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bouleverfé l'Etat pour regner? Il falloit ne lui donner que l'ambition. L'amour eft abominable dans fa bouche. Il continue pourtant ainsi.

ANTIG.

Mais fi l'on peut prétendre à cette illuftre gloire,

Si par d'illuftres faits on peut la mériter,

Que faut-il faire enfin, Madame?

M'imiter.

Ce mot eft très-beau. Mais Créon ne devoit pas fe rendre ridicule pour faire naître un beau mot. Il l'eft bien plus dans la Scéne fuivante, où il prend ce terme pour une marque certaine qu'Antigone s'eft adoucie à fon égard. Auteur de tant d'horreurs, du meurtre des deux freres fes Rois, & de deux Princes fes fils, il ne rougit point d'en tirer vanité, parce qu'il gagne un Trône & une maîtreffe. On pardonne le premier fentiment à un Prince furieux qui ne s'eft occupé qu'à tout immoler à fon ambition. Mais eft-il naturel d'imaginer que ce même Prince, en même-tems pere, fe réjouiffe d'avoir perdu un rival dans un fils, & furtout qu'il s'aveugle au point de fe croire aimé d'une Princeffe qui a percé fa politique, qui la lui a reprochée en face, & qui lui a donné affez

de marques de mépris pour rebuter tout autre que lui? Eft-il dis-je naturel que malgré tout cela il foit affez infenfé pour compter fur l'amour d'Antigone, fans autre fondement qu'une fimple parole, fi peu obfcure d'ailleurs, qu'elle n'eft belle, que parce qu'on voit clairement qu'Antigone a pris le parti de fe tuer pour fuivre fa mere & fon amant?

C'est en effet ce qui arrive : & afin qu'il n'en doute pas, Olympe meffagere univerfelle de la Piéce lui vient apprendre qu'Antigone s'eft frappée d'un poignard en difant ces mots :

Cher Hémon, c'est à toi que je me facrific.

A cette nouvelle Créon fe facrifie prefque lui-même à Antigone, tant il eft plein de fon extravagante paffion, qu'il avoit fi peu marquée avant le cinquiéme Acte. Le Trône ne lui eft plus rien. I n'a qu'Antigone devant les yeux; il dit au Ciel :

Vous m'ôtez Antigone, ôtez moi tout le refte.

Il implore la foudre. Apparemment il n'avoit point d'épée, comme chez les

Grecs. Enfin l'excès de fa fureur & de fon défespoir le fait tomber entre les mains des gardes.

L'on s'eft arrêté fur ces derniers traits: pour faire voir que ce n'eft pas affez d'imaginer beaucoup de refforts dans une Piéce, fi tous ne jouent ensemble & à propos. C'eft pour cela que les Grecs, & Racine à leur exemple dans quelques-unes de fes autres Piéces, ont rendu leurs ouvrages plus fimples. Une voix feule eft plus touchante & fait plus d'effet que vingt voix, fur tout fi une feule détonne; & de même une feule paffion bien conduite va plus fûrement au cœur que plufieurs autres, quand même elles s'entr'aideroient, & à plus forte raison fi Pune nuifoit à l'autre, comme l'amour & l'ambition s'entre-nuifent dans cette Tragédie,

Après ce détail il eft aifé de reconnoître ce qui appartient ici à Sénéque, à Rotrou, & à Racine. On conclura qu'il eft furprenant que ce dernier Poëte par un amour aveugle pour la premiere de fes Tragédies ait voulu faire croire que quand il la compofa, * il dreffa à » peu près fon plan fur les Phonicien»nes d'Euripide; & qu'à l'égard de la *Préface des Freres ennemis.

"

"Thébaïde qui eft dans Sénéque, il étoit » un peu de l'opinion de Heinfius, & » tenoit comme lui que non feulement » ce n'étoit point une Tragédie de Sé» néque; mais que c'étoit plutôt l'ouvra»ge d'un déclamateur qui ne fçavoit » ce que c'étoit que Tragédie, «<

Racine n'eft certainement entré dans ces fentimens que quand il a imprimé fa préface, c'est-à-dire, long-tems après qu'il eût reconnu que la route des Poëtes Grecs valoit mieux que celle des Latins.

VOGO:009:9999

JOCASTE

DE LODOVICO DOLCE.

C

E Poëte, ainfi que les autres, a changé le titre d'Euripide. Car la Thébaïde, l'Antigone, & Jocafte ne font pour le fonds que les Phoniciennes du Poëte Grec. Dolcè le traduit à fon ordinaire. Mais ce qu'on ne doit pas lui pardonner c'eft d'avoir changé la feconde Scéne qui eft fi belle. Il n'a ofé faire monter Antigone fur une tour, comme

elle fait chez Euripide; & par-là il a perdu toute la beauté de la Scène qu'Euripide, avoit fi foigneufement imité d'Homere. Ces deux anciens Poëtes étoient d'affez bons guides pour ne pas engager Dolcé à s'écarter ici de leurs traces, lui qui ne fait prefque autre chofe que les traduire dans tout le reste.

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