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"routes fecrettes, conduit les chofes humaines à fes fins ». Cela montre bien que les idées des anciens fur la Divinité, quoique nobles & grandes, n'étoient ni uniformes ni précises. L'on fent ici qu'Euripide étoit difciple de Socrate.

On amene auffi-tôt Hélène, qu'on tire violemment de la tente par ordre de Ménélas. Elle demande s'il lui eft permis de parler pour fa défense. Son époux ne veut pas l'écouter. Mais Hécube le prie de lui permettre d'expofer fes raifons, & fe charge de la confondre, en faifant retomber fur elle tout ce qu'elle alléguera de fpécieux pour fa défenfe. Ce qui fait naître une de ces conteftations fi propres du Théâtre antique, & fi fort du goût d'Athènes qu'il n'y a prefque point de Tragédies où nous n'en trouvions une ou plufieurs.

que

Hélène commence: fon difcours eft artificieux; car elle déclare d'abord ce n'eft point à fon époux qu'elle parle, puifqu'auffi bien il ne fe rendroit pas à fes raifons: mais qu'étant attaquée par Hécube, elle fe fent affez de force pour lui répondre. Elle dit que c'eft Hécube & Priam, qui font coupables

de tous les maux qu'a caufé la guerre l'une pour avoir mis au monde Pâris, & l'autre pour n'avoir pas étouffé ce monftre naiffant. Elle raconte en peu de mots la difpute des trois Déeffes fur leur beauté, & le jugement de Pâris en faveur de Vénus. Hélène en fut le prix. Qu'auroit-ce été fi Pâris eût rendu Junon victorieufe? Cette Déeffe lui offroit la domination de l'Europe & de l'Afie. Que devenoient les Grecs? C'eft Hélène facrifiée à la paffion de Pâris, qui a fauvé la Grèce, & qui a rendu les Grecs vainqueurs des Troyens, dont, fans elle, ils auroient été les efclaves. La mort fera-t'elle donc la récompenfe de ce bienfait ?

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Il eft vrai qu'on pourroit faire à Hélène une objection fâcheufe: c'eft d'avoir connivé à fon enlevement. Elle en fent toute la force: auffi tâche-t'elle de la prévenir & de l'éluder. Elle dit que » Pâris »étoit venu à Sparte fous les aufpices » d'une grande Divinité: que Ménélas doit donc s'en prendre à Vénus, non » à elle, Hé, le moyen de réfifter à une Déeffe à qui Jupiter même obéit »? La raison, comme on le voit affez, n'eft pas trop légitime, puifque les Grecs eux-mêmes ne s'en payoient pas. Elle

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en allégue une plus plaufible, quand elle reproche à fon époux de s'être abfenté fort à contre-temps de fon Palais, après y avoir reçu Pâris. C'eft fur cette abfence imprudente qu'Ovide s'eft crû en droit de fonder l'artificieufe lettre qu'il fuppo fe qu'Hélène écrivit à Pâris.

Il eft aifé de juger quel fond Ménélas pouvoit faire fur Hélène, & de quel poids doit être la prétendue juftification de cette Princeffe, que l'Antiquité nous a laiffé ragarder comme le modéle des fléaux d'Etat, tant de fois renouvellés, depuis Hélène.

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Elle continuë fon apologie à peu près en ces termes: » Je puis paroître coupable de n'avoir pas quitté Troye pour >> retourner à Mycènes, quand les Dieux » fembloient me rendre à mon premier » époux, en m'ôtant Pâris; mais ils me » font témoins que je l'ai tenté vaiement. » Combien de fois les gardes m'ont-ils furprise fur le point que j'étois de m'é» chaper de Troye, en franchiffant les » murs par le fecours des cordes attachées >> aux créneaux? Hélas! Ils m'ont livrée, » malgré moi & malgré les Phrygiens, » à la paffion de Deiphobus ». Elle laiffe alors couler quelques larmes feintes ; & elle demande à Ménélas pour quel crime

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il ofera lui donner la mort, & s'il prétend braver les Dieux qu'elle fait auteurs de tout ce qu'on lui reproche. Le Chœur eft ébloui de ce difcours, mais il n'eft pas perfuadé ; & il exhorte Hécube à venger fes enfans & fa patrie par un difcours qui renverfe toutes les fauffes fubtilités d'Hélène. Cela montre.combien on donnoit d'avantage aux raifonnemens & à l'éloquence chez les Athéniens.

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Hécube juftifie d'abord Junon & Pallas. Eft-t-il croyable que la premiere » ait voulu trahir l'Argolide qu'elle ché»rit, & la livrer aux Troyens? Miner,,ve a beaucoup moins prétendu leur

foumettre fa chere Athènes. La con» teftation de ces Déeffes fur la beauté » n'eft qu'une fable inventée à plaisir. » Quelle eût été la prétention de Junon? Un époux plus puiffant que Jupiter? Et celle de Pallas, quelle ? » Un mariage? Hé, ne le fuïoit-elle "pas. Ceffez, dit-elle à Hélène, de rendre ces Déités complices de vos » crimes, ou plutôt de les avilir pour » vous juftifier. Vous ne trouverez nulle créance dans les efprits fenfés. Quelle » folie de croire que Vénus ait quitté ,, le Ciel pour accompagner Pâris, & » pour favorifer un raviffeur? Hé, ne

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»pouvoit-elle pas, fans fortir du séjour " célefte, enlever Hélène avec toute fa "Cour & fon Palais *? C'eft le fol ,, amour de Pâris; c'eft votre propre » foibleffe qui vous a tenu lieu de Vé»nus. Tout devient divinité pour les

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coupables mortels ». Elle ajoute un jeu de mots tels que ceux qui font fouvent ufités chez les Grecs & dont on a vû des exemples dans cet ouvrage. C'est que ce n'eft pas fans raifon que les noms Grecs de Vénus & de Folie fe reffemblent **.

Ici Hécube pouffe Hélène par des reproches très-expreffifs fur la honte de fes déreglemens. Elle alléguoit la violence: » Mais qui des Lacédémoniens,

réprend Hécube, vous a entendu ap» peller Caftor & Pollux à votre se», cours? Non, non, c'est l'éclat de la ,, fortune qui a toujours guidé votre » cœur. Vous arrivez à Troye; on com,, bat. Ménélas eft-il vainqueur? Il de» vient un héros pour vous, & Pâris n'eft

Damicles, ville Lacédémonienne.

** A'oposiτn Vénus,A'oposúvn Stultitia. Tout ce difcours d'Hécube eft remarquable. Il confirme mon fyftême fur la diftinction de la Fable, & de la réligion réelle des Payens. Voyez la Conclufion générale, au VI. Volume.

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