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Médée dans le Poëte Latin dit beaucoup plus & en moins de mots fur l'article de Jafon. Car en demandant aux Dieux une vengeance plus fenfible pour lui, elle l'exprime par ce mot, qu'il vive. Il eft vrai qu'elle ajoûte dans la fuite ce que Corneille lui fait dire. Il auroit peut-être fuffi d'ajoûter, qu'il vive malheureux, ou plûtôt de ne rien ajoûter du tout pour ne pas affoiblir un trait fublime.

L'on peut juger du refte de la Scène par ce commencement. C'eft donc proprement-là le point où commence l'action Tragique. Médée offenfée fe détermine à punir fa rivale que Sénéque appelle Creüfe, & à facrifier auffi Créon pere de cette Princeffe, pour punir Jafon. Le Chœur fans faire connoître qui il eft, (car il faut deviner que ce font des citoyens de Corinthe) chante une espéce d'hymne nuptiale pour les nouveaux époux. Tel eft le premier Acte, qui eft affurément fort au deffous du premier d'Euripide.

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Médée fent fa fureur fe ranimer par les apprêts de l'hymen de Jafon. Elle fait ici une déclamation comme dans

L'Acte précédent. Mais fon amour fe réveille en même-tems que fon courroux: & trouve des raifons pour juftifier un ingrat aimé. Véritablement ces raisons ont quelque folidité. Car Sénéque fuppofe ingénieufement que Jafon ne peut éviter la mort, s'il refuse la main de Creufe: C'eft qu'Acafte fils de Pélias ménace de ravager Corinthe, fi Créon ne lui livre Jafon & Médée. Jafon a le bonheur de trouver grace aux yeux de Créon, à condition d'époufer Creüse, de forte que l'on trouve moyen d'appaiser Acafte & de ménager la paix en lui livrant feulement Médée. Médée eft donc la feule victime d'Etat qu'on facrifie dans Sénéque. Cet heureux artifice a été imité par Corneille: & c'eft le pivot fur qui roule l'une & l'autre Tragédie, la Latine, & la Françoise. Ainfi dans le second Acte de Sénéque Médée pardonne en fecret à Jafon, & fe contente de prendre le parti d'immoler Créüfe, parce qu'elle eft fa rivale, & Créon parce qu'il manque au devoir de l'hofpitalité par politique. La Confidente de Médée exhorte fa maîtreffe à cacher du moins fa rage. C'est-là qu'on voit cette belle penfée que Corneille a rendue avec fes défauts *.

*P. CORN. Médée A. I. Scor

NERINE. Forcez l'aveuglement dont vous êtes

ME'DE'E.

NERINE.

féduite

Pour voir en quel état le Ciel vous
reduite.

Votre païs vous haï, votre épour
eft fans foi:

Dans un fi grand revers que vous resté

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Quoi, vous feule, Madame! ME'DE'E. Oui, tu vois en moi feule & le fer &

la flâme,

Et la terre & la mer, & l'enfer, & les Cieux,
Et le fceptre des Rois, & la foudre des Dieux.

Ce moi, qui a paru fi fublime à Defpréaux, & fi mal accompagné du refte, comme d'un allongement languiffant, eft précisément le même que celui du Poëte latin avec tout ce qui l'accompagne.

NUTRIX Abiere Colchi, conjugis nulla off fides:

MEDEA.

Nihilque fupereft opibus è and tibi.

Medea fupereft. Hie mare & serras vides

Ferrumque ignes, & Deos &

fulmina

Enfin Médée confent à prendre la fuite,

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Mais elle eft refoluë d'enfanglanter fes adieux, & de laiffer des marques terribles de fa vengeance.

Créon qui a porté l'arrêt de banniffement contr'elle, vient la preffer de quitter les Etats. Cette Scène eft imitée d'Euripide. S'il y a moins de fimplicité, en recompenfe elle brille d'efprit. Corneille n'a fait que la traduire fans omettre aucun des défauts ni aucune des beautés. En voici quelques traits. Premierement pour les défauts. C'eft le commen

cement.

* Quoi, je te vois encore ! avec quelle impu *dence

L

Peux-tu fans t'effrayer foutenir ma préfence?
Ignores - tu l'arrêt de ton banniffement?

Fais-tu fi peu de cas de mon commande

ment?

Voyez comme elle s'enfle, & d'orgueil & d'au

dace :

Ses yeux ne font que feu, fes regards que

menace.

Gardes, empêchez-la de s'approcher de moi.

Ce dernier vers fur tout eft peu digne de la majefté Royale.

Arcete famuli tacu & accessu procul.

La même Aät. II. Sc. 11, \h\W

II.

Euri pide

Euripide n'a point donné cette lâche crainte à Créon. En revanche voici du beau de Séneque & de Corneille, qui n'eft pas dans le Poëte Grec. Créon reproche à Médée d'avoir trahi sa patrie; elle répond.

Si j'euffe eu de l'horreur de tant d'énormes fautes

Que devenoient Jafon & tous vos Argonau

tes ?

Sans moi ce vaillant chef que vous m'avez ra

vi

Eat peri le premier, & tous l'auroient fui

vi...

Je vous les ai fauvés, je vous les cede tous:
Je n'en veux qu'un pour moi: n'en foyez point
jaloux.

Pour de fi bons effets laiffez moi l'infidelle:
Il est mon crime feul, fi je fuis criminelle.
Aimer cet inconftant, c'est tout ce que j'ai

fait ;

Si vous me puniffez, rendez-moi mon for

fait.

Il eft vrai que ces pensées font plus brillantes que folides: mais après tout c'eft de l'ingénieux, & cette forte de broderie ne laiffe pas quelquefois de relever une Scène Tragique, fur-tout quand elle eft tiffue par une main de maître telle qu'étoit celle du grand Tome IV. Q

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