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Car Sophocle nous la peint vertueufe quoique jaloufe. En effet fa jaloufie n'eft pas celle d'une Medée qui veuille perdre une rivale & fon époux. Elle ne veut que ramener le cœur de l'un, & le détacher de l'autre,

Elle fe rappelle donc l'operation ma‐ gique qu'elle a faite, & quelques prodiges qui l'ont accompagnée. Neffus lui avoit dit de garder son sang dans un lieu ténébreux, d'en faire en fecret & dans les ténébres l'ufage qu'elle fouhaiteroit, & d'empêcher fur tout que le voile teint de ce fang ne vît le jour avant que d'être porté. Elle a pratiqué à la lettre toutes ces chofes. Mais le floccon de laine dont elle s'est servie en guise d'éponge pour infinuer fon philtre dans la robe s'eft confumé de lui-même étant expofé au jour. Cette merveille effraye Déjanire, & elle commence, mais trop tard, à se défier des préfens du Centaure. » Quelle raifon en effet un amant ,,offenfé & mourant auroit-il eue de lui » vouloir du bien? Sans doute c'étoit » pour se venger de fon ennemi qu'il l'a ,, flattée d'une feinte confidence, La Reine fe rappelle de plus, que les fléches dont le Centaure a été bleffé étoient empoisonnées du venin de l'hydre. Elle

ne doute plus qu'Hercule ne foit la victime de ce prétendu philtre. Elle est refolue, fi la chofe arrive, de fe donner la mort, & de cacher fa honte dans le tombeau.

Ce repentir d'un cœur vertueux, mais féduit, eft bien dans la nature; & je ne pense pas qu'on puiffe l'exprimer plus heureusement que l'a fait Sophocle. Le Chœur tache envain de raffurer la Reine, & de l'engager du moins à mieux efped'un ftratagême qu'elle a crû innocent. Déjanire fent redoubler fes inquiétudes; & fon fils Hyllus qui revient à l'improvifte ne les confirme que trop par ce difcours. » Ah! ma mere, » puiffiez-vous, ou n'être pas ma mere, » ou ceffer de vivre, ou plutôt être ,, moins criminelle ! Vous avez tué au»jourd'hui mon pere & votre époux ».

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Déjanire épouvantée l'interroge, & reçoit à chaque réponse un nouveau coup de poignard. Hyllus vient d'être témoin du cruel état où la robe fatale à mis Hercule. Ce Héros étoit à Cénée où il élevoit un Temple en l'honneur de Jupiter, & traçoit le deffein du bois facré. C'eft là que fon fils Hyllus l'a vû & que Lichas eft venu le trouver avec la caffette qu'il apportoit. Il y a ici une

faute affez difficile à juftifier. C'est la même que dans les Captifs de Plauté. En effet, l'intervalle de Cénée à Trachine eft un Détroit trop confiderable pour le paffer dans un auffi court efpace de tems que Sophocle le fuppofe pour le voyage & le retour d'Hyllus & de Lichas. Comment Hyllus a-t'il pû en quelques heures aller trouver fon pere, le voir occupé à des deffeins d'Architecture pour ériger un Temple, affifter à un facrifice où fe trouve encore Lichas au retour de Trachine, être en un mot témoin de tout ce qui s'eft paffé, & revenir avec fon pere pendant la durée de deux Actes. Cela paroît forcé, fur tout dans une Tragédie Grecque, où l'action n'eft jamais interrompue. Mais Sophocle fi fcrupuleux d'abord fur toutes les vraifemblances, comptoit fans doute fur l'éloignement de ces lieux par rapport à Athénes, où le grand nombre des Spectateurs n'y regardoit pas de fi près, & fe prêtoit à la vraisemblance Geographique, quand elle ne lui paroiffoit que mediocrement bleffée. Ainfi & plus encore le font aujourd'hui les Spectateurs, quoique mieux inftruits, en voyant plufieurs Tragédies où les circonftances des lieux font fou

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vent beaucoup moins ménagées. Reprenons le fil du récit d'Hyllus. » Alcide en confidération de fon épouse » s'eft revêtu de la robe qu'elle avoit » envoyée. Il a paru dans cet ornement » à un pompeux facrifice. Mais à peine » le feu avoit-il commencé d'embrafer » le bucher où étoient les victimes, que » le venin dont la robe étoit infectée a fait » fentir fon funefte effet. Une fueur.vio>> lente eft fortie de tout le corps d'Her»cule. La fatale robe s'eft attachée à fa » chair fans pouvoir en être enlevée qu'a» vec la chair même. Le poifon fe gliffant » dans les veines a pénétré jufqu'à la » moëlle des os. Hercule appelle Lichas; » lui demande de quelle main il a reçûi cet » horrible préfent: & fur fa réponse que "c'eft de Déjanire, faifi de courroux & preffé par l'excès de la douleur, il »prend le malheureux Lichas, & le » jette fi rudement fur un rocher, » fon corps en eft brifé«. (C'est pour rendre ceci croyable que Sophocle a cité le trait d'Iphitus.) » Tout le peuple est » frappé de terreur & nul n'ofe approcher » d'Hercule furieux. Il fe roule par terre: » puis il fe leve tout-à-coup, & pouffe des

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* Voyez OVID Metam. 1. 9. Tome IV

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» cris effroyables qui font retentir tous les » rivages. Enfin, ajoûte Hyllus, Hercule » en portant çà & là fes regards que la vio»lence du mal rendoit affreux, m'apper» çoit dans la foule où je fondois en lar»mes. Il m'appelle: Approchez, ô mon » fils; ne fuyez pas un pere déplorable: » duffiez-vous expirer avec moi, appro», chez;& s'il vous refte quelque pitié pour » un pere qui vous aime,tirez-moi au plu» tôt de cette terre étrangere, afin que je » termine ma deftinée dans un lieu où je >>puiffe me dérober aux yeux des mortels. » A ces mots, nous l'embarquons fur le » vaisseau. Nous l'emmenons avec peine ,fur ces bords, & bien-tôt vous le verrez » ou mourant, ou mort«. ( C'est au Chœur que ce difcours s'adreffe; puis Hyllus fe tourne vers la Reine fa mere.) ,, Madame, tel eft l'effet de vos noirs » projets & de votre attentat. Que ne m'eft-il permis de lancer fur vous les imprécations que méritent les parricides. ,, Mais je le puis, Madame; & vos forfaits me rendent tout permis. Ceft bien ,, la moindre vengeance qu'un fils puiffe » tirer d'une mere qui a la noifceur de » faire périr fon Pere, & le plus grand » des Héros >>.

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Déjanire fe retire fans pouvoir proférer

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