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ceffe d'être, pour être à vous! Votre conduite nuit à votre cause. Quoi! Vous bouleverfez tout en ennemi, vous brûlez ou brisez les moiffons, vous mettez tout en fuite, & vous rendez ces champs impraticables! Ah Thébes n'eft donc point à vous. L'on ne détruit point ainfi fon bien, Vous regardez comme étranger un païs où vous portez le fer & le feu. Laiffez fubfifter l'Etat, & demandez alors qui de vous deux doit en être le Roi.

Mais pourrez-vous foutenir la vuë de Thébes réduite en cendres! Quoi, ces tours d'Amphion, ces murs que formerent, non les pénibles efforts des machines, mais les accords de la lyre & de la voix, qui rendirent les pierres mêmes dociles, vous aurez la dureté de les renverfer? d'en enlever les dépouilles? de faire autant de captifs des égaux d'dipe? de tirer les femmes des bras de leurs maris? de les charger de chaînes? de conduire au milieu des prifonniers de guerre l'élite des filles Thébaines, pour les prefenter comme efclaves aux jeunes Epoufes d'Argos? Et moi-même, qui fuis votre mere, les mains honteufement liées, je ferai le prix du Triomphe d'un frere fur um

frere? Quoi, vous aurez l'audace d'introduire l'ennemi dans une ville fi chere, de la mettre à feu & à fang; & avec cette férocité, cette dureté, vous n'êtes pas encore Roi! Que feroit donc le Sceptre! Ah croyez-moi, mon fils, mettez bas une fi barbare ambition, & rendez-vous à la piété.

POLY NICE. Que je fuye, moi, que j'erre toujours loin de ma patrie, toujours affervi à implorer des fecours étrangers! Hé ferois-je autrement traité fi j'avois été infidéle ou parjure? Je porterai la peine de la trahifon d'autrui, tandis que fon auteur en goûtera le fruit? Vous m'ordonnez de fuir. Si j'obéis, fixez-moile lieu du retour. Quoi, mon frere habiteroit mon palais, & je me croirois heureux d'être relegué fous un toit particulier qu'il daigneroit m'offrir? Car c'eft le moins que vous puiffiez m'accorder. Une humble retraite doit au moins me dédommager du Trône que vous m'ôtez. Réduit à cette fituation, vil efclave, & moins époux que fujet, j'oferai fuivre un beaupere Roi? Non, Madame, il est trop dur de tomber du Trône dans l'efclavage.

JO CASTE. Si vous voulez un Trône, & fi votre main ne peut fe passer

d'un Sceptre tout pefant qu'il eft, l'Univers vous en offre mille.

L'Auteur fait ici une énumération Géographique, qui eft affez puerile en Latin, & qui feroit encore plus mauvaise en François. Jocafte continuë ainfi.

Allez conquerir ces Etats. Traînez-y Adrafte avec fon armée. Qu'il vous mette en poffeffion de ces Couronnes. Pour celle de Thébes, perfuadez-vous qu'elle eft encore à votre pere. L'exil vous eft plus avantageux qu'un pareil retour. L'exil eft le crime d'autrui, le retour seroit votre crime perfonnel. Vos forces, plus utilement employées à d'autres conquêtes, vous livreront des Sceptres que Vous n'aurez point fouillés par un attentat. Votre frere, non-plus votre rival, fera le premier à combattre pour vous. Allez donc, & faites des entreprises qu'un pere & qu'une mere puiffent feconder de leurs vœux. Un Sceptre acquis par le crime eft pire que l'exil. Réflechiffez à prefent fur les maux & les viciffitudes de la guerre. Vous avez beau

attirer avec vous toutes les forces de la Grece, & déployer vos troupes innom. brables, le fort des armes eft toujours incertain. L'épée égale ce femble, deux concurrens; mais c'eft la fortune

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qui balance les efpérances & les craintes. Le crime eft affuré; le fruit en eft douteux. Je veux que tous les Dieux favorifent vos défirs; vous les banniffez de Thébes; les citoyens font maffacrés; l'ennemi eft le maître du païs ; vous dépouillez votre frere, vous triomphez. Mais il vous faut brifer vos palmes. Quel triomphe que celui qu'un vainqueur ne peut goûter fans fe rendre exécrable! hélas! celui même que vous brûlez de vaincre, vous le pleurerez vaincu, Quittez donc, croyez-moi, un fi funefte deffein. Délivrez votre patrie de crainte, & vos proches d'inquiétude & de deuil.

POLYNICE. Que mon coupable frere ne foit pas puni de fa perfidie! JOCASTE. Il le fera trop, croyezmoi, Il régnera.

POLYNICE. C'est la peine que vous lui reservez ?

JOCASTE. C'en eft une, croyez-en votre ayeul & votre pere. Cadmus & toute fa race vous l'apprendront. Nul d'eux n'a porté la Couronne impunément, quoiqu'ils ne fuffent pas des parjures. Mettez donc, fans balancer Etéocle de ce nombre.

POLYNICE. Je l'y mets : & je trou

ve fon fort trop beau de périr au nombre des Rois.

JOCASTE. Je ne vous mets moi, qu'au rang des exilés: ou bien foyez odieux, & régnez à ce prix.

Deus, V

POLYNICE. Soit. Qui craint d'être Mundi odieux ne veut pas régner. Le Créateur confor du monde a réuni ces deux chofes, la 6950 haine, & l'empire. Un Roi & un héros doivent dévorer la haine. Et que fait à un Monarque l'amour de fon peuple? il arrête fon bras & reprime fon pouvoir. Il en a plus quand on le hait. Qui veut le faire aimer peut tenir le Sceptre d'une main indolente.

*

JOCASTE. Quiconque eft odieux ne le tient pas long-tems. Mais c'eft aux Rois à donner des régles de politique & de gouvernement. Donnez-en pour les exilés,

Polynice ne répond à cette fubtilité, qui eft obfcure, ainfi que bien d'autres endroits , qu'en difant que pour obtenir le Trône il facrifiera tout, il livrera tout aux flammes, fa patrie, fon Palais, fa femme même.

Malgré les Editions il y a des Manufcrits qui donnent ce vers à Jocafte. Dans la bouche de Polynice il ne feroit pas intelligible.

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