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LA

THEBAIDE,

C

TRAGEDIE

DE

SENE QUE

ETTE piéce eft venuë jusqu'à nous fi mutilée, & la route que, Séneque a prife eft fi différente de celle d'Euripide, que je ne puis en dire que peu de chofe. Si du moins cette route étoit naturelle, on pourroic par le moyen des. conjectures, comme avec le fil d'Ariadne, en découvrir les détours. Mais on fait que ce n'eft pas la maniere de Séneque d'être naturel. Il va où fon feu. l'emporte de gauche à droite, & du blanc au noir. On a des reftes précieux des ftatues antiques, des troncs par exemple, & par leur fituation un sculpteur habile devine avec vrai-femblance quel Héros, ou quel: Dieu. repréfentoit la ftatuë enmere, & dans quelle attitude. Mais il

eft difficile de hazarder quelque chofe de femblable à l'égard de la Thébaïde de Séneque. D'ailleurs ce qui nous en refte eft d'un enthoufiafme fi extravagant, pour appeller la chose par fon nom, que ce feroit une peine inutile d'y chercher de la fuite. On me pardonnera de traiter ainfi Séneque après ce qu'on en a déja vû. Mais la Thébaïde eft bien autre chofe. Tout l'emportement de Lucain, lors même qu'il eft le plus énergumène, n'eft qu'un badinage au prix de Séneque. Toutefois il y a du vrai fublime. Ce font des traits qui échapent par hazard à un esprit très beau d'ailleurs, mais d'un goût dépravé, & d'une imagination empor

tée.

ACTE PREMIER..

Ce qui nous refte du premier Acte eft une Scène unique d'Edipe & d'Antigone. C'eft plus de 300. vers. Mais il n'y en a que fept ou huit qui aillent au fait, c'est-à-dire, qui indiquent le fujet de la Tragédie. Edipe aveuglé paroît avec sa fille, on ne fçait d'abord

* Il eft démontré, je crois, par l'étenduë des autres Tragédies latines, qu'il ne manque en cet Acte que quelques vers,& l'Ode du Chœur..

pourquoi; fi ce n'eft qu'on découvre peu à peu qu'il veut s'exiler lui-même de fon Palais, & s'abandonner à fon défespoir. On fe perfuade par fa fituation & par l'excès de fa douleur, qu'il n'y a pas long tems qu'il s'eft reconnu comme époux de fa mere. Autrement fes emportemens feroient tout-à-fait inexcufables. Une douleur fur laquelle le tems a paffé s'exprime avec plus de noblesse & de tranquillité. Cependant il doit y avoir au moins trois ou quatre ans qu'il s'eft reconnu. Edipe ne veut pas moins fe donner la mort, quelque prix que ce puiffe être : il en cherche tous les moyens, & d'une maniere fi folle, qu'après avoir inutilement demandé à fa fidelle Antigone,, ou un précipice, ou le fer, ou le poifon, il croit devoir recourir à fes propres mains. Il les apoftrophe pour les exhorter à le bien fervir. Mais l'embarras eft de décider par où il commencera à fe déchirer.,, Car, dit-il, je fuis criminel tout entier » ?

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que

Totus nocens fim ; quà voles mortem exige
Effringe corpus, &c..

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à

Ça, mon bras, commencez par où il vous plaira. Brifez mon corps, a

rachez mon cœur, déchirez mes en» trailles». Il continue l'énumération, & il conclut à s'en tenir à la tête parce que fes mains en ont déja tiré les yeux. Cela n'eft-il pas bien touchant? O fimplicité Grecque, qu'êtes vous devenuë fous la plume de ce bel efprit Latin!

Enfin @dipe déclare tous les crimes & toutes les horreurs dont le fouvenir & le fentiment l'obligent à fortir de la vie; & il finit comme en paffant par le malheur unique qui fait toutefois le fujet de la piéce, je veux dire, par la diffenfion cruelle de fes deux fils qui fe difputent le Trône. Il dit que l'un refufe de le céder, & que l'autre vient le redemander à main armée. Antigone en prend occafion de preffer dipe de vivre pour pacifier l'Etat & réconcilier fes fils. On ne fçait s'il l'accorde ou s'il le refuse. Car l'Acte eft tronqué en cet endroit. Nous verrons pourtant ce Prince reparoître.

Ce qui fe préfente d'abord à l'efprit après la lecture d'Euripide, c'eft que

le Poëte latin a voulu imiter la Scène d'Edipe dans le Poëte Grec. Mais il eft vifible qu'il l'a gâtée, & que d'une excellente chofe il en a fait une très mauvaife, par la place où il l'a mife, &

par l'affaifonnement qu'il lui a donné. Euripide fait fortir dipe de fa prifon pour être témoin des terribles châtimens dont le Ciel vient de punir fes fils, & pour y voir mettre le comble par fon propre banniffement. C'eft alors qu'Edipe peut & doit faire parler fes douleurs, comme il le fait avec majesté. Mais le Poëte latin ouvrant la Scène par les fureurs de ce Prince, ne lui donne aucun nouveau fujet de s'emporter, fi ce n'est à la fin la diffenfion de fes fils, dont le pere avoit été déja témoin, & peut être auteur par fes imprécations. Après tout on ne peut pas extravaguer en plus beaux vers que le fait dipe.

ACTE IT.

Il ne s'eft confervé que 40. vers du fecond Acte. On voit feulement un Officier qui annonce à dipe que Polynice vient affiéger Thébes à la tête: des Argiens, & il le prie d'écarter la tempête. » Moi, répond le Prince, je » ferois homme à empêcher le crime » & à retenir des mains prêtes à se baigner dans le fang le plus cher! non, » non, mes fils ne font point dégénerés. » Je les reconnois à ces traits ».

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