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dre, dit-elle? Non, dit la fuivante; & auffi-tôt elle découvre le corps. Il fe trouve que c'eft celui de Polydore qu'Hécube reconnoît. Sa douleur n'a plus de bornes. C'eft une fureur véritable. Auffi la mesure des vers changet'elle; & il y a apparence que le refte de cette Scéne étoit en partie chanté ou du moins accompagné d'inftrumens pour animer les Acteurs, comme on le voit dans plufieurs autres endroits des Tragédies Grecques, où les Scènes extrêmement paffionnées font parfe mées de Strophes, ainfi que les Intermé des des Actes.

La Suivante dit, qu'elle a trouvé le corps de Polydore fur le bord de la mer qui l'avoit rejetté de fon fein. Hé cube fe fouvient alors du fonge qu'elle a eû la nuit précédente. Elle ne doute plus que Polymeftor n'ait fait périr fon fils pour s'emparer des tréfors de Troye. Le Choeur intéreffé dans toute cette Scène, voit paroître Agamemnon, & fe tait.

Ce Roi vient prier Hécube d'enfevelir au plûtôt Polyxène, & il s'étonne de fon délai. C'étoit le devoir d'une mere ou du plus proche parent. Agamemnon en fe détournant apperçoit

le cadavre. Il reconnoît à l'habillemen que c'eft un Troyen qu'on a tué. Hecube à part balance fi elle fe jettera aux pieds d'Agamemnon, pour le fup→ plier de prendre en main fes interêts contre la violence de Polymeftor; un refte de fierté de Reine, & la crainte d'un refus la font balancer. L'humanité du Roi, la foif de la vengeance, & l'intérêt d'un fils, fi cruellement malfacré l'emportent. Elle tombe aux genoux du Roi de Mycènes. » Que demandez

vous, dit-il? La liberté? Elle vous eft 29 accordée. Il pouvoit la lui donner comme chef de l'armée Grecque,» Non, répond Hécube, la captivité me fera douce, dut-elle durer autant que ma » vie, pourvû que je fois vengée. Vous » voyez ce cadavre. C'eft mon fils. " Elle lui raconte l'hiftoire de Polydore & la trahison de Polymeftor. L'unique faveur qu'elle demande, c'eft qu'on lui aide à fe venger de ce Roi perfide qui a violé les droits les plus facrés de l'hofpitalité & de l'amitié pour fatisfairę fon avarice. Agamemnon paroît balancer. » Vous reculez, dit-elle, ah Reine » infortunée, j'aurai perdu mes vœux

& ma vengeance! Il y a encore ici une de ces fentences fi cheres aux

Grecs & fi foigneufement remarquées par les Commentateurs, " Hé, pourquoi cultiver tant les autres arts, & ne pas employer tous fes foins à trou>>ver l'art d'obtenir tout par la perfua"fion?», II eft vrai qu'à cette fentence près, qui ne feroit pas de notre goût, Hécube employe tout ce que la nature peut fuggérer de plus paffionné pour toucher fon Vainqueur. C'eft une cap tive autrefois Reine qui le fupplic; c'eft une mere dont on a égorgé impunément les enfans; c'eft contre un traitre qu'elle implore la juftice d'un ennemi généreux, Les hommes, les Dieux, & le corps qu'elle lui montre la demandent pour elle. Troye encore fumante le préfente à fon fouvenir; comme dans l'Andromaque de Racine qui a fuivi ces images & imité ce morceau.

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Seigneur, voyez l'état où vous me reduifez J'ai vu mon pere mort & nos murs em

brafez.

J'ai vu trancher les jours de ma famille en

tiere,

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Et mon époux fanglant trainé fur la pouffiere
Son fils feul avec moi refervé pour les fers.
Mais que ne peut un fils! &c.

* RACINE, Andromag. Act. III. Sc. VE

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La Scène entiere de Racine eft précilément la même que celle d'Euripide. Même embarras, même fituation d'Hécube & d'Andromaque; même ardeur dans chacune de flếchir, l'une Agamemnon, l'autre Pyrrhus. Enfin pour dernier effort, Hecube domte fa plus vive répugnance, & remontre à Agamemnon que Caffandre eft fa captive, & fon épouse. C'est par ce tendre nom qui coute fi cher à la fille & à la mere qu'Hécube tâche de l'ébranler. Elle voudroit que tout dans elle prit la parole, fes mains, fa démarche, fes cheveux blancs, & que par autant de voix élo quentes, tout exprimât la vivacité de fa douleur.

Agamemnon l'écoute en filence & d'un air rêveur. Emû d'une compaffion noble, il ne peut lui refufer fon fecours contre Polymeftor. Mais une crainte politique l'inquiéte. Il voudroit ne paroître pas immoler ce Prince à l'amour de Caffandre. Qu'en diroit la Grece affemblée? Polymestor eft fon allié: Polydore eft cenfé ennemi. Les fentimens d'une mere ne paffent point dans les cœurs d'une armée, & les intérêts de l'une font bien différens de ceux de l'autre, En un mot, il ne veut point s'at

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tirer l'indignation des Grecs. » Helas, "s'écrie Hécube, perfonne n'eft donc » libré, fi les Rois ne le font pas! l'homme eft donc efclave des richeffes où » de l'éclat de vains égards pour une » multitude infenfée ou pour de chime» riques loix étouffent donc l'humanité » & les mœurs! hé bien, ajoûte, t'elle, »fi vous ne craignez que les bruits de » la Gréce, je vous délivre de cette » crainte. Je ne vous prie plus de fer>> vir ma vengeance. Soyez en feulement » le dépofitaire: gardez mon fecret, & » fi durant l'effort que je médite il ar»rive quelque émeute, arrêtez-en le

"

cours, fans paroître agir en ma fa>veur, Du refte, laiffez-moi le foin de me venger. Hé, comment vous ven» gerez vous, dit Agamemnon? Par des femmes, répond-elle. Faites feulement que celle-ci ( c'eft une d'entr'elles) puiffe traverfer le camp en fureté Elle lui donne ordre auffi-tôt d'aller de fa part prier Polymeftor de venir la trouver pour un intérêt commun. A l'égard de la cérémonie funébre, elle la différe après fa vengeance.

Agamemnon entré dans fes deffeins; & fe retire en terminant l'Acte, qui est fuivi de l'Interméde chanté par le Chœur.

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