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par cette voye. Médée propose enfin, pour gagner tout-à-fait cette Princeffe, de lui envoyer par fes enfans un don. digne d'elle, une robe très-fine, & une Couronne d'or. Allez, dit elle à fes » femmes, ne différez pas d'apporter les » préfens que je lui deftine. Mille fois » heureuse cette époufe d'être unie à un époux tel que Jafon! Elle mérite de » pofféder le gage précieux que le Soleil. » mon ayeul a laiffé à sa postérité. Ve "nez, chers enfans, prenez cette ro,,be & cette couronne, & portez un tréfor fi eftimable à cette Royale "'épouse,,.

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Jafon veut empêcher Médée de fe dépouiller ainfi elle-même pour une Reine qui n'a point befoin de fes préfens .Enyvré du fol amour qui le pofféde il croit, dit-il, que le cœur de Jafon lui fera plus précieux que tout l'or du monde. Ah, repart Médée, les préfens » touchent les Dieux mêmes. L'or agit plus efficacement fur les cœurs que » les plus beaux difcours. Elle eft Reine,

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elle eft heureufe, & je fuis. Je ra» cheterois l'exil de mes fils au prix non » feulement de l'or, mais de ma vie. ›› Partez donc, mes enfans, & allez trou» ver ma Souveraine, l'époufe de votre Tome IV. P·

» pere: fuppliez, preffez, obtenez votre grace, & faites qu'elle reçoive de fes ,, mains les dons que vous lui portez. » C'est un point néceffaire. Allez, rempliffez mon attente, & revenez m'an» noncer un heureux fuccès ».

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J'ai mis ici tout le détail de cette Scène fi intéreffante, pour laiffer voir qu'après tout Jafon paroît un peu trop crédule. Il devoit, ce femble connoître affez Médée pour s'en défier. Mais il eft auffi vrai que la paffion aveugle les hommes ; & c'eft fur ce principe qu'on excufe le peu de défiance de Pyrrhus dans l'Andromaque de Racine.

Après le départ de Jafon le Chœur acheve la Scène, & prévoit ce qui va arriver, à fçavoir que les dons de Médée feront périr la Princeffe, & la pareront, comme il dit, pour Plu

ton.

Le Gouverneur des fils de Médée revient avec eux. » Vos enfans, dit-il, » ne font plus exilés. La Princeffe a » reçu favorablement vos dons ». A cette nouvelle Médée ne répond qué par des loupirs & des pleurs, dont le Gouverneur, qui en ignore le fujet, s'étonne d'autant plus qu'il attendoit d'elle des

marques de joye, Pour toute répon fe, elle le renvoye. Puis s'adreffant à fes deux fils, elle leur dit : » Chers » enfans, vous avez donc une retraite » affurée dans ce Palais. Vous y vivrez

privés d'une mere. Car, hélas, il me » faut chercher des climats étrangers. » Je ne goûterai point le plaifir flateur » que j'attendois d'un âge plus avancé. » On ne me verra point vous choisir des » épouses, ni allumer pour vous le » flambeau nuptial. Trifte effet de mes » emportemens contre Créon ! C'est » donc en vain que je vous ai porté dans » mes Blancs: en vain m'en a-t'il couté » tant de foins pour élever votre en» fance. J'efpérois que vous feriez un » jour mon appui, & que des mains fi » cheres me rendroient les derniers de» voirs. Espoir fi doux pour les humains, » qu'êtes-vous devenu pour moi? Sépa» rée de mes fils je vais trainer une vie languiffante. Contraints à votre tour » de paffer dans une famille étrangere, » vous ne verrez plus une mere tendre. "Ah, pourquoi tournez-vous fur moi » vos regards, déplorables enfans? Que » ces dernieres careffes, que ce fouris » me déchirent le cœur! Que ferai-je, » hélas, cheres Compagnes? Cette vûë

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» m'attendrit & mé défarme. Non, je >> ne puis foufcrire à mon barbare arrêt. ,, Ils me fuivront. Quoi; pour punir un ingrat, je me rendrois moi-même malheureuse! Non, encore une fois. » Mais fera-t'il dit que les perfides fe » riront impunément de Médée? Ah! Je »reprens mes fureurs, Ofons tout, Lâche ›› tendresse, as-tu pû m'arracher une » indigne pitié? Rentrez mes enfans; je >> vous fuis. S'il eft des Dieux témoins » & ennemis d'un pareil facrifice, que » m'importe ; je n'en croirai pas mes » mains fouillées.... Que vais-je ofer? » Ah! Mon cœur, ne commettons pas ,, un fi horrible attentat. Epargnons notre » fang. Ils vivront du moins, & me ,, confoleront dans ma fuite. Non, non, » par tous les Dieux infernaux, je ne » fouffrirai pas que mes plus cruels ennemis puiffent outrager leur enfance. » Mes fils au point où nous en fommes ne » peuvent éviter le trépas. Hé bien puifque telle eft leur destinée, ils recevront la mort de celle dont ils re» çurent le jour. C'en eft fait; leur arrêt eft prononcé. Auffi bien je le vois, » la couronne & la robe fatale auront » eû leur effet. La Princeffe expire: » fuyons, précipitons ma vengeance, &

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» appellons mes enfans pour la derniere » fois. Venez, mes fils, embraflez votre ›› mere, &c.

Ces dernieres tendreffes & ces embraffemens mutuels devoient faire une grande impreffion dans le fpectacle, Médée entend encore malgré elle les cris de la nature. Elle les étouffe, & renvoye derechef fes enfans. Allez, retirez-vous. » Je ne puis plus foutenir leur vûë. Je " fuccombe fous le faix de mes maux. » Je fens toute l'horreur du crime que »je vais commettre. Mais la rage a ,, banni la raifon ; & jufqu'où le défespoir "ne porte-t'il pas les humains ».

Rien ne nous fait ici entrevoir fi Médée refte fur le Théâtre. Il y a apparence qu'elle n'en fort pas, & que livrée à fa noire trifteffe elle attend le fuccès de fes préfens. Cela paroit par le commencement de l'Acte cinquiéme, & par la tranquillité du Choeur qui en finiffant le quatriéme Acte fe contente de porter fes refléxions fur les inquiétudes qu'entraîne après foi la tendreffe des meres pour leurs enfans, de comparer l'état du mariage avec le célibat, & de préferer la douceur de ce dernier état aux avantages onéreux du premier. Cette morale eft fort belle: mais eft-elle affez

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