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» m'accorder un jour pour me difpofer » à un départ fi précipité. Laiffez-moi pourvoir à la fureté de mes enfans » malheureux, puifqu'un pere aujour» d'hui dédaigne ces tendres foins. Souf» frez que la pitié vous touche. Hélas, » vous êtes pere; & pouvez-vous n'être »pas fenfible aux maux d'une mere au

défefpoir? Ce ne font point mes mal»heurs particuliers, ce n'eft point mon exil, qui m'afflige: c'eft leur infortune. » qui me défefpere. « Emû d'une priere fi touchante, & de tout ce qui a précédé, Créon dit qu'il n'a pas le cœur d'un Tyran. Il accorde un jour à Médée, comme on l'a déja dit, mais à condition qu'elle fera punie de mort, fi le lendemain la retrouve à Corinthe. Tout cela. augmente encore la compaffion des perfonnes du Chœur.

Créon retiré, Médée dévoile toute Ja rage. Penfez-vous, dit-elle, que » fans l'efpoir d'une vengeance éclatan» te, Médée eût pû s'abbaiffer à flatter » un Tyran? J'ai du moins acheté l'avantage d'avoir vû le traître aveuglé » au point de m'arrêter en ces lieux pour » un jour, précieux jour où je facrifierai le pere, la fille, & l'époux! Elle délibere fur la maniere de les faire périr.

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Elle craint, non pas de mourir, mais de manquer fa vengeance, & d'être un objet de rifée pour fes ennemis. Elle conclut aux Philtres magiques, ou pour parler plus jufte au poifon. » Mais ré»prend-elle, eux immolés, quel fera "mon afyle? Quelle main fidele fe prê» tera à mes malheurs? Je ne vois encore aucune reffource. Hé-bien, de» meurons, & dans l'attente d'une re

traite affurée, vengeons-nous en fecret » & fans éclat. Que fi le deftin me tra» hit, & m'oblige de précipiter ma fuite, »je fondrai fur eux le poignard à la "main, & dûffai-je périr moi-même, ils périront. Ma fureur ne connoît

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plus de bornes. Non, vénérable Hé» cate*, vous que j'ai choifie pour ma » Divinité tutélaire, il ne fera pas dit » qu'ils ayent eû le plaifir cruel de jouir » impunément de mes larmes. Je fau"rai à mon tour changer en un deuil » horrible leur hymen & mon exil. Al»lons, Médée, mets en ufage tous tes >> enchantemens. Porte la vengeance jufqu'à la barbarie. C'eft à present qu'il faut tout ofer. Tu vois l'outrage, venge-toi. Iffue du Soleil, fçavante dans l'art des charmes, femme *La Lune, Déeffe des Magiciens

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L. 4.

"enfin, & par cela feul capable des » plus hardis projets, ferois-tu la fable » & le jouet du perfide Jafon, & des vils defcendans de Sifyphe»?

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Elle s'en va; & le Chœur qui lui est dévoué goûte par avance la vengeance de Médée, & la gloire qu'elle va acquerir au fexe en puniffant la perfidie d'un époux. Ce même Choeur frappé du crime de Jafon juftifie tous ceux des femmes en pareil genre à l'égard de leurs époux; morale pernicieufe, & qu'on ne peut pardonner ici qu'aux fureurs que Médée a foufflées dans le cœur de ces femmes., & à l'idée qu'elles avoient de la foi conjugale violée par les maris.

ACTE III

Eneid. C'eft ici, comme dans Virgile, une entrevue d'un époux & d'une femme dédaignée, Scéne affez délicate à toucher, & qui n'a pas même paru fans défaut dans ce judicieux Poëte, où Enée joue un affez mauvais rôle; auffi bien que Pyrrhus avec Hermione dans l'Andromaque de Racine. Je ne pense pas qu'Euipide paroiffe plus heureux. Cependant une fituation pareille étant une fource:

Ancien Roi de Corinthe..

de grandes beautés ne devoit pas être. omise par un Poëte qui aimoit le pathé tique.

Jafon commence. Tout fon difcours eft plus artificieux que folide. A l'en croire Médée doit feule s'imputer fon banniffement de Corinthe. Elle auroit pû y vivre heureuse en domptant fa colere. Mais fes emportemens contre un grand Roi ont réduit Jafon à n'ofer la plaindre, & à la trouver même heureuse d'en être quitte pour l'exil. Il protefte qu'il n'a rien omis pour fléchir Créon, & que tous fes efforts ont été vains, parce que Mé dée a aigri le Roi par fes fureurs. Jafon. veut donc au moins adoucir par fes fecours la fuite de fon époufe. Médée outrée d'un pareil difcours & des offres qu'on lui fait, interrompt Jafon, & ne lui épargne pas les noms les plus odieux.. Elle a tout facrifié pour lui, jufqu'à devenir criminelle pour lui plaire: c'est en faifant mourir le vieux Roi Pélias par les mains de fes filles. Elle a dérobé Jafon à mille périls. Par elle il a dompté les Taureaux qui vomiffoient des flammes. Par elle il a trompé la vigilance du Dragon qui gardoit la Toifon d'or.. Quel prix de tant de bienfaits? Jafon la répu die, & va époufer une rivale à fes yeux

Élle attefte la foi violée, & tant de marques trompeufes d'un amour feint. » Hé, dis-moi, continue-t-elle, chargée de tes mépris où puis-je porter » mes pas? Sera-ce dans ma patrie, » & dans le Palais de mon pere? Je » les ai trahis pour toi. Seroit- ce chez les infortunées filles de Pélias? Et de quel » œil reverroient-elles la main qui a tué » leur pere? Plus d'amis, plus de pa» rens pour moi. Je t'ai tout facrifié "cruel, &c. « Ces fentimens font à peu près les mêmes que ceux d'Hermione à l'égard de Pyrrhus.

*

Je ne t'ai pas aimé, cruel: qu'ai-je donc fait ?
J'ai dédaigné pour toi les vœux de tous nos

Princes:

Je t'ai cherché moi-même au fonds de tes Pro

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J'y fuis encor malgré tes infidélités, &c.

Médée même eft plus emportée. Auffi étoit-elle plus outragée qu'Hermione, qui n'étoit pas mariée avec Pyrrhus chez Racine. Les enfans de Médée réduits à une trifte indigence par un pere qui confent à leur exil, fervent encore à animer fes plaintes trop bien fondées:

* RAO I NE Andromaque : Ad. W. SeV.

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