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J'en appelle à vous fils d'Achille, défendez le bienfait de votre pere.

ULYSSE, Plaintes inutiles! Ce monument va remplir ces lieux de fes dé bris.

ANDRO M. Grecs inhumains, c'étoit le feul crime qui vous reftoit à ofer. Temples, Autels, Dieux, & même fa vorables, vous avez tout violé. Votre fureur avoit épargné les tombeaux. Mais je m'opposerai à vos efforts. Ma foible main bravera vos armes. Un jufte courroux me donnera des forces * Vous trouverez dans moi une Amazone qui renverse des armées entieres, une Ménade hors d'elle-même qui franchit les forêts, qui frappe, qui bleffe fans s'en appercevoir. Oui, je me jetterai au milieu de ces foldats, & du moins j'aurai la gloire de fuccomber en défendant les Cendres de mon époux.

ULYSSE aux foldats. Qui vous arrê te? Seroient-ce les gémiffemens ou la fureur d'une femme? Obéiffez.

ANDROM. Ah plongez plutôt un poignard dans mon fein. Hector, cher Hector, repouffe l'effort des enfers, romps l'ordre des Deftins, fends la terre,

* Autre allongement puerile à la façon de SEN EQUI

& dompte Ulyffe. Ton ombre fuffira... Je te vois; tu prends les armes en main. Tu lances des feux. Grecs, voyez Hector & tremblez... Hélas, fuis-je la feule à le voir!*

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ULYSSE à un foldat qui brife le monument. Allons, détruis tout jufqu'aux fondemens.

ANDROM. un peu écartée à part. Que fais-tu, mere infenfée? Tu enveloppes dans la même ruine ton fils & ton époux. Peut-être pourras-tu fléchir les Grecs par d'humbles prieres.... Ah! Le poidsTM du tombeau va écrafer mon fils. Qu'il meure de toute autre maniere plutôt que d'être la victime d'un pere mort. (A Ulyf fe.) Ulyffe, jamais Andromaque n'a embraffé les genoux d'un vainqueur. Vous me voyez tomber aux vôtres. Prenez pitié d'une mere, & ne rebutez pas fes pleurs. Plus les Dieux vous ont élevé, moins vous devez accabler les malheureux. Ce qu'on leur accorde, on le donne à la fortune, à foi-même. Qu'ainfi puiffe vous recevoir le lit de votre fidelle épouse! Qu'ainfi puiffe Laerte prolon ger fes jours pour vous embraffer. Qu'ainfi votre Télémaque vous revoye, & allant au-delà de vos vœux qu'il paffe fon aïeul

Réfléxion peu fenfée à mon gré

en âge, & fon pere en efprit. Ayez pitié d'une mere: ce titre eft l'unique bien qui me refte.

ULYSSE. Livrez votre fils; puis priez.

ANDROM. Sors de ton afyle foûterrein, fors cher Tréfor, qu'une mere prétendit en vain dérober à la rapacité de l'ennemi. Voilà donc, ô Ulyffe, la terreur de vos mille vaiffeaux, un enfant. Rends-toi, mon fils, & profterné aux pieds de ton maître embraffe fes genoux. N'eftime plus honteux ce que la fortune ordonne. Oublie tes ayeux, & ce qu'ils furent: oublie Priam & l'éclat de fon empire: oublie ton pere Hector. Te voilà captif, prens-en les fentimens & les manieres. Si l'âge t'empêche de fentir l'horreur du trépas. qui t'attend, apprends du moins d'une mere à pleurer. Ce n'eft pas la premiere fois que Troye a vû couler les larmes fuppliantes d'un Roi enfant. Elle vit pleurer le jeune Priam. Il fléchit la férocité d'Alcide *. Oui ce fier domp

*Hercule faccagea Troye. Laomedon, qui en étoit Roi avoit trompé Neptune & Apollon, en les fruftrant du prix dont il étoit convenu avec eux pour bâtir fa ville. Ces Dieux l'accablérent de tant de maux, que pour les appaifen il fut contraint d'expofer fa fille Héfione fur un

teur de tant de monftres, ce héros qui brifa les portes de l'enfer, & qui s'ouvrit un chemin inconnu, fe laissa attendrir par les larmes d'un ennemi bégaïant. Regnez, lui dit-il, je vous rends le fceptre. Montez fur le Trône de votre pere, mais foyez plus fidéle qu'il ne le fut. Heureux Priam, d'être tombé entre les mains d'un ennemi fi généreux! Grecs: imitez la modération d'Hercule. N'aimeriez-vous que fes fureurs? Vous voyez un fuppliant bien cher. Aftyanax n'eft pas moindre que Priam, & il ne demande que la vie. Il abandonne la Couronne & l'Etat à la Fortune.

Le Roi d'Ithaque touché en apparence dit toutefois que la crainte de trouver un jour dans Aftyanax un ennemi fatal à la Gréce, doit l'emporter fur la pitié. La Princeffe répond chez Sénéque à peu de chofe près comme chez Racine qui l'a rectifié,

* Digne objet de leur crainte !

rocher. Hercule à qui il promit une récompenfe La délivra. Mais ayant été trompé comme ApolJon & Neptune, il s'en vengea par le fac de Troye, & l'enlèvement d'Héfione qui épousa Télamon. Mais il rendit le Sceptre à Priam Voyez Philoctete, Tom. II.

* Andromaq. A. I. Sc. IV.

Un enfant malheureux qui ne fait pas encor,
Que Pyrrhus eft fon maître & qu'il eft fils d'Hec-

tor....

Seigneur, tant de grandeurs ne nous touchent plus guere.

Je les lui promettois tant qu'a vêcu (fon pe

re....

Non, vous n'efperez plus de nous revoir encor,
Sacrez murs, que n'a pû conferver mon Hector.
A de moindres faveurs des malheureux préten-

dent;

Seigneur, c'eft un exil que nos pleurs vous demandent, &c.

Chez le Poëte Latin Andromaque demande auffi l'esclavage pour fon fils comme une faveur. Ulyffe répond que fi des vœux fi tendres font rejettés, c'eft à Calchas, non à Ulyffe, qu'elle doit s'en prendre. Surquoi cette mere pouffée à bout fe livre à la fureur & aux invectives. Puis elle fait les adieux à fon fils, adieux qui ne font point du tout dans la nature. Il n'y a que la fituation qui foit touchante. Elle lui dit qu'il ne regnera point, qu'il ne combattra point contre les Grecs, qu'il ne fe diftinguera ni à la chaffe, ni aux tournois, ni aux danfes; le tout en vers pompeux, mais. hors de leur place.

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