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Elle fe rappelle Priam égorgé aux autels, & fes fils maffacrés. Ce Pere de "tant de Rois, dit-elle, dit-elle, manque de: "tombeau; & tandis que Troye eft en » flammes, il n'a point de bucher ».

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Ille tot Regum parens

Caret fepulero Priamus, & flammâ indiger
Ardente Troja.

Penfée froide qu'on a admirée, & qui n'eft pourtant rien moins qu'admirable. Elle eft du même goût qu'un morceau du commencement quia fervi à Defpreaux pour marquer le caractere de toute la Piéce, & en général du génie de Sénéque. Le voici. » La co

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lonne de l'Afie eft renversée cet » ouvrage des Dieux, cette Troye, au » fecours de laquelle étoient accourus »,& ceux qui boivent les froides eaux » du Tanaïs aux fept embouchures, & » ceux qui profternés à l'afpect des rayons. » du Soleil naiffant,, voyent le Tigre: » mêler fes tiedes flots à ceux de la » mer. &c..}}

Columen everfum occidier
Pollentis Afa, Calitum egregias labor:
Ad cujus arma venit, & qui frigidum
Sepsena Tanain ora pandentem bibit ;
Et qui renatum pronus excipiens diem
Tepidum rubenti Tigrin immifcet freto. &C:-

Ib feroit ennuyeux de rapporter le tefte. C'eft au fujet de ces vers que Boileau a fi bien dit:

Que devant Troye en cendre Hécube défolée Ne vienne pas pouffer une plainte ampoulée. -Nifanísï raifon décrire en quels affreux païs Par fept bouches l'Euxin reçoit lé Tanaïs. Tous ces pompeux amas d'expreffions frivoles Sont d'un déclamateur amoureux de paroles. Il faut dans la douleur que vous vous abbaiffiez: Pour me tirer des pleurs, il faut que vous: pleuriez.

Ces grands mots dont alors l'Acteur emplit fan bouche

Ne partent point d'un cedar que fa mifere tou

che.

Enfin, Hécube tourne fon inquiétude fur les Princeffes Troyennes, que chacun des vainqueurs va tirer au fort.

Dominum etce Priami uuribus & natis legens
Sortitur urna. Prada quem vilis fequar ?
Hic Hedoris conjugia desponder fibi...
Hie oprar Heleni conjugem; hie Antenoris;
Nes deeft tuos, Caffandra, quis thalamos perat.-
Mea fors timetur. Sola fum Danaïs metus.

"L'urne fatale va donner des maîtres "aux brus & aux enfans de Priam. Vil: "butin de Troye quel Tyran fuivrai

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»je? l'un fe promet l'époufe d'Hector, » l'autre fouhaite celle d'Hélenus: celui»ci celle d'Anténor, Caffandre même » quoique dévouée aux autels, a des » amans Grecs. Seule on craint de m'ob» tenir. Je leur fuis devenuë redouta»ble». On n'entend pas trop ce que veut ici dire Hécube. Voudroit-elle des amans? Non, fans doute. Se glorifie-t'elle de n'en point avoir? C'est apparemment fa pensée. Elle fe réjouit qu'on redoute le malheur attaché à fa deftinée. Quoiqu'il en foit, il n'y a dans cet Acte que ces vers qui marquent le fujet, fi pourtant, c'eft-là le véritable fujet de Sénéque. La fuite de la Piéce à fçaen donne deux autres, voir, l'arrêt prononcé contre Polyxène & Aftyanax, c'eft-à-dire, la mort de la fille, & du petit-fils d'Hécube. Le fort des Troyennes ne fe développe qu'à la fin, & en fi peu de mots, qu'il ne fait point d'impreffion après ce qui s'eft paffé. Ce changement & cette duplication de fujet, montre combien peu Sénéque a fuivi l'efprit & le fil de fon modele, Euripide prend pour fujet le fort des Troyennes; & ce fort se dévoile peu à peu depuis le commencement de la Piéce jufqu'à la fin, par

un enchaînement qui lie toutes les parties pour n'en faire qu'un tout. Ici rien de tout cela. On annonce le même fujet. Le spectateur s'y attend: & il voit par la fuite qu'il n'en eft plus queftion; qu'il ne s'agit d'abord que de Polyxène, & qu'il y a apparence qu'on ne parlera que d'elle. Puis on lui met fous les yeux un autre objet, je veux dire Aftyanax; & cela fans liaison, fans préparation, fans autre fondement que le caprice du Poëte, qui attache ensemble des Scènes qui n'ont aucun rapport effentiel. C'eft cet art tragique qui manque à Sénéque, & qu'il n'a pas plû aux Critiques d'examiner à fond pour juger du prix des Tragédies Latines en elles-mêmes ou par rapport aux Grecques. Reprenons le fil de cette Piéce.

Hécube fans autre paffage qui uniffe ce qu'elle va dire avec ce qu'elle adit, s'avife tout-à-coup de s'écrier: Lamenta ceffant? » Quoi? Nous différons notre » deuil? Compagnes de ma captivité, » frappez votre fein, faites tout reten»tir de vos gémiffemens: & célebrez les » funérailles de Troye ». Et jufta Troja facite.

Le Chœur obéit. » Celles, dit-il, » dont vous exigez des pleurs font faites

depuis long-tems à pleurer ... Ce cont mencement qui eft dans la nature contre F'ordinaire de Sénéque, & quelques autres morceaux, font, fans doute, ce qui a déterminé Heinfius à préférer hautement les Chœurs de Sénéque à ceux d'Euripide. Il auroit raifon de les comparer, fi tout étoit auffi naturel & auffibien placé que le mot qu'on vient de lire. Mais on trouveroit bien du mécompte dans le détail, Ici Hécube commence le deuil en cérémonie. Elle donné aux autres femmes l'exemple & le fignal. Toutes de concert laiffent flotter leurs cheveux, fe les arrachent, fe couvrent de pouffiere, déchirent leurs vêtemens, & fe battent la poitrine: le tout en ca dence & avec toutes les marques du défefpoir. Auffi eft-ce un deuil général, un deuil pour la patrie entiere, & fans exemple dans les Tragédies Grecques. Il en devoit coûter aux Acteurs qui jouoient de pareils rôles, fi on les jouoit. Tantôt c'eft pour Hector, tantôt c'est pour Priam; enfin, c'eft fur elles-mêmes que les femmes pleurent. » Car enfin,

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difent elles, Priam eft heureux, & » heureux quiconque ne furvit pas à » tant de maux ». Hécube s'en va, l'on ne fçait pourquoi.

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