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dipe fort Pourquoi, dit-il, ma » fille, me rappeller à la lumiere qui » n'eft plus pou rmoi? D'où vient me » contraindre de fortir de mon tombeau, » moi qui ne fuis qu'un fantôme, ou » qu'un cadavre animé? Vous n'avez

plus de fils ni d'épouse, répond An"tigone. Je le dis avec douleur, & » non pour aigrir vos maux. C'est votre » Génie funefte qui a fondu fur eux, » pour les animer à leur perte mutuelle >>. dipe gémit, foupire, & pleure. » Que feroit-ce donc, reprend la Princeffe, » fi vous pouviez voir leurs cadavres » étendus par terre, vous en mourriez » de défefpoir". Elle lui raconte en deux mots, mais éloquemment la maniere dont ils ont péri; & le Chœur fou haite qu'au moins un jour fi horrible pour la Maifon d'Edipe foit le dernier de fes jours malheureux. Mais Créon qui arrive lui prépare de nouveaux malheurs,

En effet, il fe déclare Roi de Thébes fuivant les dernieres volontés d'Etéocle. Il veut que fon fils Hémon épouse Antigone, & qu'Edipe aille en exil, » Tiréfias, dit-il, affure que jamais fans >> cela Thébes ne jouira d'une paix durable: & c'eft à regret que je foufcris » à fon oracle. O Deftin, s'écrie Edipe!

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» fut-il jamais un mortel né fous de plus »effroyables aufpices» ! Il repasse tous fes malheurs, l'Oracle donné avant fa naiffance, la maniere dont on l'expofa fur le mont Cithéron, le cruel fervice qu'on lui rendit en fauvant fes jours, le meurtre de fon pere, fon hymen avec fa mere, fon aveuglement, fa prifon, la mort de Jocafte & de fes fils: & tout cela terminé par un exil pire pour lui que la mort. » D'où tirera-t'il le fecours néceffaire pour traîner une vie languiffante? Qui le conduira? Qui » prendra foin de fes jours? Jocafte ,, l'eût fait. Elle n'eft plus «. Il reproche à Créon fa dureté: mais loin de s'abaiffer à d'indignes prieres, il déclare qu'il ne fléchira point le genou devant un Tyran, & qu'il foutiendra jufqu'à la mort la majefté d'un Roi.

Le nouveau Roi porte plus loin la rigueur & la féverité tyrannique fous prétexte d'exacte équité. Il ordonne qu'on jette le cadavre de Polynice hors du pays Thébain fans fépulture, parce qu'il étoit venu porter le fer & le feu dans fa patrie. Il défend même de l'inhumer fous peine de mort.

Antigone outrée de ces derniers coups du Deftin, qui lui femblent plus cruels

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que tout ce qui a précedé, oublie un moment des morts chéris, pour pleurer un pere plus à plaindre qu'eux. » Ah, » mon pere, s'écrie-t'elle, vous êtes un modele accompli du malheur. Les au» tres le partagent. Vous en portez seul tout le poids. Puis fe tournant vers Créon, elle lui demande de quel droit il refuse la fépulture à Polynice. Il s'éleve entr'elle & Créon une conteftation trèsvive. Dût Thebes entiére s'y oppofer, elle fait ferment d'enfevelir fon frere.,,Hé bien, », dit le Roi, inhumez-vous donc vous-mê» me avec lui ». Elle prie, elle menace; mais inutilement. Créon eft infléxible. Il allégue l'ordre d'Etéocle & des Dieux.

Pour comprendre jufqu'où alloit la paffion des Anciens, s'il eft permis de parler ainsi, pour les honneurs du tombeau dans la Patrie, & la piété d'Antigone, il ne faut que lire ce qu'elle dit dans cette Scène pour obtenir du Tyran ce qu'elle fouhaite.

ANTIGONE. De quel front portez vous des loix contre un mort?

CREON. C'eft Etéocle qui a prononcé l'arrêt. C'est à moi de l'exécuter. ANTIG. L'arrêt eft injufte. C'est une injustice d'y avoir égard.

CREON. Quoi? n'eft-il pas jufte de maintenir les loix.

ANTIG. Non, quand elles font tyranniques.

CRE'ON. Eft-ce une tyrannie de punir Polynice?

ANTIG, Oui.

CRE' ON. Il étoit l'ennemi de la Patrie. ANTIG. Le hazard des évenemens l'a entraîné. La mort en eft le fruit. CREON. Et le refus du tombeau en fera la peine.

ANTIG. II pourfuivoit fes droits.. CREON. Il en fera puni. Je l'ordonne, je le veux.

ANTIG. Et moi je veux l'enfevelir, dût s'y opposer tout l'Etat.

CRE'ON. Enféveliffez-vous donc avec lui. ANTIG. Ce prix de ma tendreffe me fera glorieux.

CREON. Gardes, qu'on la faififfe, & qu'on la mene au Palais.

ANTIG. Vous avez beau faire; je ne quitte point ce cher mort.

CREON. Je pardonne à votre fexe. Sçachez donc que cet arrêt eft un décret des Dieux.

ANTIG. C'eft un décret des Dieux de ne pas infulter les morts.

CREON. L'ordre eft de ne pas l'environner, même d'un peu de pouffiere. ANTIG. Hé, Seigneur, je vous de

mande cette grace par cette Jocafte que vous voyez, votre fœur & ma mere. CRE'ON. Vains efforts! le deffein eft pris. ANTIG. Laiffez-moi feulement le laver d'eau pure.

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CRE' ON. C'est un point défendu. ANTIG. Que j'enveloppe du moins fes bleffures.

CRE'ON. Nul honneur à un perfide. ANTIG. O mon cher frere, j'aurai du moins la fatisfaction de vous embraffer.

CREON. Non; ne troublez pas d'un 'deuil hors de faifon l'hymen dont je vous bonore.

ANTIG. Dont tu m'honores, Tyran! Me crois-tu affez lâche pour époufer ton fils? CRE' ON. L'intérêt & la néceffité t'y réduiront.

ANTIG. La nuit que tu choifiras verra donc renaître une Danaïde.

CREON. Quelle audace, ô Ciel! ANTIG. J'en attefte le fer, dont je fais vœu de frapper cet époux. CREON. Hé pourquoi dédaigner cet hymen, ingrate ?

ANTIG. Pour accompagner un pere dans l'exil.

CREON. Vaine fierté qui dégénére en fureur !

ANTIG. Pour mourir avec lui, fi ce n'eft affez de l'exil.

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