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des freres à fon époux. Déchirez & difperfez mon corps. Je fuis la mere de Polynice & d'Etéocle. Allons, obéiffez l'un & l'autre. Préfentez-moi enfemble vos mains tandis qu'elles font innocentes. Une funefte erreur vous fit coupables malgré-vous. Jufqu'ici c'est un crime de la Fortune. Vous en voyez aujourd'hui l'horreur. Il vous eft libre de l'adopter ou de le rejetter. Si la piété trouve encore place dans votre cœur, accordez-moi la paix. Si le crime vous plaît; un plus grand le fuivra. Je viens m'y oppofer. Ou la paix, où une prompte guerre... Mais qui des deux me faut-il prier? Qui embraffer le premier? Tous les deux partagent ma tendreffe. L'un étoit abfent; & fi leur ancien accord avoit lieu, l'autre le feroit bientôt. Ce n'eft donc que par la guerre qu'une mere les verrà réunis ! Approchez, Polynice, les travaux de l'exil que vous avez foufferts vous rendent plus précieux à une mere. Approchez; mais remettez dans le fourreau cette épée cruelle; fixez à terre ce javelot qui brûle de s'échaper de vos mains. Ce bouclier s'oppofe à vos embraffemens ; quittez-le. Ötez ce cafque, & montrez-vous à une mere, Pourquoi

détourner les yeux? Pourquoi obferver l'air & la main d'Etéocle? Je ferai votre bouclier, & fes coups ne feront couler votre fang qu'après le mien. D'où vient cet embarras? Vous défiez-vous de la foi d'une mere?

POLYNICE. Je crains tout, je l'avouë. La nature perd ici fes droits. Après l'exemple de deux freres fi cruellement ennemis, doit-on fe fier même à une mere ?

JOCASTE, Hé-bien, reprenez votre épée, votre cafque, & vos armes, tandis que votre frere mettra bas les fiennes. Etéocle, vous êtes la premiere caufe de guerre: c'eft à vous de vous défarmer le premier,

la

Tu pone ferrum, caufa qui es ferri prior.

Si la fureur du combat vous poffede, je ne demande qu'un court intervalle, qu'un moment pour embraffer un fils de retour d'un long exil. Souffrez que je l'embraffe pour la premiere ou la derniere fois. Soyez du moins défarmés quand je demande la paix. Vous vous redoutez l'un & l'autre; & je crains tous les deux, mais pour vous feuls. Polynice, pourquoi refufez-vous de pofer ce

fer? Jouiffez de la tréve. Vous en êtes le maître. Le combat après lequel vous foupirez l'un & l'autre rend la victoire honteufe, & la défaite honorable. Vous craignez d'être furpris par un frere! Ah quand il s'agit de furprise & de crime, foyezen plutôt la victime que l'auteur. Mais ne craignez rien. Une mere peut être garant pour l'un & l'autre. L'emporterai-je enfin, ou dois-je porter envie à l'aveuglement de votre pere? Suis-je venue pour vous détourner d'un attentat, ou pour le voir de plus près ?

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Etéocle a dépofé fes armes. Hé-bien, Polynice, c'eft donc à vous que je dois adreffer mes prieres, ou plutôt mes pleurs. Je vous revois, hélas, après tant de vœux! Vous êtes donc attaché à un Roi étranger! Tant de mers, tant de périls ont été témoins de votre fuite! Une mere n'a ni préfidé à votre hymenée, ni orné le Palais, ni paré les torches de bandelettes! Le pere de votre Epouse, au lieu de tréfors, de terres, & d'Etats ne vous a donné que la guerre pour dot. Gendre d'un ennemi, éloigné de votre patrie, réfugié dans un Etat

Il eft vraisemblable que Polynice leve du moins la vifiere de fon calque. Le texte le faït entendre.

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étranger, privé du vôtre, exilé fans crime, il ne vous manquoit de la destinée d'Edipe, qu'un hymen criminel; & vous en avez ferré les nœuds. O mon fils, que je revois après un fi log tems, ô fils, la crainte & l'efpérance éternelle d'une mere tendre, vous que j'ai fi fouvent demandé aux Dieux de revoir; quoi que ce retour dût m'être auffi funefte que cher! Quand cefferai-je, difois-je, de trembler pour lui? Vous le craindrez lui-même, m'ont réponda les Dieux, quand vous le verrez. Il est trop vrai. Point de Polynice fans la guerre; & point de guerre fans Polynice. Votre retour me coute bien cher. Mais il m'eft doux même à ce prix. Ecartez du moins ce fer de votre patrie, tandis qu'il n'est pas encore coupable. Il l'eft déja trop de s'en être approché. Tout mon fang fe glace, quand je vois deux fils fur le bord d'un précipice, & fur le point d'ofer un attentat. Et quel attentat ai-je pensé voir! Un plus affreux fans doute que celui que n'avoit pû prévoir votre malheureux pere. Je ne crains plus votre forfait: je ne le vois point accompli; mais je me crois malheureuse d'avoir pû feulement le voir, Mon cher fils, par ce fein qui vous Tome IV.

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rit au monde après tant de douleurs, par la piété de vos fœurs, par le vifage d'un pere innocent, qu'il a lui-même fi triftement défiguré, éloignez de votre patrie la flamme dont vous la menacez; & détournez ces funeftes drapeaux.Votre retraite même n'empêchera pas qu'une partie du crime ne foit déja commise. Thébes à vû les champs couverts d'ennemis; elle a vû fes prairies foulées par les fougueux courfiers; elle a vû les guerriers voler fur leurs chars; elle a vû les torches allumées pour réduire nos maisons en cendres ; & ce qui étoit encore inoui même à Thébes, elle a vû deux freres prêts à s'entredétruire par le fer. Toute l'armée Thébaine, tout le peuple, vos deux fœurs, & même une mere, ont été témoins de ces horreurs. Car pour Edipe, c'eft à lui qu'il eft redevable de s'en être épargné la vuë. Rappellez-vous, à ce nom, qu'au jugement de votre pere l'erreur même mérite d'être punie. Gardez-vous donc, je vous conjure, de renverfer votre patrie. Ne détruifez pas un Trône où vous voulez monter. Confiderez quelle eft votre fureur. Vous prétendez régner en ce Royaume, & vous l'anéantiffez ! Vous voulez qu'il foit à vous, & il faut qu'il

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