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qui fait l'ame de fon style, on court rifque de devenir plattement languif fant. C'est ainsi que Racine traduit dans une langue étrangere, rougiroit de fe voir fi différent de lui-même, & refuferoit de fe reconnoître. On rend aifément des penfées vives, un ftyle ferré, nerveux, & plein de feu; mais non des graces tendres & negligées, un ftyle diffus & foutenu par la feule naïveté. Euripide écrivoit fuivant la fituation où fe trouvoit fon efprit. Or il étoit naturellement mé→ lancholique, Philofophe, & ennemi de la joye. Son humeur moins vive que douce, fon cœur fenfible, & fon. caractere un peu chagrin & porté à la plainte, ont paffé jufques dans fes écrits. Il n'avoit pas en effet de grands fujets de joye, & l'on prétend qu'il en trouva quelques-uns de mécontentement dans deux femmes * qu'il épousa T'une après l'autre. L'on dit encore, *** que dans un voyage qu'il fit il perdit une époufe chérie, deux fils, & une fille, qui avoient mangé des champignons mauvais ou mal apprêtés; & qu'il fit à ce fujet une Epigrams*Manuel Mofchop.

**ATHEN. Deipnof. 1. 20.

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me dont voici le fens. » O Soleil » qui parcours l'immenfité des Cieux, "vis-tu jamais une fi funefte calami»té! Quoi, une mere, fes deux fils, » & fa fille, enlevés du même coup à mes yeux ! Dans ce ftyle fimple, pathétique, affectueux, & plaintif, il eft aifé de le reconnoître. Il fe peint toujours lui-même. On a pû le voir dans les quatres Pieces entiérement traduites, & on le verra de même dans les quatorze fuivantes, qui font expofées encore plus au long que celles de Sophocle. Il n'a fallu traduire que ce qui pouvoit & devoit être raifonnablement traduit, & je me flatte que le Lecteur ne perdra rien du refte; qu'il retrouvera tout Euripide; & qu'il me fçaura gré d'une méthode tantôt directe, tantôt indirecte fans laquelle j'ofe avancer qu'il eût été impoffible de prefenter aux François le Théâtre des Grecs.

Si l'on vouloit lire les Piéces dans l'ordre naturel des Sujets plus ou moins anciens, voilà le rang où il faudroit. les placer:

ION..

LES BACCHANTES.

MEDE' E.

HIPPOLYTE.

ALCESTE.

HERCULE FURIEUX.

LES PHENICIENNES.

LES SUPPLIANTES.

IPHIGENIE en Aulide.

RHESUS.

LES TROYENNES

HECUBE.

LES HERACLIDES

ELECTRE.

ORESTE.

ANDROMA QUE.

IPHIGENIE en Tauride:

HELENE.

Euripide avoit compofé 75 Tragedies; on ne parle point ici du Cyclope pour les raisons qu'on a dites ailleurs

LES

TRAGEDIES

D'EURIPIDE.

HECUBE

PRES la prife de Troye; les Grecs fe retirerent dans la Cherfonnèfe Thracienne* où regnoit Polymestor. Ils y avoient conduit Hecube avec les principales Dames Troyennes, qu'ils avoient partagées entre eux en qualité de captives. Là comme ils rendoient de nouveaux honneurs funebres à Achille, dont le corps étoit inhumé dans les champs Phrygiens, l'ombre de ce Héros

Cherfonnèfe Thracienne, prefqu'Ile de la Thrace qu'environnent l'Hellefpont, la mes Egée, & le Golfe du Melas.

s'apparut à eux fur le tombeau vuide qu'on lui avoit dreffé & déclara à l'armée Grecque, que fi elle vouloit fortir heureusement de la Cherfonnèfe, il falloit lui donner Polixéne fille d'Hecube & de Priam, comme un prix qui lui étoit dû, & qu'il s'étoit réservé. Cette jeune Princeffe lui avoit été promife dans une tréve par le Roy Priam; & comme il étoit fur le point de tenir La promeffe, Paris & Deiphobus avoient tué Achille. Les Grecs déterminés à fatisfaire les Mânes de ce Vainqueur de Troye, lui facrifierent Polyxéne malgré les cris d'une mere au défefpoir, & d'autant plus malheureufe que Polymeftor de fon côté par une perfidie inouie avoit fait mourir Polydore fils d'Hecube. Priam avant les derniers malheurs de Troye avoit confié au Roy Thracien cet enfant avec de nombreux tréfors pour fervir un jour de reffource à fa patrie & à fa maifon défolée. Ilion étant devenue la proye des Grecs, Polymestor oublia fon ancien allié & l'avarice l'emportant fur la fidélité, il se défit du petit Prince pour jouïr impunément des

tréfors.

Hunc Polydorum auri. quondam cum pondere magna VIRG. Eneid l. 3. v.. 44.

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