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Fénélon, quand mes yeux attachés sur tes yeux
Se mouillaient devant toi de pleurs délicieux,
Et que mon cœur ému, cherchant à se répandre,
T'adresse le tribut le plus vrai, le plus tendre,
Le tribut de l'amour, et ce culte si doux
Que l'ange de la paix recevrait parmi nous;
Suis-je insensé? parlé-je à la toile, à l'argile?
Je parle à cet esprit qui fend d'une aile agile
Les champs de la lumière, et, comme elle épandu,
Sur ces murs quelquefois tient son vol suspendu.
Au plaisir d'être aimé s'il est sensible encore,
Ce lycée est un temple où sans cesse on l'adore :
Il doit s'y plaire. Et toi (1), dont les travaux divers
Ont durant soixante ans étonné l'univers,
L'aurais-tu déposée au terme de la vie,
Cette gloire qui fit le tourment de l'envie;
Et d'un monde par toi si long-temps éclairé
Ton indigne tombeau t'aurait-il séparé?

Quoi! tandis que tes vers enchantent nos oreilles;
Que nos plus doux plaisirs sont le fruit de tes veilles;
Que d'une voix enfin tous les cœurs attendris
Du grand art d'émouvoir te décernent le prix;
Qu'instruits par tes leçons, des rois couverts de gloire
T'accompagnent en pompe au temple de mémoire,
Et sur un monument à jamais affermi

Vont graver de leur main le nom de leur ami;
Tu ne l'entendrais pas ce concert de louange,
Ce cri des nations qui t'honore et te venge!
Vous, qui deviez former des accords si touchans
Suspendez votre lyre, interrompez vos chants,
Enfans du Pinde (2): au sein d'une nuit vaste et sombre,
Vos sons perdus jamais n'iront flatter son ombre.
Aux pleurs des malheureux, aux éloges des rois,
Voltaire est insensible; il n'entend plus nos voix.
Elle fut donc bien vaine, hélas! cette espérance,
De consoler son ombre et d'acquitter la France,
Lorsque par l'univers notre zèle avoué

Promit la palme à qui l'aurait le mieux loué!
Et toi, Molière (3), et toi, lorsqu'un siècle plus juste

(1) Le buste de Voltaire était exposé aux yeux de l'assemblée. (2) L'éloge de Voltaire était le sujet du prix de poésie. (3) Le bute de Molière était aussi exposé dans la salle en face de celui de Voltaire.

Mélanges.

21

Au buste de Voltaire associant ton buste,

Consacre parmi nous ton génie et le sien,
Est-il vrai que pour toi la gloire n'est plus rien;
Et qu'en vain mis au rang des mortels les plus sages,
Tu ne sauras jamais, sur les sombres rivages,
Combien de tes affronts ta patrie a gémi,
Combien de tes succès l'imposture a frémi?
Ah! le lâche envieux et le fourbe hypocrite
Peuvent donc avec joie insulter le mérite!
Vivant, il est en proie à ses diffamateurs;
Mort, il n'a plus d'amis ni de consolateurs.
Aux traits de l'impudence et de la calomnie
Le ciel aura livré la vertu, le génie;
Ils auront vu l'orgueil dédaigneux et jaloux
Leur faire de la vie épuiser les dégoûts,
Et de leurs ennemis, renouvelés sans cesse,
Encourager l'audace et payer la bassesse;
Et lorsque la justice, arrivant sur leurs
Vient venger leur mémoire, ils ne l'entendraient pas !
Cessons d'injurier le ciel et la nature;

pas,

Et, quand l'homme a vécu pour la race future,
Croyons que de sa gloire il va jouir en paix.
Pour la postérité les grands hommes sont faits.
Ils ont semé pour elle, et chez elle ils recueillent.
Comme leurs bienfaiteurs les siècles les accueillent;
Et, présens d'âge en àge à ce beau souvenir,
Leur espace est le monde, et leur temps l'avenir.

VOUS AVEZ TORT;

AVIS

AUX GENS DE LETTRES.

(1779.)

OUI, messieurs, vous avez tort;

Tout le monde en est d'accord.

Eh quoi! tandis qu'à Voltaire
On refuse un vain tombeau,
A son ombre solitaire

Vous décernez sans mystère
Le triomphe le plus beau!
Il eût mieux valu vous taire
Que de tant louer un mort:
C'est aux vivans qu'il faut plaire,
Et qui les brave a grand tort.

Vous voulez apprendre à vivre
A des gens plus fins que vous;
Vous croyez avec un livre
Guérir des sots et des fous;
Moutons, vous chassez des loups.
Quelle démence profonde!
Le bel-esprit se croit fort
Quand la raison le seconde;"
Mais bien souvent dans ce monde
La raison même est un tort.

Votre vie est consumée
En de pénibles travaux,

Et vos sublimes cerveaux
Sont enivrés de fumée.
Vous ne flattez ni l'orgueil
Ni la stupide opulence;
D'un parvenu d'importance
Vous dédaignez le coup d'œil:
Plus d'ode gratulatoire,
Plus d'épître adulatoire
Pour les favoris du sort.
Aussi quel est le rapport
D'un art si peu méritoire?
De la gloire. De la gloire!
Pauvres gens, vous avez tort.

D'épurer les mœurs publiques
Vous recherchez les moyens!
Vous voulez, censeurs stoïques,
Des courtisans véridiques,
Des ministres citoyens!

Vous jugez avec audace

L'homme en faveur, l'homme en place :

S'il ne fait pas ce qu'il doit,

Dans vos regards il ne voit

Qu'un froid respect qui le glace.

Vous paraissez engoués

D'un mérite qui l'efface,
Et devant lui, face à face,
Sully, Colbert, sont loués.
Ce n'est pas tout, Sous l'empire
D'une paisible équité,

Vous voulez que tout respire
L'ordre et la tranquillité;
Vous prêchez l'économie!
Le beau moyen de régner!
Le rare effort de génie
Que de savoir épargner!
Vous en parlez à votre aise,
Vous qui ne possédez rien;
Mais ailleurs, ne vous déplaise
Le désordre est un grand bien!
Et si jamais le système
De tout réduire à des lois
Est adopté par les rois,
Qui voulez-vous qui les aime?

Des laboureurs? des bourgeois ?
Que fait au cercle où nous sommes
Cette foule d'inconnus ?

Qu'ils soient à jeun, qu'ils soient nus;
Que nous importe des hommes
Que nous n'avons jamais vus?
Tout ce peuple est une espèce,
Un automate à ressort.

Pour lui vous plaidez sans cesse;
Vous avez tort, et grand tort.

Vous faites plus. On publie
Que vous destinez un prix
A celui des beaux-esprits
Dont l'éloquente folie
Loûra le mieux dans Paris
La servitude abolie!

Par-là vous croyez d'abord
L'humanité relevée;

Mais que devient la corvée ?
Le faible est toujours trop fort.
L'affranchir est une fraude;
Et les seigneurs de Saint-Claude
Vous diront: Vous avez tort.

Que vous fait le cagotisme,
Pour vouloir en dégoûter?
Pourquoi tant vous irriter
Contre le vieux despotisme?
Et ce pauvre fanatisme
Pourquoi le persécuter?
Vous avez pris pour marotte
L'amour de la vérité;
Par vous est décrédité
Le préjugé qui garrotte
La crédule humanité;
Aussi par la gent bigote
Dieu sait comme est soudoyé,
Dieu sait comme est appuyé
L'écrivain qui vous ballotte.

Vos ennemis l'aiment fort:
Impudent, soit, mais habile.
Le trafic d'une âme vile

Est toujours d'un bon rapport.

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