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celle de la vérité et de la vertu.: ses titres sont les droits de l'homme; la loi de la nature, empreinte dans tous les cœurs, et la loi révélée écrite et consignée dans le dépôt des livres saints: les intérêts qu'il agite sont ceux du ciel. et de la terre, du temps et de l'éternité: enfin, les clients qu'il rassemble autour de lui et comme sous ses ailes, sont la nature, dont il défend les droits; l'humanité, dont il venge l'injure; la foiblesse, dont il protège le repos et la sûreté; l'innocence, à laquelle il prête une voix suppliante pour désarmer la calomnie, ou des accens terribles pour l'effrayer; l'enfance abandonnée, pour qui, dans l'auditoire, il cherche des cours paternels; la vieillesse souffrante, l'indigence timide, la grande famille de JésusChrist, les malheureux, en faveur desquels il émeut les entrailles du riche et du puissant. Tel est le fidèle tableau du plaidoyer évangélique.

Si un semblable ministère est bien rempli, c'est une des plus belles institutions dont l'humanité soit redevable à la religion chrétienne. Mais, pour le remplir dignement, il faut que l'orateur pense qu'il a pour juges Dieu et les hommes: Dieu, pour ne pas trahir sa cause, ou par de frivoles égards, ou par de lâches complaisances; les hommes, pour s'accommoder à la foiblessse de leur entendement, lorsqu'il vient les instruire; à la trempe de leur esprit, lorsqu'il veut les persuader; et au naturel de leur ame, lorsqu'il cherche à les émouvoir. Ainsi, son éloquence doit être divine par la sublimité de ses motifs, et humaine par ses moyens.

C'est du côté humain qu'elle est un art et un art, au moins aussi difficile que l'éloquence de la tribune et du barreau. L'orateur en chaire trouve, comme au barreau, un auditoire difficile et injuste; et non seulement dans ses juges des hommes prévenus d'opinions, de sentimens, de passions opposées à ses maximes; mais dans ces mêmes juges des parties intéressées qu'il faut réduire à prononcer contre les affections les plus intimes de leur ame, contre leurs penchants les plus chers.

Son éloquence aura donc à donner à ses pensées au moins autant de force, et à ses paroles au moins autant de poids que l'éloquence du barreau: encore n'a-t-elle pas toutes les mêmes armes que cette éloquence profane

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Elle peut bien employer, comme elle une action variée et véhémente, pleine de chaleur, d'enthousiasme, de sensibilité, de naturel et de candeur. Mais d'opposer le vice au vice, les passions aux passions; d'intéresser, de faire agir en sa faveur la vanité, l'orgueil, l'ambition, l'envie, ou la colère ou la vengeance, c'est ce qui n'est pas digne d'elle. Tous ses moyens doivent être innocens, et tous ses motifs vertueux les uns surnaturels dans les rapports de l'homme à Dieu; les autres plus humains, dans les rapports de l'homme à l'homme, et dans ses retours sur lui-même; mais ceux-ci toujours épurés.

Un petit nombre de vérités, effrayantes pour les méchans et consolantes pour les bons ; un Dieu juste, à qui tout est présent, et qui punit et récompense; le passage d'une ame immortelle de la vie à l'éternité; l'instant de ce passage, aussi imprévu qu'inévitable; la solitude de cette

ame

après la mort, devant son juge, et le bien et le mal qu'elle aura faits, mis dans une exacte balance; la révélation solemnelle de la conscience de tous les hommes, au jugement universel; un abîme de peines destiné aux coupables; une source intarissable de félicité réservée aux justes dans le sein de Dieu même; un monde qui trompe et qui passe; le temps qui roule au sein de l'éternité immobile; la vie et tous ses biens emportés, comme des atô ́mes, dans ce tourbillon dévorant; les générations humaines successivement englouties dans cet immense océan de l'éternité; et Dieu qui reste, et qui les attend. Voilà les grands leviers de l'éloquence évangélique.

l'in

Elle a quelques passions à remuer: la crainte, pour troubler la sécurité dés méchans; la commisération, pour émouvoir l'homme sensible en faveur de ses frères; dignation, pour repousser l'exemple d'une prospérité coupable; la honte, pour humilier l'homme vicieux et superbe, à la vue de sa bassesse, de son opprobre et de son néant. Elle a aussi, pour consoler, pour encourager l'homme foible et, fragile, mais indulgent et secourable, l'espérance, la confiance en un Dieu, père de la nature, les prodiges de sa clémence, les mystères de son amour. Enfin, dans le soin de soi-même, dans l'intérêt de son propre bonheur dans le penchant qu'ont tous les hommes dont le cœur n'est pas dépravé, à s'aimer réciproquement, à se consoler dans

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leurs peines, à s'entr'aider dans leurs besoins, à se soulager dans leurs maux l'orateur chrétien trouve encore des moyens de persuasion. Il fera voir, même dans cette vie, l'enfer anticipé du crime : aux convulsions d'une ame en proie aux passions, au trouble qui accompagne les plaisirs vicieux, à l'amertume qu'ils déposent, à l'avilissement, aux angoisses, aux remords de l'iniquité, il opposera la fermeté de l'innocence, le caline de la bonne foi, les célestes pressentimens de la piété, les voluptés de la bienfaisance, les délices de la vertu. C'en est assez pour captiver, pour émouvoir un nombreux auditoire, et pour gagner la cause de la religion au tribunal même de la na

ture.

Un avantage que semble avoir l'éloquence de la chaire sur celle du barreau, c'est que l'orateur parle seul, et n'est point exposé à la réplique. Mais s'il veut laisser dans les esprits une persuasion durable, une conviction profonde, il plaidera lui-même les deux causes et avec la même sincérité : car il faut bien qu'il se souvienne qu'il a dans l'auditoire un adversaire d'autant plus opiniâtre qu'il est muet, et qui, dans son silence, s'exagère la force des raisons qu'il lui opposeroit, s'il lui étoit permis de parler.

Je n'entends pas qu'un sermon dégénère en controverse scholastique; mais tout ce qu'un sujet présente d'objections graves à prévenir, ou de difficultés sérieuses à discuter et à resoudre, doit être exposé dans toute sa force, sans dissimulation et sans ménagement. C'est là ce qui donne sur-tout de la chaleur à l'éloquence, de la vigueur, de la véhémence au raisonnement et de l'éclat à la vérité.

Or, parmi les difficultés importantes, je compte nonseulement celles qui frappent des esprits solides, mais celles qui peuvent troubler, inquiéter la multitude, et obscurcir, dans le commun des hommes, la lumière du sens intime, de la raison ou de la foi: tels sont les sophismes des passions, les prétextes du vice, les subterfuges de l'incrédulité.

Observons cependant que tout ce qui demande une dialectique déliée et suivie, est peu propre à l'éloquence de la chaire, qui, destinée à captiver une multitude assemblée, doit être sensible, entraînante, et pour cela pleine d'images, de tableaux et de mouvemens. Bossuet, le plus

grand controviste de l'église romaine, a eu quelquefois le tort de l'être en chaire. Bourdaloue a prouvé la résurrection de Jésus-Christ, mais par les faits, en orateur fondé sur les preuves morales jamais, il n'a mis en question aucun des dogmes révélés.

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Il en est du dogme pour l'éloquence de la chaire comme des loix pour l'éloquence du barreau: il faut l'établir en principe, et ne le discuter jamais. Dans un auditoire chrétien, les incrédules sont en si petit nombre que ce n'est pas la peine de les y attaquer. Il vaut mieux supposer, comme il est vraisemblable qu'on parle à des esprits déjà persuadés de la vérité des prémisses, et s'attacher aux conséquences qui lient le dogme avec la morale, et communiquent à l'instruction la sainteté, la sublimité de leur source.

La seule raison qu'on peut avoir d'insister sur le dogme, c'est de prémunir les fidèles contre la séduction des écrits et des entretiens dangereux; mais cette précaution même a ses dangers; et les voici :

Pour combattre l'incrédulité, il faut raisonner avec elle; car les invectives ne prouvent rien: c'est la ressource des hommes sans talent qui veulent être remarqués: or, raisonner sur des objets inaccessibles à la raison, c'est donner un mauvais exemple; c'est du moins laisser croire que chacun peut ainsi mettre les motifs de sa foi à l'épreuve du syllogisme; et si, pour quelques esprits justes, solides, éclairés, cette méthode est sûre; elle est bien péril. leuse pour des esprits légers, superficiellement instruits.

De plus, si en attaquant l'incrédulité on lui laisse toutes ses armes, si on ne dissimule rien de ses prétextes spécieux, si ses sophismes sont présentés avec tout l'appapareil d'artifice et de force dont elle les a revêtus, ils troubleront les ames foibles, ils scandaliseront les simples; et au milieu des distractions d'un auditoire las de contentions théologiques, la solution échappera peut-être, la difficulté restera. Si, au contraire, pour combattre plus sûrement l'incrédulité, l'orateur la présente désarmée de ses raisons ou affoiblie dans sa défense, on doit craindre qu'une heure après, elle ne se montre elle-même, ou dans les livres ou dans le monde, avec ces moyens spécieux que l'éloquence aura dissimulés ou sensiblement affoiblis; et

qu'alors en s'appercevant que l'orateur en a imposé, on n'appelle artifice ce qui n'aura été que ménagement et prudence. Or, la première qualité de l'orateur est de paroître de bonne foi; et dès qu'il a perdu la confiance de son auditoire, pour avoir manqué de candeur, il auroit beau être éloquent, il faut qu'il renonce à la chaire.

Que faire donc, pour arrêter les progrès et les ravages de l'incrédulité ? Que faire ? de bons livres, dont la lecture ait de l'attrait; et là, bien mieux que dans un discours rapide et fugitif, se donner le temps et l'espace de couper successivement les cent têtes de l'hydre, que le glaive de la parole tente inutilement de trancher à-la-fois.

Le champ fertile et vaste de l'éloquence de la chaire, c'est la morale. Il s'agit de faire, non des chrétiens, mais de bons chrétiens; de parler comme l'évangile; d'inspirer aux hommes, la bonté, l'indulgence, la bienveillance mutuelle, la bienfaisance active, la tempérance, l'équité, la bonne foi, l'amour de l'ordre et de la paix : il s'agit de renvoyer son auditoire plus instruit, et sur-tout meilleur; de consoler, d'encourager les uns, de modérer et d'adoucir les autres, de resserrer les noeuds de la société et de la nature, et sur-tout les liens de cette charité universelle qui honore tant la religion; il s'agit de rendre le vice odieux, la vertu aimable le devoir attrayant, la condition de l'homme condamné à la peine, plus douce ou moins intolé rable: il s'agit de faire produire à la nature le plus de biens qu'il est possible, d'en extirper le plus de maux, et de couronner les efforts qu'on aura faits pour consommer l'ouvrage de la félicité publique, en imprimant au malheur même ce caractère consolant qui le rend cher à celui qui l'éprouve, et qui, dans le Dieu qui l'afflige, lui montre

un rémunérateur.

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La nature, l'objet, les principaux moyens de l'éloquence de la chaire une fois connus, il est aisé de déterminer quels en sont les genres et les caractères, et quelles dispositions elle exige dans l'orateur.

Observons d'abord, à l'égard des genres, qu'à l'inversede l'éloquence du barreau, tandis que celle-ci doit sans cesse descendre du général au particulier, la première doit tendre et s'élever sans cesse du particulier au géné ral: l'une ramène les maximes au fait; l'autre étend les

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