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mais c'eft, dit-on, un mal néceffaire. Comment donc ont fait les Grecs pour l'éviter?

Retournons à Egée. On a fuppofé qu'il aimoit Creüfe. Mais la Princeffe, d'accord avec fon pere, fe détermine à congédier cet amant furanné. Creüse le fait civilement, dit-elle; mais en effet affez leftement, de façon qu'Egée qui fe voit joué projette d'enlever Creüfe,

A CTE IIL

Les deux premieres Scènes du troifiéme Acte, à fçavoir de Nérine feule, & de Jason avec elle disent peu de chofe, & font faites pour ménager l'entrevue de Jafon & de Médée. C'est la Scène qu'on a déja vûë dans Sénéque. L'une & l'autre eft belle: mais l'une & l'autre a un défaut confidérable. C'eft que Médée y paffe fans intervalle des reproches amers & de la rage la plus violente à un amour feint dont Jafon eft la dupe. Si Jafon paroît un peu trop credule chez Euripide, où pourtant la feinte de Médée eft fi artificieufement préparée par un fecond tête-àtête, combien plus doit-il le paroître ici, puifque le paffage de la violence à

la douceur y eft fi fubit? Jafon d'ail leurs ayant perdu fon ancienne tendreffe pour Médée, on ne peut pas dire pour le justifier,

* L'on eft aisément dupé par ce qu'on

...

aime,

Et l'amour propre engage à fe tromper foimême.

La Scène fuivante qui finit l'Acte est un entretien de Médée avec la Confidente, fondé fur une vraye enfance de Creüfe. Corneille n'a pas voulu donner à Médée le deffein d'envoyer elle-même des préfens à la nouvelle époufe, en reconnoiffance de ce qu'elle a obtenu la grace des enfans de Jafon. Il a feint que Créüfe meurt d'envie d'avoir la robe de Médée: ( envie de jeune femme,) & qu'elle prie Jafon de la lui procurer à quelque prix que ce puiffe être. Ce trait affurément n'est pas digne du grand Corneille. C'eft pourtant fur cela que roule une partie du dénouement. Ainfi Virgi le a-t'il manqué le fien par l'équivoque rifible des tables que devoient manger les Troyens, fuivant l'Oracle d'une Harpye. L'envie puérile de Créüfe, & le défir:

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MOLIERE. l'impoft, Act. IV. Sc. III.

qu'a fon amant de la fatisfaire, occupent deux ou trois Scénes un peu comiques, foit dans cet Acte, foit dans les précédens.

ACTE IV.

Médée faifit donc cette occafion pour fe venger: & c'eft à ce fujet que fe fait la Scène des enchantemens dont j'ai parlé ci-deffus. Comme cette Scène, qui fait le quatriéme Acte de la Tragédie Latine étoit trop courte pour remplir le même Acte de la Tragédie Françoise, l'on y fait éclore l'effet des ménaces d'Egée; & l'on vient raconter à Médée comment ce Prince a pensé enlever Créüfe. Nérine veut achever fon récit, & dire comment la Princeffe a été fauvée: mais Médée l'interrompt par ce vers fi bien placé.

Je devine la fin; mon traître l'a fauvée.

Jafon en effet a volé au fecours dé fon amante avec Pollux, & l'a tirée des mains d'Egée, qui s'eft trouvé lui-même enveloppé. Corneille fait obferver cette 'ingénieufe interruption de Médée. C'eft un artifice véritablement délicat & dans

les mœurs. Médée avoit l'efprit trop agité pour entendre un détail inutile. Elle ordonne à Nérine de faire porter für le champ la robe empoifonnée à Créüse par les jeunes princes fils de Jafon.

lux,

La feconde Scène eft un vain combat de complimens entre Créon & Polpour montrer que ce dernier perfonnage n'a pas été tout-à-fait oifif, puifqu'il a combattu. Il donne même de juftes défiances à Créon dans la Scène fuivante au fujet du préfent de Médée,

J'eus toujours pour fufpects les dons des ennemis;

Dit-il après Virgile.

Timeo Dangos & dona ferentes.

Créon a de la peine à en prendre ombrage; ce qui eft étonnant, après les frayeurs qu'il a marquées à la vûë de Médée.

Gardes, empêchez-la de s'approcher de moi.

Il confent toutefois à faire un effai de la robe fur une femme condamnée

* Æneid. 1. 2. V. 49.

à mort: épreuve inutile; Médée y avoit pourvû. Le poifon, comme s'il eût eu l'art de difcerner, étoit fait pour nuire à Créon & à Creife, & pour épargner tout autre qu'eux.

On paffe de ces deux Scènes à la prifon d'Egée, qui débite des Stances beaucoup moins intéreffantes que celles de Polieucte ou de Rodrigue. Corneille a tâché en vain de juftifier ces changemens de lieu qui font affez fréquens dans fa Médée. La prétendue place publique d'Euripide & de Sénéque le bleffoit trop. Mais ces changemens de place choquent-ils moins? Certainement le spectateur a moins de peine à oublier que le lieu où l'on le fixe eft trop expofé à la vue des paffans, qu'à faire tant d'allées & de venues pour fuivre les Acteurs fans changer lui-même de lieu.

Médée vient enfin avec fa baguette magique brifer la prifon; elle fait tomber les fers d'Egée; & celui-ci part fans bruit après avoir offert fon Trône & fa main à fa libératrice,

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Un officier fort du Palais pour avertir promptement Jafon du funefte effet

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