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Corneille. J'oferai toutefois le dire, dûffai-je encourir la difgrace des adorateurs de ce fublime génie, il paroît qu'il court fouvent avec trop d'ardeur à ce qui s'appelle, efprit: ce qui le fait quelquefois donner dans le faux brillant, Combien de Scènes de ce goût! Pref que toute la piéce d'Horace, où il y a d'ailleurs tant de fublime, joue fur les titres de fœur & d'amante, de frere & d'époux, d'Albe & de Rome. L'efprit de Sénéque & de Lucain a formé le tour de celui de P. Corneille, heu reux d'avoir trouvé dans fes propres forces affez de reffource pour ne pas se rendre entierement efclave de ceux qu'il vouloit bien regarder comme fes maîtres, & choifir pour les guides.

Créon accorde enfin à Médée un feul jour, ainfi que chez Euripide. Le Choeur bat la campagne à fon ordinaire. Au fujet de la navigation des Argonautes, il parodie ces vers d'Horace,

* Olli robur & as triplex

Circa pectus erat qui fragilem trucj

Commifu pelago ratem.

*Celui-là avoit fans doute un cœur HORAT. Ode 3. l. 1.

* Trad. du P. SANADON. HORACE edit, de Paris 1728,

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de roche & de bronze, qui rifqua le premier d'effuyer fur un vaiffeau fragile la violence d'une mer courrou. cée ".

ACTE III.

L'Acte troifiéme commence par un entretien de Médée avec fa Confidente, comme le précédent; & cette Scène ne dit rien de nouveau, C'eft Médée furieufe dont une Confidente tâche d'arrêter les emportemens. L'arrivée de Jafon qui furvient n'y est pas même préparée. Ces délicateffes n'étoient pas du goût de Sénéque. L'entrevuë de Jafon & de Médée eft pleine de beautés. Il y a même une adreffe fort judicieufe, & qu'Euripide n'a point employée, ou du moins fi bien employée. C'eft de rendre Jason excufable, en ne le faifant infidéle que pour fauver les enfans. En effet Acafte menaçoit leurs jours autant que ceux de Jafon. Il falloit leur trouver un appui, & il ne s'en préfentoit point d'autre que l'hymen de Creüfe qu'on lui offroit. Voilà un prétexte plaufible pour pallier une infidélité, & pour la faire envifager comme néceffaire. Auffi Corneille a-t'il pris toute cette Scène avec le même

reffort. Par ce moyen Jafon y foutient affez bien fon perfonnage; & Médée n'y perd rien de fa dignité: elle dit d'abord comme dans Euripide,

* Où me renvoyez-vous fi vous me banniffez; Irai-je fur le Phase, où j'ai trahi mon pere, paifer de mon fang les mancs de mon frere ;

en Theffalie où le meurtre d'un Roi

victime aujourd'hui ne demande que

noi...

odigue de mon fang, honte de ma famille Audi cruelle feur, que déloyale fille,

Ces titres glorieux plaifoient à mes amours:
Je les pris fans horreur pour conferver tes
jours.

Ces derniers vers ont encore plus de force dans Sénéque. » Je n'ai rien em», porté dans ma fuite que les membres » dispersés de mon frere Abfyrte égorgé » par mes mains. Je les ai même pro» digués pour toi. Je t'ai livré Patrie, » pere, frere, honneur, tout: voilà ma dot. Rends moi ce que je t'ai don

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Nift fratris artus: hoc quoque impendi tibi
Tibi patria ceffit, tibi pater, frater, pudor,
Hac dote nupfi. Redde fugienti fua.

EP. CORN. Médée A&. III. Se, III,

Tels font encore ceux-ci.

JASON.

Objicere crimen quod poses tandem mihi §

MEDEA. Quodcumque feci.

MEDE' E. * Oui je te les reproche, & de plus...

JASON.

Quels forfaits?

MEDE'E. La trahifon, le meurtre, & tous ceux que j'ai faits.

Et les fuivans,

JASON. Hine rex & illinc.

MEDEAs

Medea.

Eft bis major mens

JASON. * Il est aisé de fuir: mais il n'eft pas

facile

Contre deux Rois aigris de trouver un

afyle.

Qui leur refiftera s'ils viennent à s'u

nir.

MEDE'E. Qui me refiftera fi je te veux pu

nir ?

Enfin il y a un trait de rage qui vaut fon prix. Médée contrainte de fubir l'exil redemande au moins fes enfans. Jafon ne peut fe réfoudre à fe priver d'un gage fi précieux: & Médée dit,

Sic gnatos amat.
Benè eft: tenetur; vulneri patuit locus.

*P CORN. ibid.

** P. C o R n. ibid.

* Il aime fes enfans ce courage inflexible :

Son foible eft découvert: par eux il eft fenfi-
ble,

Par eux mon bras armé d'une jufte rigueur
Va trouver des chemins à lui percer le cœur.

Jafon parti, Médée fait le projet d'empoifonner par fes enchantemens la robe & le bandeau qu'elle deftine à sa rivale en préfent. Le Chœur paroît témoin de tout cela, ou tout au moins d'une partie de la Tragédie & du projet de Médée: ce que je remarque exprès pour faire voir que ** P. Corneille s'eft mépris, quand il a dit que Médée ne prend point, à ce qu'il femble, ces réfolutions violentes en préfence du Choeur. Il eft pourtant véritable que l'Interméde de cet Acte & les fuivans ne roulent que fur la coleré & les me naces de cette Princeffe, & donnent lieu à de grandes morales, d'ailleurs affez inutiles, pour ne pas dire ennuïeuses, fur la fureur des femmes offenfées. La différence eft bien fenfible entre le Chœur de Sénéque & celui d'Euripide. Dans ce dernier le Chœur eft compofé des amies de Médée; amies que fon

*P. CORN. ibid.

** P. CORN. examen de Médée:

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