Par ce tifon Althée affouvit fa colere Trop pitoyable foeur, & trop cruelle mere. Cet autre vient des flots du pierreux Phlege Et celui-ci jadis remplit en nos contrées Des Taureaux de Vulcain les gorges enfouf frées. Enfin tu ne vois-là, poudres, racines, eaux, Dont le pouvoir mortel n'ouvrit mille tombeaux. Ce prefent déceptif a bû toute leur force, Et bien mieux que mon bras vengera mon divorce. Cet étalage, où s'il eft permis d'ufer de ce terme, cette difpenfation de Pharmacie doit-elle faire grand plaifir au fpectateur? Ce n'eft pas qu'il ne faille offrir de grands traits, & des chofes même au-deffus de toute croyance. Mais il faut un pinceau auffi délicat & auffi fage que celui de Virgile pour tracer des peintures de chofes horribles. En voici un exemple fans fortir beaucoup du sujet de Médée. Elle invoque à grands cris tous les Dieux du (C'est Circé autre Magicienne, ) Rouss, Cantate Circe. Les Parques, Nemefis, Cerbere, Phlegeton fe ; Les fleuves étonnés remontent vers leur four ce, Et Pluton même tremble en fon obfcur fé jour. Sa voix redoutable Trouble les enfers: Frémit de terreur: Mugit de fureur ; La lune fanglante Recule d'horreurr Dans le fein de la mort fes noires enchante merfs Vont troubler le repos des Ombres. Les Manes effrayés quittent leurs monumens ; L'air retentit au loin de leurs longs hurle mens, Et les vents échappés de leurs cavernes fom bres Mêlent à leurs clameurs d'horribles fifflemens, Combien plus fagement que Séneque, * Virgile lui-même décrit-il les préfages funeftes de la mort de Didon préfages qui ont l'air lugubre des enchantemens de Médée! Le cœur en eft touché, & non pas rebuté. Ces images entretiennent je ne fçai quelle horreur majeftueufe & non pas dégoûtante comme celle qui naît des vers de Sénéque & de Corneille. Mais Corneille c'eft-à-dire le plus grand Poëte de nos jours, a été dupe de l'eftime qu'on fait de la Médée Latine, qui eft en effet la plus belle des Tragédies qu'on attribuë à L. Sénéque. Pour revenir à Médée elle donne la robe & le bandeau à fes fils, avec ordre de les porter à Créüfe. Mais tout celat n'eft ni lié ni préparé. Le Chœur parle ici beaucoup moins, & plus fenfément au fujet de la fureur de Médée. ACTE V. Un Officier vient dire que les dons enchantés ont confumé le Roi & la Princeffe, le pere & la fille, & que de plus tout le Palais eft embrafé, "de forte qu'on craint un incendie univerfel ENEID. 1. 4. V. 450.. de la ville. A quoi le Choeur répond qu'il faut apporter de l'eau pour l'éteindre: mais l'Officier replique auffitôt, que l'eau fert d'aliment à ce feu extraordinaire. CHORUS. Unda flammas opprimate NUNT. Ali unda flammas. &c. Puerilité que j'obferve pour faire voir que ces efprits naturellement guindés tombent quelquefois par terre d'une maniere pitoyable. Ce qui fuit eft véritablement beau en plufieurs endroits. Médée loin de fuir, dit que quand même elle feroit partie, elle reviendroit pour jouir de fa vengeance. Cette catastrophe lui tient lieu d'hyménée. Nuptias Specto novas. Elle s'anime à mettre le comble à fes horreurs par le maffacre de fes enfans. Ce qu'elle a fait n'eft qu'un prélude. Prolufit dolor Per ifta nofter. Elle n'ofe pourtant s'avouer encore à elle-même ce qu'elle veut ofer. Nefcio quid feres Decrevit animus intus, & nondum fibi Audet faseris Elle fent les combats de la nature & de la paffion. Immolons avec joye Ceux qu'à me dire adieu Creüfe me renvoye. Mais ils font innocens! auffi l'étoit mon frere. Scelus eft Jafon genitor; & majus fcelus En récompenfe il y a bien des fentimens outrés, comme celui-ci. » Que » n'ai-je, dit Médée, autant d'enfans » que Niobe. J'en ai trop peu pour », affouvir ma vengeance. Sterilis in panas fui. » Au moins en ai-je affez pour appaifer les Ombres d'un pere & » d'un frere ». Elle croit voir des Furies & l'Ombre d'Abfyrte. », Laisse-moi, », s'écrie-t'elle, le foin de te venger. » Cette main & ce poignard le feront " affez fans toi,,. Elle entend un bruit d'armes elle monte fur un balcon, & s'exhorte à maffacrer fes enfans en public. Ce feroit perdre fa vengeance, *CORN. Médée Act. V. Se, IL. |