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mieux dire, point du tout. Jafon lui raconte donc toutes fes aventures la nouvelle alliance qu'il va contracter en répudiant Médée. Ce récit n'est autre que celui d'Euripide avec l'heureufe fuppofition de Sénéque, qui rend Jason plus excufable, en le mettant dans la néceffité, ou de quitter Medée, ou de voir fes enfans en danger d'être accablés par deux puiffans Etats, Iolcos, & Colchos, qui veulent fe venger, l'un de la Toifon enlevée, & l'autre de la mort de Pélias.

Jafon preffé par le défir de revoir Créüfe qu'il aime, quitte affez brusquement Pollux, parce qu'en effet ils n'ont plus rien à fe dire, ni à apprendre au fpectateur: & comme il eft bon de prévenir les cœurs en faveur de Créüfe, on la montre un moment dans une courte Scène; & elle difparoît à la vûë de Médée. C'est-là proprement que commence la Tragédie. J'ai cité une partie de cette Scène, qui eft la prémiere de Sénéque. Médée dans un monologue, & enfuite dans un entretien avec fa Confidente Nérine, prend la réfolution de perdre Creüfe & Créon. Tout cet Acte n'eft donc que le premier du Poëte Latin, dont les morceaux font récités par di

vers Acteurs; au lieu que dans la Tra gédie Latine c'est un feul monologue de Médée.

ACTE IL

Medée revient déterminée à épargner Jafon. Créon la preffe de partir, & lui accorde un jour de délai. Tout cela est encore de Sénéque. Mais l'Episode d'Egée qu'on va voir eft purement de Corneille.

* Il blâme Euripide d'avoir introduit ce perfonnage comme un paffant néceffaire feulement à tirer Médée d'intrigue. Il a raifon auffi la Scène d'Egée eft-elle affez courte dans Euripide, Mais les deux chofes que P. Corneille trouve de plus à redire dans le Poëte Grec ne paroiffent pas fondées. La prémiere eft qu'Egée étant dans la Cour de Créon ne parle point de le voir. Il en parle équivalemment & affez pour laiffer penfer que ce Roi d'Athènes a déja vû le Roi de Corinthe en arrivant, & que comme étranger il vient enfuite faire civilité à Médée qu'il fçait être à Corinthe, fans fçavoir encore fa derniere aventure. Ce qui le montre évi

P. CORNEILLE, Examen de Médée,

demment, c'est un endroit auquel Cor meille femble n'avoir pas fait attention. Le voici: Egée proteste à Médée qu'elle fera bien reçûë à Athènes : mais il ajoute qu'il ne croit pas devoir l'emmener luimême, de peur de donner quelques ombrages à fes hôtes. Ce mot, hôtes, indique nettement Créon. Egée l'a donc, vû, ou le va voir. Il n'en falloit pas. davantage pour le laiffer deviner.

Quant au fecond reproche de Corneille: c'eft une pure fubtilité. » Bien » que le Roi d'Athènes, dit-il, pro» mette à Médée de la recevoir & pro» téger à Athènes, il lui témoigne toute» fois qu'au fortir de Corinthe il va » trouver Pithæus à Trézéne pour con» fulter avec lui le fens de l'Oracle » qu'on venoit de lui rendre à Delphes. Ainfi Médée feroit demeurée en affez » mauvaise posture dans Athènes en » l'attendant; puifqu'il tarda manifeftement quelque temps chez Pithoeus » où il fit l'amour à fa fille Ætra qu'il » laiffa groffe de Théfée, & n'en partit » point que fa groffeffe ne fût conftan

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Je réponds que le deffein d'aller à Trézéne chercher le fens de l'Oracle précéde la promeffe faite à Médée. Cette Princeffe

te Princesse même approuve ce voyage. Elle fe contente d'obtenir un alyle chez Egée fans éxiger fa préfence. Or une abfence qui devoit être fi courte, (à en juger par le feul projet,) n'auroit pas laiffé Médée en mauvaise pofture à Athènes. Il eft vrai que par l'é vénement Egée demeura quelque tems à Trézéne, puifqu'il y accomplit, fans y penfer, l'Oracle de Delphes qui lui défendoit en termes obfcures & fort indécens pour un Oracle, le commerce qui donna lieu à la naiffance de Théfée. Mais ce défaut ne doit pas être imputé à Euripide. Il prend Egée tel qu'il eft dans le moment préfent, c'està-dire, déterminé à retourner inceffament à Athènes, & flatté de l'espérance que lui donne Médée de faire réuffir le défir qui l'avoit conduit à Delphes. Cela fuffifoit à Euripide, fans qu'il dût s'embarraffer beaucoup fi en effet Egée tarderoit ou non à terminer fon voyage, qui fut après tout affez court. Faute ou non, c'est une bagatelle qui ne mérite pas qu'on s'y arrête. Corneille ne s'y eft arrêté que pour faire valoir son Episode d'Egée, qu'il ne fait pas jouer beaucoup plus heureusement qu'Euripide. Au contraire il rend ce vieux Roi Tome IV. R

ridicule en le faifant rival de Jafon & amant de Creuse. Puis il le fait emprifonner, autre chofe fort étrange: le tout pour donner occafion à Médée de le tirer des fers, afin que cette obligation engage le Roi d'Athènes à donner une retraite à fa bienfactrice, & même à l'époufer. Parlons plus jufte, tout cet Episode n'eft amené que pour remplir les Actes vuides. Auffi n'a-t'il d'autre effet que de faire languir l'action principale en reculant les Scènes véritablement capables d'intéreffer le SepЄtateur. Mais la Tragédie de Sénéque étoit trop courte. Il falloit l'allonger. Egée eft dons ici ce qu'eft l'Infante dans le Cid; un allongement, un perfonnage plus ennuyeux qu'utile. Il ne m'appartient pas de faire le procès à Corneille. Il faut refpecter jufqu'aux défauts des grands hommes. Je ne blâme que la fâcheufe néceffité qu'on s'eft impofée d'Epifodier prefque toutes les Tragédies. On veut faire cinq Actes dont la représentation puiffe occuper deux ou trois heures. La matiere manque, ou paroît manquer: on en cherche une étrangere qu'on lie, comme on peut au véritable fujet. On convient bien que cet alliage gâte fouvent l'or pur;

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