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mes fuperfticieuses, telle qu'étoit celle d'envoyer dans l'autre monde leurs morts richement parés,

Ce concert lugubre eft interrompu par la vûë des flammes qui paroiffent fur les tours, & aux toits des maisons qui reftoient encore fur pied dans Troye. Le Chœur apperçoit des hommes, la torche à la main, courrir çà & là comme des furieux, & porter par-tout la défolation & l'incendie. Talthybius paroît lui-même, & annonce nettement ce que le Choeur n'a fait qu'entrevoir; je veux dire, qu'il donne ordre aux incendiaires de faire leur office, & d'achever de livrer Ilion aux flammes. Il avertit en même tems les Troyennes de fe tenir prêtes à partir, & il dit à Hécube qu'il lui faut fur le champ fuivre Ulyffe, » Malheureuse, » s'écrie-t'elle, voici donc le comble » de mes maux, & le dernier coup qui » m'étoit réfervé! Je quitte ma patrie , & je la vois en cendres. Allons, disons» lui au moins les derniers adieux. Chere » cité, jadis la merveille des nations, >> voilà donc ta gloire évanouie! Tu » deviens la proye des flammes, & nous

devenons efclaves. Ah Dieux! Mais que fert de les implorer? Tant de

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"fois invoqués, ils fe font rendus fourds à ma voix. C'en eft fait, ma gloire le " veut: je m'en vais me précipiter dans ❝ cet incendie. Troye me fervira de bu» cher,. Talthybius l'arrête. Elle & le Chœur fe retranchent fur les larmes, & fur les cris, pour déplorer Ilion, & tous les maux qui ont précédé. Cela produit des peintures très-vives: car il femble qu'on voye périr & expirer, pour ainfi dire, cette ville fous fes dernieres ruines, qu'on entende les palais s'écrouler, & que Troye elle-même ferve de bucher au cadavre de Troye. Talthybius, tout Grec qu'il eft, fe fent touché de ce fpectacle; mais il obéït en foupirant à fon Roi, & il emmene les captives aux vaiffeaux.

La gradation qui regne en cette piéce eft admirable. Le renversement d'Ilion produit l'affemblée des Grecs dans la tente d'Agamemnon, pour la deftination des Troyennes, refte unique de Troye. C'eft delà que le fort aveugle, ou le caprice orgueilleux des vainqueurs lancent tous leurs traits fur ces femmes infortunées, enforte qu'ils retombent tous fur Hécube leur Reine. La mort de fa fille Polyxène en eft le premier effai. Encore en cache. t'on quelque tems la nouvelle,

pour tourmenter davantage Hécube & fes compagnes par une incertitude pire encore que les maux qui les menacent. Les forts & les déliberations ne fe dévoilent que peu à peu, comme pour leur faire goûter à longs traits toute l'amertume de leurs maux. Agamemnon se deftine Caffandre pour efclave. Andromaque eft donnée à Neoptoléme; Hécube elle-même à Ulyffe. Caffandre eft traînée aux vaiffeaux; Andromaque eft emmenée avec fon fils qu'on lui a laissé; Hécube apprend la mort de fa fille Polyxène; mais Aftyanax, ce cher gage, fufpend un peu la douleur commune. Vaine confolation! On vient l'arracher d'entre les bras de fa mere, pour le faire mourir. Il ne reftoit qu'Hélène. Les Grecs l'abandonnent à la fureur de Ménélas. Autre fujet de confolation pour les Troyennes; mais on les replonge bientôt dans une plus profonde trifteffe, en apportant fur le bouclier d'Hector, le corps brifé d'Aftyanax, que le départ précipité d'Andromaque ne lui a pas permis d'inhumer. Ce trifte emploi, dont Hécube est chargée, réveille toute fa fenfibilité, & lui retrace tous les malheurs, comme fi fes cinquante fils, fon époux & toute fa maifon fe trouvoient

réunis fur ce bouclier dans Aftyanax qui en eft le refte. Pour furcroît de défefpoir on brûle à fes yeux jufqu'aux ruines de Troye, & on la conduit elle-même à Ulyffe fon plus cruel ennemi. Tant de fujets différens, mais fi habilement liés, n'en forment qu'un & frapent tous au même but,

LA

TROADE,

TRAGEDIE

DE

SENEQUE.

E nom de cette piéce imitée des
Troyennes d'Euripide, a fait quel-

que peine aux Sçavans, furtout à Daniel Heinfius, & avant lui à Jof, Scaliger. La raifon, en effet, en faute aux yeux; car, outre que quelques auteurs, comme Valerius Probus, la cite fous le nom d'Hécube, faute d'un meilleur titre, il n'eft pas naturel de penfer qu'elle ait eû celui qu'on lui donne univerfellement. Troas fignifie ou la region Troyenne, ou un Poëme qui concerne Troye, ou une femme Troyenne. Ainfi, dit-on, eû égard aux païs différens, Thébaïs Ilias, &c. C'eft le même défaut que Dan.

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