Ibid. C'eft qu'il fe reffouvient de l'Oracle dont Appui des Dieux & des humains Un qui fera mort de tes mains Il fait donc les apprêts de fa mort & donne fes ordres. Il veut qu'on éleve un bucher au mont Eta. II ordonne à Philoctete d'y mettre le feu & à Hyllus d'époufer Iole. Hyllus ne s'en défend pas. C'est que la belle Scéne de Sophocle a paru trop fimple au Poëte Latin. Enfin Alcide confole Alcméne, en lui remettant devant les yeux la gloire qu'elle a eûë, d'avoir mis au monde un Hercule. Soit qu'il foit fils de Jupiter ou non, il penfe mériter tout au moins qu'on le croye fils de ce Dieu, & faire honneur à Jupiter même quand il ne le feroit pas. Il n'eft pas néceffaire de faire des réflexions fur cette impertinence. Si le fleuve Achelous fon rival s'étoit trouvé-là, il auroit pû lui répondre, comme il fait chez Ovide: * Jupiter aut falfus pater eft, aut crimine verus s ○ v 1 D. Metam, l. 9. V. 24, "Jupiter n'eft pas véritablement votre » pere, ou il ne l'eft que par un crime. » Vous achetez un tel pere au prix de >> l'honneur d'une mere». Tous les Acteurs partent ; & le Chœur prie le Soleil d'annoncer aux quatre parties du Monde le trépas d'Alcide, afin que toute les Nations pleurent leur liberateur. Il prédit encore l'apotheofe de ce nouveau demi Dieu, & en lui demandant quel lieu du Ciel il voudra bien habiter, l'on fouhaite qu'il foit placé loin du Lion & de l'Ecreviffe, de peur que fes regards ne troublent le cours des Aftres, & n'épouvantent le Soleil; flatterie qui furprendroit, fi un long usage ne l'eût mife à la mode, par rapport aux Empereurs, dans la bouche de Virgile le plus fenfé des Poëtes, d'Horace, d'Ovide & fur tout de Lucain qui encherit encore fur la pensée de notre Cœur. Il dit nettement à Neron, que quelque endroit du Ciel qu'il veuille occuper, les dieux fe feront un honneur de lui ceder le pas, & que toute la nature lui laiffera la liberté du choix. Il prie feulement ce Prince de ne pas choifir l'un des deux Poles, de peur de priver Rome de fes regards ferains; mais de fe placer juftement au milieu de la voute célefte, qui fans cela courroit rifque d'être furchargée d'un tel faix. *Tibi numine ab omni Cedetur, jurifque tui natura relinquet Quis Deus effe velis, ubi regnum ponere mundi. Unde tuam videas obliquo fidere Romam... Etheris immenfi partem fi prefferis unam. Le Chœur des Etoliennes finit fon Intermede en priant Jupiter de ne permettre plus qu'il naiffe aucun monftre fur la terre, puifqu'il n'y a plus d'Alcide, ou bien de lui donner un fucceffeur. Vaine priere! Lucrece fait voir ingénieusement combien l'héroïfme de ces prétendus grands hommes étoit inutile à la terre. On fe trompe, dit-il, fi l'on donne un grand prix dans fon »eftime aux exploits d'Hercule. Quel >> mal pourroient nous faire après tout » & le Lion de Nemée, & le Sanglier » d'Arcadie »? Il parcourt ainfi les autres expéditions d'Hercule, qu'il ramaffe en très-peu de vers. » Si tous LUCAN. Pharfal. l. 1. v. 50 » ces monftres revivoient, reprend-t'il, » en quoi feroient-ils fi nuifibles? La ›› Terre en reproduit tous les jours fur » les montagnes & dans les forêts. Il ne »tient qu'à nous de les éviter. Mais fi » nous n'exterminons de notre cœur des » monftres beaucoup plus dangereux, à » quels périls ne fommes nous pas ex→ pofés »? * Quid Nemeaus enim nobis nunc magnus hias tus Ille Leonis obeffet, & horrens Arcadius fus.... At nifi purgatum eft pectus, quæ prælia nobi &c. Revenons à Seneque. On entend un bruit de tonnerre qui annonce la mort d'Hercule. A CT E. V. Philoctéte vient la raconter, & une Confidente fe préfente pour l'entendre. Cela n'eft guerre Théatral. Il ne s'agit pas de fatisfaire la curiofité d'une Suivante. Il faut qu'un récit de cette im *LUCRET. de rerum nat. I S. V. 428 portance fe faffe à une perfonne inte reffée dans l'action. Il eut mieux valu encore imiter les Grecs, & adreffer la parole au Chœur qui repréfente le Peuple. Ce font-là de ces fautes que les plus fimples fentent fans les connoître ou les définir, parce qu'en effet le récit fait alors moins d'impreffion fur eux. Auffi ce font celles qu'on doit éviter avec le plus d'attention, & fur lefquelles le Poëte devroit confulter fa Servante, comme faifoit Malherbe. La narration du Philoctéte eft auffi Monftrueufe que le refte. C'est tout dire. A force de vouloir rendre Hercule grand, le Poëte en fait un Géant qui dégénére en Nain. C'eft l'effet de toute pensée outrée & folle. Elle devient puérile à force d'être furhumaine, s'il eft permis d'ufer de ce terme. Rotrou a donné tête baiffée dans le même défaut. Je dis tête baiffée; car il a copié fon modele, & ne s'en eft écarté que dans quelques endroits dont le ridicule lui a paru trop original. La Scene commence ainfi dans Seneque. NUTAIL Effare cafus, juvenis, Herculeor, precor, Vultuque quonam tuleris Alcides nes |