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Troyens, & la mere de tant de Héros qui pleure fes infortunes; c'eft une troupe de Dames Troyennes que les Grecs vainqueurs regardent comme la partie la plus confidérable de leur butin, & qu'ils partagent entr'eux au fort, pour les faire paffer à l'inftant de Troye dans leurs vaiffeaux. Il eft vrai qu'on immole auffi dans cette piéce Polyxène & de plus Aftyanax, ce qui rend Hécube la plus à plaindre des Troyennes. Mais enfin il ne s'agit pas uniquement d'elle. A l'égard du facrifice de Polyxène fait en différens lieux dans l'une & l'autre Tragédie, & de quelques autres circonftances qui varient, ce font des libertés que les diverses traditions donnoient aux Tragiques Grecs, & dont Euripide n'a pas fait difficulté de fe fervir plus

d'une fois.

La Scène de ce Poëme eft le camp des Grecs fous les murs de Troye. La tente d'Agamemnon leur Général est le principal objet du fpectateur. C'est de là que partent les deftinées des Troyennes qu'on tire au fort, & la place qui eft devant fert à la représentation des événemens réglés dans la tente par le caprice des Grecs, ou par le fort. Au refte Euripide n'a pas eu

peur de fe répéter un peu lui-même quant au fujet, tant l'Iliade lui a paru une fource intéressante & féconde en fpectacles tragiques.

Neptune & Minerve font le Prologue, Hecube, Caffandre fa fille, Andromaque veuve d'Hector, Helene, Ménélas, Taltybius, un Chœur de Troyennes captives, font les perfonnages de la Tragédie,

ACTE PREMIER,

Neptune paroît feul. L'intérêt qu'il prend à la ville de Troye qu'il a bâtie avec Apollon, le rapelle vers elle par un retour de pitié fur l'état affreux où les Grecs l'ont réduite. Il retrace en peu de mots l'image de Troye en cendres, & de ce cheval funefte, qui, dit-il,

S'en va devenir, L'éternel entretien des fiécles à venir.

Il expofe en paffant quelques traits du fujet, à fçavoir l'affemblée des Grecs & le partage du butin. Il raconte ce qui précéde l'action; que Polyxène eft déja immolée fur le tombeau d'Achille, & * RACINA Iphig. AH, I. Sc, V,

qu'Agamemnon foulant aux pieds le ref pect dû au Dieu Apollon dont Caffandre étoit la Prêtreffe, n'a pas rougi d'époufer cette Princeffe malgré elle. Il dit en foupirant les derniers adieux à cette ville fi heureufe autrefois, & renverfée de fond en comble par la colere de Junan & de Pallas.

Minerve s'entendant nommer furvient; arrête Neptune, & par des civilités elle F'engage à fouffrir un moment d'entretien. Contente de fa vengeance furTroye elle en prend à préfent les intérêts; ou plutôt piquée de la négligence des Grecs qui n'ont pas puni le crime d'Ajax lorfqu'il traîna inhumainement Caffandre du Sanctuaire même de Pallas où elle s'étoit réfugiée, la Déeffe veut les facrifier à fon reffentiment, & rendre leur retour funefte. Elle a déja obtenu des orages & des foudres de Jupiter; elle demande à Neptune qu'il fouleve les flots, à peu près comme Junon le demande à Eole dans Virgile;

* Incute vim ventis, fubmerfafque obrue puppes, Aut age diverfas, & disjice corpora ponto.

» Animez le courroux des vents; en» gloutiffez la flotte fous les eaux, ou * Eneid. l. 1. V. 73.

» dispersez-là, & enfeveliffez les Grecs » dans le fein de la mer. Neptune promet fon fecours à Minerve: l'un & l'autre fe retirent pour préparer aux Grecs d'horribles tempêtes. Cette punition anticipée des Grecs eft plus artificieufe qu'on ne se l'imagine d'abord. Elle prévient déja le fpectateur en faveur de la malheureufe Troye, & elle le laiffe content à la fin du fpectacle dans l'efpoir que les inhumanités qu'il a vûës ne resteront pas impunies.

*

On voit paroître à l'inftant une troupe de femmes autour d'Hecube qui eft couchée proche de la tente d'Agamemnon comme une perfonne accablée de douleur. Tel on l'a vûe dans une Scène de la piéce qui porte fon nom. Les Dames Troyennes l'exhortent à fe lever; mais ayant befoin elles-mêmes de confolation, elles foupirent en la confolant, & ne peuvent s'empêcher de dire, comme Virgile l'a dit depuis:

** Fuimus Troës, fuit Ilium & ingens,

Gloria Teucrorum.

» Ilion n'eft plus, & la gloire de Troye » s'eft évanouie », Hécube en gémiffant

* Hécube Act. III.

** Eneid. 1. 2. v. 325.

faifit cette trifte penfée, & en fait l'a liment de fa douleur. L'accablement où elle eft lui ôte la force de fe lever. Relevée cependant par le fecours des femmes, elle fait en vers lugubres le récit de tous fes maux. ›› Epouse de Priam, » mere de tant de * Princes, Reine d'un grand Etat il ne lui refte de tout cela » qu'une trifte vie qu'elle va traîner » dans la captivité. La vûe du rivage ,, d'où la flotte fe difpofe à partir re» double fes plaintes. Où fera-t'elle » conduite, & pour quelle région quit

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tera-t'elle fa chere patrie»? Le Chœur entre dans fes fentimens. Il faut remarquer qu'il n'eft pas compofé des femmes du premier rang. L'on entend d'un autre côté de grands cris. Ce font ceux des autres Dames Troyennes qui font enfermées dans une tente, & qui voyent que l'on précipite leur départ & leur efclavage. Tout le refte de l'acte ne roule que fur leur inquiétude touchant leur deftinée. C'eft un deuil de femmes effrayées fans nul reffource d'efpoir, & une fuite de plaintes plus naturelles que faciles à exprimer. Le tout fait com

Ils étoient au nombre de cinquante. Quinquaginta illi Thalami, fpes tanta pepon tum! Virg. Æneid. 1. 2. v. 503.

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