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Pro regno velim

Patriam, penates, conjugem flammis dare.
Imperia pretio quolibet conftant bene.

On n'a point le refte. Ce qu'on vient de lire peut être pris différemment fuivant les différens goûts. J'ai tâché de traduire fans parodier, maniere de traduction trop ordinaire. J'ai été plus fidéle au fens qu'aux pointes. L'on pourra trouver des beautés dans ce morceau, & il y en a; mais ce ne font pas des beautés dans le goût de la fimplicité Grecque. Ceux qui font frappés du brillant y trouveront de quoi fe fatisfaire; mais ceux qui voudront examiner de près la solidité du raisonnement & la conduite de la paffion, n'y trouveront pas également leur compte. Afin de contenter les uns & les autres, je vais rapporter ce que penfent de la Thébaide Latine Jufte Lipfe & Daniel Heinfius.

*Jufte Lipfe dans fes obfervations fur les Tragédies Latines, recherche quels en font les auteurs. Il prétend en trouver trois ou même quatre. II donne Medée au vrai Séneque du tems de l'Empereur Claude; plufieurs autres. piéces, comme l'Hercule furieux, à un

* J. LIPSIF animaduerf. in Tragoed. qua L. ANNA O SINICA tribuuntur.

Séneque du tems de Trajan, ou même après. A l'égard de la Thébaïde, voici fa penfée. Il lui donne un troifiéme auteur qu'il ignore, mais qu'il croit digne du fiecle d'Augufte. Il veut, mais il n'ofe, dit-il, prononcer. Cependant il fe croit auffi fûr de la bonté de cette piéce par deffus les autres, qu'il eft affuré de fa propre vie. » L'economie, » continuë-t'il, en eft différente, fans » Chœurs, & fans interruption. Elle » eft écrite uniformément, fimplement,

fans bigarrure de vers différens, d'une » maniere fublime, fçavante, grande & ›› véritablement digne du Cothurne. ,, Rien de jeune, rien de tiré, d'affecté : le » tour & les mots choifis; les faillies » des fentences, merveilleufes & non », attenduës, mais fortes, nerveuses, & » fi frappantes pour moi, que non feu »lement elles me réveillent, mais qu'el»les me mettent en quelque forte hors » de moi-même. Eft-il rien de pareil » dans les autres? J'ofe le dire, c'est une » pierre précieufe que je rapporterois volontiers au fiecle même d'Augufte. Le choix du fujet, & quelques vers qui paroiffent inferés tout exprès me » font foupçonner qu'elle a été écrite durant la guerre civile. Quoiqu'il en

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» foit, il la faut diftinguer, & ne la pas » prostituer davantage aux fifflets du vul

gaire ignorant. Critiques rendez vous, ,, & mettez hardiment ce morceau au >> rang des premiers écrits Romains ».

* Ecoutons à préfent Heinfius. Il donne les dix Tragédies à cinq Auteurs; à fçavoir, Hippolyte, les Troyennes, & Médéé à Lucius Annæus Séneque le Philofophe; Hercule furieux, Thyefte, Edipe, & Agamemnon à Marcus Annæus Séneque parent de l'autre, & furnommé le Tragique; le refte, c'est-àdire la Thébaïde, Hercule au mont Eta, & Octavie, à divers déclamateursinconnus. La Thébaïde, dit-il, piéce " de déclamateur, eft tout à fait indigne » des éloges que lui donne un Sçavant". (Il entend Jufte Lipfe.) Heinfius après ce début en veut d'abord au nom de Thébaïde, qu'il trouve fort mal appliqué. C'eft une pure chicane. Mais quand il defcend dans le détail de cette piéce, il y va plus ferieufement, Il dit que c'eft une Tragédie compofée des défauts du Poëte Grec, fans qu'on y retrouve la moindre des beautés qu'on auroit pû en tirer. Il blâme le Prolo

*DAN. HEINSII in L. & M. ANNEL SENECA ac reliquorum qua extant Tragœd. animadverfiones, &c.

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gue d'Edipe comme impertinent, la premiere Scène de Jocafte comme ridicule, & le refte comme infenfé. "" Ses » petites fentences, dit-il, étouffent les fentimens qu'il a voulu faifir. Ses periodes & quelques fentences d'ail» leurs affez heureufes s'évanouiffent à ,, la fin & deviennent des atomes. La » diction n'a rien de L. Séneque le » Philofophe, ni des Troyennes, de » Médée, ou de l'Hippolyte. Ceux » qui rapportent la Thébaïde au fiecle » d'Augufte ne nous alleguent que leur " autorité. A l'égard de leur discerne»ment & de leur goût on n'a garde » de s'y rendre, quand on n'en manque » pas tout à fait. Du refte, de même qu'Efchyle & Sophocle font par-tout profeffion de fe donner pour Pytha» goriciens, ainfi vous voyez ces fortes » de déclamateurs affecter de fe donner » un vernis de Stoïcisme. Il y en a ici » bien des traits. Tel eft ce trait bannal » dont les Stoïciens fe fervent pour re» lever avec tant de hauteur l'inébran» lable fermeté de leur Sage, & qu'An»tigone exprime ainfi. Oui, mon pere, ›› vous devez vous regarder comme non"coupable, & d'autant plus innocent, "que vous l'êtes malgré les Dieux. On

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» en voit de pareils en quantité cher » Séneque le Philofophe; & voilà ce qui a fait illufion au celebre Jufte Lipfe grand amateur des Stoïciens.

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J'ai rapporté ces deux fentimens fi oppofés de deux gens habiles, pour donner un exemple de la contradiction des jugemens en fait de goût. Mais cette contradiction n'a point éclaté autrefois ni au fujet des écrits des Grecs, ni à l'occafion de ceux du fiecle d'Augufte. Il n'y a eû que le style ingénieux & brillant qui a trouvé fes partifans & fes critiques. Ce n'eft même que depuis fa naiffance, qu'on s'eft avifé d'en vouloir au ftyle fimple & fenfé. On a été plus loin, à mesure qu'on a eu plus ou moins de goût pour la fimplicité & le bon fens, on a comparé entr'eux les écrits des Auteurs brillans d'un même

fiécle, par exemple les Tragédies Lati nes dont il eft ici question ; & c'eft fur cela feul qu'on a crû devoir, chacun à fa maniere, en diftinguer les Auteurs & les tems, d'autant plus qu'en effet ces Tragédies ne font pas toutes à beauoup près de la méme force, quoique le tour d'efprit & le ftyle en foient à peu près les mêmes, Il s'agit de fçavoir

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