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ACTE II.

Talthybius vient dire au Choeur que les vaiffeaux des Grecs font arrêtés au port faute de vents favorables. C'eft l'Ombre d'Achille qui les empêche de fouffler. Talthybius raconte ici l'apparition de ce Héros, qui demande que Pyrrhus lui immole Polyxène, qui lui avoit été promise en mariage. Cette narration fe fait à la façon de Sénéque. Ce font des vers magnifiques à l'enflure près. A fout prendre, elle eft belle, & commenceroit bien l'ouverture de l'action, fi elle étoit au premier Acte, & s'il ne s'agiffoit que de Polyxène.

Pyrrhus & Agamemnon paroiffent à l'inftant. Le fils d'Achille commence, ›› Chacun des Grecs, dit-il, a eû sa » part des dépouilles & des captives

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de Troye. N'eft-il pas jufte de don,, ner la fienne à Achille,,? Il releve le mérite & les exploits de ce Héros, & conclut de cette maniere en adreffant la parole à Agamemnon. » Balan» cerez-vous à fatisfaire Achille ? Quor ?? il fera cruel d'immoler la fille de Priam au fils de Pelée, & tout pere que

» vous êtes, vous avez facrifié votre fang à Hélené,, !

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Agamemnon répond. » L'impétuofité "eft un défaut pardonnable à la jeuneffe. Dans les hommes ordinaires » c'est l'effet d'un âge bouillant; dans Pyrrhus, c'est l'efprit de fon pere » qui l'anime. J'ai fupporté l'impa»tiente ardeur d'Achille. Plus on eft », élevé, plus on doit être complaisant. » Mais pourquoi voulez-vous deshono»rer par le carnage l'Ombre d'un Hé» ros fi réveré? Il faut, croyez-moi, », difcerner ce qu'il convient aux vain"queurs de faire, & aux vaincus de » fouffrir. La moderation feule rend un » Gouvernement durable. La violence » le perd. Plus la fortune eft favorable, plus on doit la craindre. Mes victoires » m'ont appris qu'il eft d'affreux revers qui écrafent en un inftant les plus » puiffans Etats. Troye renverfée nous »a trop enorgueillis Songeons que » nous fommes au même point d'où les » Troyens font déchûs à nos yeux. Moi» même, je l'avouerai, j'ai quelquefois » paffé les bornes d'un légitime empire. » La fierté m'emportoit: mais cette mê» me profpérité qui enyvre les autres a brifé mon orgueil. Priam m'a rendu

fier & moderé. Puis-je regarder au» trement le Sceptre & la Couronne que » comme un vain éclat, qu'un revers peut » anéantir fans y employer ni mille vaifɔ, seaux, ni dix ans. L'adverfité ne vient » pas toujours fi lentement. J'ai voulu (j'en conviens) dompter & humilier Troye. Mais pardonnes, chere Gréce; j'aurois empêché la ruine de ta rivale, » fi la fureur d'un affaut, & une victoire » nocturne avoient pû recevoir un frein. » Tout ce qui s'eft paffé d'horrible & » d'inhumain, c'eft la fortune, ce font » les ténebres fi capables d'animer la fureur militaire, qui l'on exécuté. Reve»nus à nous-mêmes, épargnons le peu. qui refte de Troye. Affez & trop nous » avons afsouvi notre vengeance. Non, »je ne permettrai point un crime! Quoi? » Qu'une fille de Roi périffe, qu'on l'im» mole de fang froid fur un tombeau, » que fon fang arrofe des cendres infenfibles, qu'on ofé nommer hymenée une barbarie pareille; non encore une fois, je ne le fouffrirai pas. L'attentat » de l'armée retomberoit fur moi; & » quiconque n'arrête pas l'exécution d'un forfait quand il le peut, eft cenfé l'or

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donner».

Voilà une excellente veine. Si Séné

que s'exprimoit toujours ainfi, il cefferoit d'être lui-même. C'eft dans ces fortes de morceaux que Racine qui les fentoit fi bien a fçû habilement l'imiter. Il le traduit ainfi dans la Scène d'Andromaque, où Pyrrhus refuse Aftyanax à Orefte.

Tout étoit jufte alors, la vieilleffe & l'enfance
En vain fur leur foibleffe appuïoient leur défense
La victoire & la nuit plus cruelles que nous
Nous excitoient au meurtre & confondoient nos

coups,

Mon courroux aux vaincus ne fut que trop fé,
vere;

Mais que ma cruauté furvive à ma colere,
Que malgré la pitié dont je me fens faifir
Dans le fang d'un enfans je me baigne à loifir!
Non, Seigneur, que les Grecs cherchent quel-
qu'autre proye:

Qu'ils pourfuivent ailleurs ce qui reste de Troyes
De mes inimitiés le cours et achevé :

L'Epire fauvera ce que Troye a fauvé.

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"Quel prix aura donc Achille, dit Pyre »rhus? la gloire, répond Agamem» non ». Il s'étend fur l'inhumanité des facrifices de fang humain; de forte que Pyrrhus s'emporte jufqu'à menacer le Général; vrai caractere du fils d'Achille.

* Andromaque Ad. 1. Sc. II,

La contestation s'allume. Elle produit des reproches très-piquans, & prefque des injures Grecques en beau Latin. A cela près cette Scène eft bien faite & affez conforme à nos manieres. Pyrrhus & Agamemnon y jettent des maximes fort oppofées. Mais il eft affez étonant de voir que cette querelle fi vive fe termine de la part d'Agamemnon, ce Roi des Rois, par appeller Calchas pour lui remettre le jugement de ce différend.

Calchas confulté prononce l'arrêt de mort contre Polyxène. Il faut qu'elle foit immolée de la main de Pyrrhus. Les Dieux veulent même qu'on préci pite du haut d'une tour Aftyanax fils d'Hector. Ce n'eft qu'à ce prix que la flotte obtiendra les vents. A cet Oracle Agamemnon ne réplique rien, & fe retire.

A la vérité on met ici Aftyanax fur les rangs. Mais cela ne fauve pas la duplicité d'action. La mort d'Aftyanax chez Euripide, vient du Confeil affemblé dans la tente du Général, auffi bien que tous les autres évenemens. Ici ele eft prononcée par Calchas, fans qu'on fcache pourquoi, & fans qu'on ait aucun lieu de s'y attendre,

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