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il n'a pour lui qu'une immobile résistance; il serait trop redoutable, s'il était plus animé. Toutefois, c'est moins la chaleur que la lumière qui lui manque : il est aveugle et par-là dangereux pour la puissance qui l'emploie : c'est ici l'objet important.

Un homme qui sert son pays parce qu'il l'aime, qu'il est heureux, ou qu'il espère au moins de l'être; parce qu'il ne voit dans les lois ni exclusion, ni préférence qui l'empêche de se flatter qu'il participe au bien public; parce qu'au destin de l'état il croit voir attaché le sort de sa famille, le sien, celui de ses amis; cet homme, dis-je, est éclairé dans son zèle et dans son courage: il peut, sans être absurde, aimer dans sa patrie une mère qui le chérit; et cet amour, porté jusqu'à l'héroïsme, peut se dégager à la fin de tout intérêt personnel; il peut passer dans tous les cœurs, devenir la vertu du peuple; et plus ce peuple est courageux, plus l'état doit compter sur lui.

Mais le soldat qui n'obéit que parce qu'un chef lui commande, obéira sans discernement à qui osera lui commander. Étranger à tous les partis, tous les partis lui sont égaux. Semblable au canon d'un rempart que l'on tourne contre la place, et qui, dès ce moment, foudroie les assiégés qu'il défendait, une armée que rien n'attache à la constitution présente, la défend aujourd'hui, l'attaquera demain, suivant l'impulsion ou la direction du mo

ment.

On compte sur un faux instinct d'attachement, d'obéissance; mais, quoi que l'on ait fait pour étouffer dans l'homme le sentiment de ce qui lui

est dû, la nature n'est qu'assoupie, un seul cri la peut réveiller.

Qu'au milieu de ce peuple stupide et vaillant qui va combattre sans savoir pourquoi, tout à coup il s'élève un chef assez ambitieux et assez téméraire pour lui dire : « Arrêtez, reconnaissez » vos droits et le digne emploi de vos forces. La » térre qui vous a vus naître vous a répudiés : » les lois vous ont exclus de cet héritage com» mun vous l'avez défriché; mais d'autres le >> possèdent ; vous et le boeuf, qui sous le joug » est attaché à la charrue, vous êtes mis au » même rang. La nature vous appelait au par>> tage de son domaine, la tyrannie vous a re» poussés, et vous a dit : Vous n'étes point des » hommes; vivez comme ces animaux, pour » me servir et m'obéir. O mes amis ! est-il donc >> vrai que vous soyez pareils aux animaux ser>> viles? Est-il vrai que comme eux vous trem» bliez sous vos maîtres, vous qui ne tremblez

point devant vos ennemis? Ah! vos ennemis » sont vos maîtres, et c'est pour eux que vous >> voulez aller répandre votre sang! Connaissez >> mieux le prix de ce sang qu'on prodigue. C'est » votre liberté ravie qu'il sera beau de racheter. » Vous avez laissé dans les fers vos pères, vos >> enfans, vos femmes ; et vous cherchez d'autres » périls que celui de les délivrer! Peut-être un » exacteur avide les dépouille dans ce moment... » Suivez-moi, venez réclamer les droits sacrés » de la nature; forcez les lois à rétracter l'in» jure qu'elles vous ont faite, et l'état à la » réparer. »

A ces mots, je demande s'il est avantageux, pour ce qu'on appelle l'état, que cette armée

ait du courage; si le frein de la discipline est un garant bien sûr de sa fidélité (1)? Ĉelui de la religion sera plus respecté peut-être ; mais combien n'est-il pas facile de convaincre un peuple opprimé, que la religion ne peut autoriser ce qui outrage la nature; que tous les hommes sont égaux devant l'Étre éternel dont ils sont tous l'ouvrage, et que tout ce qui porte le caractère de l'iniquité ne vient point de lui? Ce qui répugne le plus à l'homme, c'est de croite à un Dieu injuste. Et quoi de plus injuste, que le Dieu qui aurait fait des esclaves et des tyrans ?

L'exclusion donnée au peuple laboureur, pour la propriété des terres, nuirait donc autant à la force qu'à la solidité de la constitution. Mais c'est peu qu'un état soit solide et puissant, il faut encore qu'il soit heureux; et cet avantage lui seul balancerait les deux autres, s'il leur était opposé. Il nous reste à voir s'ils s'ac

cordent.

on

(1) Pour s'attacher le peuple et affaiblir ses maîtres, lui a offert contre eux le refuge des lois et de l'autorité publique. En Bohème et en Moravie, on lui a donné des avocats chargés de prendre sa défense, et des tribunaux pour juger entre ses despotes et lui. Mais les tribunaux établis pour protéger le faible contre l'homme puissant seront-ils toujours vigilans, fermes, justes, incorruptibles ? Et en supposant la faveur, ou plutôt l'équité des lois constamment assurée à de pauvres esclaves contre des maîtres opulens, ceux-ci n'auront-ils pas encore le moyen de se venger par mille chagrins domestiques? Favoriser un peuple esclave, ce n'est que pallier le mal. L'affranchir est le vrai remède. D'ailleurs, diviser pour régner est une politique affligeante et pénible pour les souverains qui l'emploient : il faut unir et dominer par l'ascendant de la justice et de l'intérêt gé

néral.

BONHEUR.

Quand on est bien soi-même, croire que tout est bien, c'est le calcul de l'amour-propre, que la politique a souvent adopté. Le bonheur de l'état, comme chacun l'entend, n'est bien souvent que le bonheur de la classe l'on consulte, ou de l'homme qu'on interroge. Tàchons ici de le voir dans toute son étendue, exclusion ni préférence, avec les yeux de l'équité.

que

sans

Le bonheur de l'état n'est exclusivement ni le bonheur du souverain, ni le bonheur des grands, ni le bonheur du peuple; c'est le bonheur de tous les ordres de l'état, surtout celui du plus grand nombre dans le plus haut degré possible; et le système qui concilie le plus facilement et le plus sûrement tous ces intérêts divisés et contraires en apparence, est le plan qu'on doit préférer.

D'abord on sent bien que la force et la solidité de la constitution doivent être la base du bonheur de l'état, puisque sa sûreté, son repos, en dépendent, et que sa considération, d'où résultent mille agrémens, lui vient du respect qu'il imprime, de l'ascendant qu'il peut avoir, et du poids dont il est dans la grande balance des intérêts des nations. Mais à ce bonheur collectif, qui résulte de son repos, de sa sûreté, de sa gloire, se joint un bonheur de détail, distribué selon les rangs, et qu'un législateur ne doit pas négliger.

Les hommes cherchent leur bien-être; ils ont eru le trouver dans la société, et la société s'est.

formée. Il a fallu des lois, et un dépositaire des lois ; il a fallu une force publique, et un dépositaire de cette force. Si la balance et le glaive avaient été remis en des mains différentes, la force aurait été sans frein, et la loi sans vigueur. On a réuni l'une et l'autre. Tel peuple, selon son génie, a pris pour dépositaire un sénat; tel autre un roi, plus ou moins absolu; mais chacun d'eux, en se donnant un tuteur, un modérateur, n'a consulté que son bien-être.

Dans le nombre des associés, il s'en est trouvé de plus sages, de plus vaillans, de plus utiles, que l'état regardait comme ses bienfaiteurs. Soit estime, ou reconnaissance, ou désir d'exciter par eux une noble émulation, la multitude a pu vouloir les élever au-dessus d'elle, par des honneurs, des priviléges et des possessions distinguées; mais c'est encore son intérêt qu'elle a consulté en les favorisant.

Enfin elle s'est fait un sort à elle-même des avantages les plus naturels, et qui doivent lui être communs avec les classes privilégiées. Voilà done trois rangs établis d'institution primitive, et par conséquent trois degrés de bienêtre; car le bien-être est la jouissance des avantages attachés à la condition de chacun.

Il est aisé de pressentir les conséquences de. cette hypothèse; mais on peut m'objecter d'abord qu'elle est gratuite, en ce qu'elle suppose le peuple instituteur de la société et distribuant le bien-être, lui qui, selon toute apparence, commença par être asservi.

Je réponds à cela que dans l'ordre établi rien n'est juste, et rien n'est durable que ce qui fut convenu selon la nature, l'équité, la saine rai

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