صور الصفحة
PDF
النشر الإلكتروني

Il eft de la nature de l'homme d'être forcé, par fa raifon, d'admettre l'existence de plufieurs chofes qu'il ne fauroit comprendre qu'à demi & imparfaitement. Telles font, par exemple, fa propre existence, la formation de l'univers, & l'existence de Dieu. Le fentiment de mon existence me force de convenir que j'exifte: la vue & l'action du foleil fur mon individu, ne me permettent pas de douter fi cet aftre m'échauffe & m'éclaire. Le fpectacle de l'univers me démontre fon Auteur fouverain, comme la vue d'un bâtiment ou d'un ou

vrage quelconque, fuppofe néceffairement un Architecte ou un Ouvrier. J'ai donc de moi-même, du monde & de Dieu, une connoiffance très - fenfible & très - réelle; mais, ce que j'ignore, c'est la maniere dont j'ai été créé, dont le monde a été fait, dont Dieu exifte. Je ne puis douter du fait & de la chofe ; mais j'ignore le mode, le comment. Il en eft de même des attributs de la Divinité par rapport à nous. Quelque incompréhensible que foit la nature de Dieu, on ne doit pas en inférer qu'elle le foit en tout & totalement. S'il en étoit ainfi, nous ne pourrions avoir aucune idée de Dieu, & nous ne pourrions en rien dive, en rien affurer: mais nous pouvons & nous devons affirmer de Dieu, qu'il existe, Tome I.

C

qu'il a de l'intelligence, de la fageffe, de la puiffance & de la force, puifqu'il a donné ces qualités à fes ouvrages & à fes créatures, & qu'il eft impoffible que l'effet soit revêtu d'aucune perfection qui ne fe trouve auffi dans la caufe. Dieu poffede ces perfections, prérogatives ou propriétés, dans un degré éminent, qui paffe ce que nous en pouvons concevoir; il les a par fa nature & par la néceffité de fon être, non par communication & par grace; il les a toutes enfemble & réunies dans un feul être trèsfimple & indivisible, & non par parties & difperfées, telles qu'elles font dans les créatures; il les a enfin comme dans leur fource, au lieu que nous ne les avons que comme des émanations de fon être divin. De ces attributs de Dieu, les uns lui font tellement propres, qu'ils ne conviennent qu'à lui feul, comme fon effence, fon infinité. fon éternité, fon impeccabilité, fon unité & fa toute-puiffance . Les autres lui font

[ocr errors]

Que peuvent contre Dieu tous les Rois de la terre ?
En vain ils s'uniroient pour lui faire la guerre,
Pour diffiper leur ligue, il n'a qu'à fe montrer;

Il parle, & dans la poudre il les fait tous rentrer.

Au feul fon de fa voix la mer fuit, le ciel tremble.

Il voit comme un néant tout l'univers enfemble;
Et les foibles mortels, vains jouets du trépas,
Sont tous devant fes yeux, comme s'ils n'etoient pas.

RACINE

communs avec fes créatures, au degré près qui eft éminent dans lui & borné dans elles, comme la fcience, la fageffe, la fainteté, la juftice & la bonté.

CHAPITRE IV.
Suite du précédent.

AVANT

AVANT de confidérer les devoirs de l'homme envers la Divinité, il est néceffaire d'être convaincu que cette Divinité exifte réellement: car fi elle n'existoit pas, ou fi elle pouvoit ne pas exifter, l'hommage que nous lui rendrions feroit vain, & tout notre édifice moral & religieux porteroit à faux, & s'écrouleroit de fond en comble: or, la raifon nous démontre qu'il existe une Divinité. Le fpectacle de la nature, la vue du ciel & de la terre, la création & la confervation de l'homme & des autres êtres qui l'environnent, tout lui prouve qu'il exifte un Être fupérieur, qui a donné la vie à tout ce qui refpire, & l'exiftence à toutes les chofes inanimées. En effet, ce n'eft pas la puiffance humaine qui a formé ce ciel que nous voyons, qui y a placé ce foleil, cette lune, ces aftres qui brillent au firmament. Quand tous les hommes joindroient enfemble leurs forces, leur

pouvoir & leur génie, ils ne pourroient pas empêcher le foleil d'éclairer, le vent de fouffler, la rigueur du froid de fe faire fentir; ils ne pourroient ni faire germer un grain de bled fans femence, ni faire naître une fleur, ni donner la vie à un papillon, ni à aucun des êtres femblables à eux, fans fuivre les loix établies par l'Auteur & le Roi fuprême de la nature : donc il existe un Etre plus puiffant que nous, indépendant de nous, & qui fait des chofes non-feulement au-deffus de notre pouvoir, mais même au-deffus de notre intelligence 2.

[ocr errors]

L'Auteur d'un Cantique moderne a eu bien raifon de dire en parlant de Dieu :

De fon pouvoir l'échantillon
Paroît mieux dans un papillon,
Que dans les feux d'un tourbillon.
Dans fa magnificence,
Les corps lumineux qu'il forma
Montrent moins fa puiffance
Que ceux qu'il anima.

2 C'est encore une vérité du même Noël philos

fophique ?

En vain du nord jufqu'au midi

L'intervalle eft approfondi

Far les illuftres du Mardi;

Leur fcience profonde

Ne tourne point à grand profit:

Nul ne connoit le monde
Que celui qui le fit,

Cette vérité une fois reconnue, il est aifé de concevoir tous les phénomenes de la nature, tout ce qui fe paffe chez les êtres animés & inanimés; au lieu qu'en fuppofant la non-existence d'une Divinité, tout devient obscurité, confufion & ténebres. Dire, par exemple, que c'eft le hazard qui a tout produit, c'est une abfurdité des plus groffieres, puifque le hazard n'eft rien qu'un affemblage de lettres, qu'un mot chimérique & vuide de fens, qu'on a inventé par ignorance pour exprimer les effets dont nous ne connoiffons pas la caufe. Il en eft de même des aromes, auxquels on a prétendu attribuer la difpofition du monde tel qu'il paroît à nos yeux; mais puifque ces atomes ne font que des particules d'une matiere aveugle & non penfante, des corpufcules deftructibles comme les autres corps, & qui n'exiftent point par eux-mêmes, comment pourroient-ils former des corps réguliers & des efprits, comme ceux de l'homme? La matiere diversement combinée peut amener quelques arrangemens qui furprennent; mais en faifant abftraction du Créateur, elle ne produira jamais des êtres pourvus d'organes dont le jeu eft incompréhensible, qui fentent, qui penfent, & qui foient capables de former des êtres fentans & penfans comme eux. Une éternité de tous les mou

« السابقةمتابعة »