution grosse d'éventualités de guerre, et eût sollicité secrètement de la Turquie l'autorisation de jeter ses armées en présence des armées russes, au risque de voir éclater des collisions à chaque pas? Ce n'était ni vraisemblable, ni moralement possible. On ne pouvait accepter sa coopération sans s'exposer aux dangers que déchaîna sur l'armée française la défection des troupes bavaroises à Leipsick. Que faire dans une telle position? Aventurer les troupes alliées dans les plaines marécageuses de la Dobrutscha ou les transporter par mer sur quelque point de la plage méridionale de Russie, pour prendre à revers les lignes russes menacées en Bessarabie par Omer-Pacha. Telles étaient les préoccupations du maréchal Saint-Arnaud lorsque lui étaient parvenues les dépêches ministérielles qui avaient appelé son attention sur la Crimée.

La pensée d'une expédition dans cette province insulaire de la Russie était née dans les bureaux de l'amirauté britannique; le cabinet de Saint-James s'en était emparé et avait chargé son ambassadeur auprès de la cour de France de la faire prévaloir dans les conseils des Tuileries. Elle y avait été accueillie d'abord avec défiance: le transport d'une armée sur une plage inconnue, l'abandon des provinces où la concentration des corps d'opération annonçait l'imminence de grands chocs, pour aller attaquer une place où l'on pouvait avoir à subir les lenteurs d'un siége, paraissaient une tentative aventureuse et sans éclat. L'ambassadeur britannique représenta toute l'importance politique et militaire de Sébastopol; ce centre formidable des armements maritimes de la Russie, cet arsenal, d'où ses flottes menaçaient sans cesse toutes les côtes de la Turquie et dominaient l'Orient, n'était pas seulement la métropole navale de la Russie méridionale, c'était encore la dernière étape de l'armée moscovite allant arborer la bannière russe sur Sainte-Sophie; car

trente-six heures suffisaient à une escadre pour verser dans la Corne-d'Or l'armée conquérante dont le noyau était toujours campé sous les murs du fort Constantin. Le projet prit plus de faveur. Le ministre de la guerre en donna ayis au maréchal comme d'une éventualité possible sur laquelle il réclamait ses avis. La levée du siége de Silistrie vint ajouter de nouyelles chances d'exécution à celle que déjà il pouvait avoir. Dans une dépêche du 1er juillet, le maréchal Vaillant recommandait au général en chef de ne point éloigner ses forces de Varna. On veut, lui mandait-il, que l'armée soit toujours prête à être emportée par la flotte. Bien que ceș communications et ces ordres répondissent au vou le plus ardent du maréchal Saint-Arnaud, dont tant de difficultés et de périls menaçaient la marche sur le Danube, il continua cependant à préparer son entrée en campagne en faisant faire des reconnaissances, soit dans la direction de Silistrie, soit vers les bouches du Danube. Une commission d'officiers de terre et de mer fut même chargée de parcourir le littoral russe pour en étudier les points accessibles. «Tout en m'occupant de la direction éventuelle de nos opérations futures sur le Danube, écrivait le général Saint-Arnaud au ministre de la guerre sous la date du 9 juillet, je ne néglige pas l'étude des moyens qui me permettraient de transporter tout ou partie de mes colonnes sur tel point de la côte de la mer Noire qui serait choisi pour être le théâtre d'une action de vigueur tentée, à très-courte distance, dans les terres. La frégate à vapeur le Vauban est partie pour opérer sur ce littoral une reconnaissance détaillée à laquelle prennent part des officiers spéciaux appartenant aux deux armées et à la flotte. »

Le général en chef ayait formé une autre commission également composée d'hommes spéciaux empruntés à l'état-major des armées de terre et de mer; l'objet principal de ses études et de ses délibérations était la recherche des moyens d'opérer, avec le plus de promptitude et de sûreté, le transport et le débarquement des forces alliées sur tel point de la plage russe qui pourrait être choisi pour base d'opérations ultérieures ou pour but d'une attaque inopinée. Le maréchal s'occupait, de son côté, de préparer les moyens d'exécution des projets qui devaient sortir de ces explorations et de ces enquêtes ou des ordres qu'il pouvait recevoir de son gouvernement, Il ne se dissimulait pas l'insuffisance numérique des troupes placées sous son commandement, et l'une de ses plus vives préoccupations était d'ajouter de nouveaux éléments de force à son armée.

La cavalerie irrégulière d'Omer-Pacha avait appelé son attention; ces troupes, formées de musulmans fanatiques accourus volontairement à la défense de l'empire, étaient le fléau de la Bulgarie, où elles ne vivaient que de brigandage. Le pillage et le meurtre étaient les seuls exploits qui eussent signalé leur présence dans ces contrées où n'avait pas encore pénétré l'ennemi. Tous les efforts du muschir pour discipliner ces hordes avides avaient été complétement impuissants, et jusqu'alors elles n'avaient cessé de ruiner et d'ensanglanter les provinces qu'elles étaient accourues défendre. Le maréchal

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