troduit portant des préfens au tombeau d'Agamemnon, il leur a donné le nom de Coëphores, dont il intitule fa Tragédie. ACTE PREMIER. Le commencement n'est pas entier: mais ce qui y manque n'empêche pas qu'on n'entrevoie l'expofition du fujet. Le fonds de la Scène eft le tombeau d'Agamemnon. Orefte y arrive avec Pylade. Il invoque Mercure qui préfide aux funérailles. Il coupe fa chevelure pour la répandre fur le monument, fuivant l'ufage; & tandis qu'il eft occupé à cette pieufe cérémonie, il apperçoit de loin Electre fa foeur à la tête d'une troupe de jeunes filles qui s'avancent avec des dons pour le mort. De peur d'en être vû, il fe coule un peu à l'écart avec fon ami, après avoir demandé à Jupiter de le fecourir dans. le projet de vengeance qu'il a médité. Cette expofition eft nette & noble elle fait voir que l'inventeur de la Tragédie en avoit conçu des idées bien précifes. Les jeunes filles arrivent; & celle دو dit qu'elle qui parle pour les autres, conduit la cérémonie funébre en battant des mains. » Leurs joues, ajoute-t-elle, » montrent encore les traces récentes » que la douleur y a imprimées. Leur » cœur ne fe nourrit que de foupirs, "Leurs voiles & leurs vêtemens font » déchirés. Un fonge affreux, fufcité fans doute par l'ombre courroucée d'Agamemnon, effraye Clytemnef» tre, & l'engage à les envoyer à fon » tombeau pour l'appaifer par des dons. "O maifon déplorable, o palais haï » du foleil & des hommes ! d'épaiffes » ténébres te couvrent & vengent le » meurtre de ton Souverain. Cette ma» jefté du thrône, fi refpectable autre» fois, & dont la renommée s'étendoit » fi loin, s'eft évanouie... que la Juf"tice eft inégale dans fes châtimens! »elle fond tout-à-coup fur les uns: "elle poursuit lentement les autres; » & quelques-uns fe dérobent à fes regards à la faveur d'une nuit fombre qui les enveloppe ... malheureuse · » dans l'efclavage où je fuis il faut » que je cache ma haine pour mes » maîtres & que j'approuve des ini"quités. Mais Agamemnon eft l'objet de ma fecréte douleur. » IF دو دو ? n'eft pas poffible de rendre à la lettre la force & l'énergie des vers de ce Chœur. دو ACTE I I. Electre prend la parole, & demande à ces filles comment elle doit invoquer fon pere pour lui faire agréer ces libations, qu'on l'oblige de porter à fon fépulchre. » Lui dirai-je que ce font là. des dons qu'une époufe chérie envoye » à fon cher époux... hé, puis-je le » dire fans rougir? dois-je le prier de » payer ces dons, qu'une main barba» re lui envoye, par un retour digne d'elle & de lui? ou vaut-il » mieux me taire, détourner les yeux. » avec horreur, & jetter comme des » chofes exécrablés, ces indignes pré"fens. » Le Choeur lui confeille de faire des vœux favorables pour elle, pour Orefte, pour quiconque hait Egifthe & d'y mêler des imprécations pour fes. ennemis. Ceci fe fait par vers entrecou pés d'interrogations & de réponfes, pour inftruire Electre de ce qu'elle doit demander. Elle commence donc ainfi.» Mer» cure fouterrain, daignez m'affurer que »mes vœux feront agréables aux Dieux » infernaux témoins du meurtre de mon »pere, & à la terre dont le fein libé»ral produit tout & fait tout rentrer » en elle-même. C'eft dans cette vûe » que je fais cette libation. O mon pere! »jettez fur nous un regard de pitié. » Rendez la liberté & l'empire à Oreste » & à moi. Une mere inhumaine, qui » vous a donné pour fucceffeur Egifthe » votre affaffin, nous a tous trahis. Je fuis efclave, & mon frere est écarté » du throne paternel, tandis qu'ils jouif» fent impunément du fruit de vos tra»vaux. Rappellez Orefte en ces lieux; » & faites que mes mains foient moins » criminelles que celles de ma mere. Quant à nos ennemis, paroiffez à leurs » yeux comme un vengeur irrité, & » raviffez le jour à ceux qui vous l'ont » ravi. Telle eft l'imprécation que j'ofe » prononcer contr'eux. » Elle invite enfuite le chœur à pouffer des cris lugubres, & à chanter autour du tom beau. La cérémonie faite, Electre apperçoit avec furprise des cheveux coupés tous femblables aux fiens. Elle fçait que ce ne font pas ceux de Clytemneftre. Une lueur d'efpérance lui fait foup-. çonner que ce pourroient être ceux d'Orefte. Cette idée lui pénétre le cœur comme un trait, & lui fait verfer des larmes de joie. Ainfi s'exprime-t-elle par l'inftinct de la nature. Mais la crainte fuccéde à l'efpérance, & rien ne peut la tirer de fon incertitude. Elle avance; elle voit fur la terre des traces femblable à celles de fes pieds. Tout cela ne fait que la rendre plus inquiéte : Elle demeure donc dans ce trouble jufqu'à ce qu'Orefte paroiffe à fes yeux. Il fe montre tout-à-coup, & fe fait reconnoître pour fon frere , en lui préfentant un voile qu'elle a tiffu elle même. Cette reconnoiffance n'eft pas à la vérité fi brillante ni fi pathétique que celle de Sophocle; mais elle eft naturelle, & je ne vois pas pourquoi M, Dacier dit: qu'elle fe fait de la maniere du monde la plus groffière, ni pourquoi il regarde comme un très-grand défaut, qu'elle fe faffe de fi bonne heure. Car quand à ce point, c'eft, dit-il, un vice que la reconnoiffance foit fi éloignée de la peripétie, c'est-à-dire du changement d'état. Cela feroit bon fi la reconnoiffance produifoit immédiatement & tout-à-coup ce paffage de l'état malheureux à une heureuse fortune, |