ne fortez pas de ce Palais. Témoin du deftin de ce Héros, vous avez vû en peu d'heures un renversement de fortu ne dont Jupiter feul eft l'auteur. Il y a certainement beaucoup de feu & d'ame dans toute cette Piece: mais ce qui la rend plus intereffante, c'est l'art incomparable avec lequel Sophocle a fçû ménager ce feu qui croît d'Acte en Acte avec les évenemens jufqu'à la derniere Scêne qui en jette les derniers & les plus beaux éclats. Voilà ce qui a fervi de matiere à plufieurs brillans morceaux d'Ovide, à une Tragédie Latine de Seneque, & à une autre Françoise de Rotrou. Mais tous, & même Ovide, ont dégénéré de la premiere fimplicité. C'est que l'efprit humain veut toujours enchérir & qu'il ne fe contente pas du parfait, quand il y eft arrivé. ଅନୁ HERCULE AU MONT ETA, TRAGEDIE DE SENEQUE. 'UN des Seneques, ou plutôt celui qui a pris leur nom, & qui n'entendoit pas mieux le Théâtre, en traitant le même fujet que nous venons de voir, n'a pas fuivi tout-à-fait la même conduite, non plus que dans toutes celles qu'il a remaniées d'après les Tragiques Grecs. Beaucoup moins encore a-t'il fuivi leur inimitable & noble fimplicité. Les Acteurs de Seneque font Hercule, Déjanire, Alcmene, Hyllus, lole, une confidente, un Chœur de femmes d'Etolie, un autre d'Echaliennes Philotecte & Lichas, Perfounages dont quelques-uns ne font amenés que pour orner la Scéne & l'action. ACTE I A CTE I. Hercule fe montre d'abord fans dire où, ni comment, ni pourquoi. Mais ce n'eft pas Hercule: c'eft le Capitan des Vifionnaires. C'eft pis encore. On en va juger.,, Pere des Dieux, (dit l'Al»cide Latin,) tu peux à préfent régner » en fûreté. Ce bras t'a procuré la paix., » Il n'eft plus befoin de lancer la foudre fur la terre. Rois perfides, Tyrans » cruels, j'ai exterminé tout ce qui me» ritoit le tonnere; & toutefois on me refufe le Ciel! mon obéiffance m'a » montré tel que je fuis, digne fils de Jupiter. Junon même cette implacable marâtre m'a reconnu pour ton fils. » Que tardes-tu donc à me récompen»fer? Craint-on qu'Atlas ne fuccombe رو fous le faix en portant Hercule avec , le Ciel? Pourquoi différer le prix qui ❞ m'eft dû? La Mort & l'Enfer m'ont ,, rendu à toi.. Il entre ici dans le détail de fes travaux, non pas comme 'Hercule de Sophocle; mais toujours en rodomont. Puis il pourfuit de cette forte: Je ne vous demande point, * De Saint Sorlin Delinarets, Tome Ir »ô mon pere, que vous m'appreniez ,, le chemin du Ciel. Je fçaurai le trou»ver. Craignez-vous que la terre ne reproduife des monftres? Qu'elle fe hâte donc de les enfanter tandis qu'elle jouit d'Hercule! A l'entendre nul autre ne pourra marcher fur fes traces; le Soleil n'a pú fuivre ses courses, la nature s'eft trouvée à bout, & la terre a manqué à fes pas. Il a forcé la nuit éternelle, & il eft refforti du chaos d'où nul mortel ne revient. Il a foutenu toute la fureur des mers, & l'Ocean n'a pû brifer les Vaiffeaux où il s'eft trouvé Enfin il ne lui refte plus rien à faire fur la terre, parce qu'elle n'oferoit produire de nouveaux monftres. Le plaifant eft qu'il fait réflexion que par haine pour lui Junon a transferé les monftres au Ciel. Devineroit-on comment? C'eft qu'il y a dans le Ciel des fignes & des conftellations qu'il a plû aux hommes d'appeller, le Lion, le Serpent, &c. Enfuite par un autre réflexion encore plus extravagante, il dit, que ce font fes travaux qui l'on précedé au Ciel, & qu'il y voit fes exploits écrits: mais que Junon a voulu fans doute lui rendre formidable le féjour céle fte en le rempliffant de ces monftrés, Quelle puéri lité! ce n'eft pas tout. Junon a beau faire, fi elle lui refufe une place dans les Cieux, il va renverfer & refondre toute la terre, joindre l'Espagne à la Sicile, chaffer bien loin la mer, frayer de nouvelles routes aux fleuves, & bouleverfer tout. » Jupiter, ajoute-t'il, con› fiez les Dieux à ma garde, vous pou➜vez vous reposer fur moi de la région célefte quand j'y ferai. Zone glaciale, » ou torride, il n'importe, croyez que » les Dieux feront en fûreté d'un pole » à l'autre ». Il fe compare enfin à d'autres hommes divinifés, comme Apollon, Bacchus, & Persée. » Qu'ont-ils fait ›› après tout pour mériter les honneurs divins? l'un a tué le Serpent Python. » Mais combien de Pythons dans la feule Hydre de Lerne! l'autre a con» quis les Indes. Qu'eft-ce en compa➜ raison du monde fubjugué un autre a coupé la tête de Medufe. Ce n'é» toit qu'un monftre unique. Après ce beau début, il envoye Lichas à Déjanire, & ordonne à d'autres de conduire des victimes au temple de Cénée. On commence à entrevoir ici qu'Hercule n'est donc pas encore à Trachine: ce qui fe confirme par la fuite. Il y a donc une duplicité de lieu, Car Déjanire qui pa |