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REFLEXIONS

SUR

L'IPHIGÉNIE

EN AULIDE,

D'EURIPIDE, DE LODOVICO
DOLCE, DE ROTROU,
ET DE RACINE.

PHIGENIE eft plus connue en France par M. Racine que par Euripide. Le Poëte Grec ne mérite pourtant pas moins d'éloges que le François, quoique le pottrait qu'a tracé l'un & l'autre foit différent. Si l'imitateur a donné des graces nouvelles à l'original, il en a emprunté d'autres qu'il avoue lui-même avoir été les plus approuvées. C'eft en bâtiffant avec autant d'élégance que de folidité fur le fonds des anciens, qu'il a mérité cet éloge de Boileau,

Que tu fçais bien, Racine, à l'aide d'un Epiftre

Acteur,

Etonner, émouvoir, ravir un Spectateur!

à M. Ras cine.

Jamais Iphigénie en Aulide immolée

Ne coûta tant de pleurs à la Gréce affemblée, Que dans l'heureux fpectacle à nos yeux

étalé

En a fait fous fon nom verfer la Chammeflé.

La néceffité de remplir une Tragédie Françoise d'évenemens,l'a pour le moins autant engagé à imaginer l'Episode d'Eriphile, que l'envie d'épargner aux fpectateurs le prodige de la Biche fubiti÷ tuée à Iphigénie. Cet Epifode eft véritablément tiré du sujet, comme il l'obferve, & par-là il eft plus excufable que celui d'Argie dans Phédre. Mais l'un& l'autre est toujours Episode, & par ces deux refforts qui fe reffemblent fi fort, il arrive qu'Achille perd prefqu'autant de fon caractere dans la pièce d'Iphigénie, qu'Hippolyte dans celle de Phedre. Achille, galant & françois au point où il eft, dément un peu l'Achille Grec. Mais ce Héros devenu François a laiffé dans les efprits des impreffions fi profondes, que le Grec a befoin de quelque réflexion & de quelque indulgence pour ne pas nous choquer entierement. Ainfi les vieux portraits des ancêtres habillés à l'antique, perdent-ils leur mérite à la vue des portraits mo

dernes, dont la draperie eft de pure imagination. Iphigénie eft auffi un peu différente de part & d'autre, ainfi que Clytemnestre. Pour Agamemnon fes traits font à peu-près les mêmes. Il n'eft ni moins pere, ni moins Roi dans Euripide que dans Racine; mais autrement Roi dans ce dernier. Deux autres Auteurs célebres ont traité le même fujet avec beaucoup de fuccès, à fçavoir, Louis Dolcè Italien, & Rotrou. Nous comparerons tous les quatre. L'Iphigénie de Dolcè, réimprimée en 1566, & celle de Rotrou mife au jour en 1649, méritent d'entrer dans le parallele, ne fût-ce que pour faire connoître le grès de l'efprit humain dans le Tragique. Les Critiques François, comme le P. Rapin, parlent trop peu, & d'une maniere trop vague des divers Théâtres de l'Europe. Il n'y a que le détail & la comparaifon qui foient inftructifs en cette matiere. Voyons d'abord l'aconomie de chaque pièce.

ACTE PREMIER.

pro

Les trois imitateurs d'Euripide fe font contentés de traduire fa premiere Scène. Ils ne pouvoient mieux faire. C'eft un morceau fini. L'embarras d'Agamemnon

redevenu pere produit un double effet, l'un & l'autre admirable : c'eft, 1". d'attendrir & d'intéreffer le fpectateur, dès l'entrée, & en second lieu d'expofer le fujet & toutes fes dépendances fans obfcurité, fans détour, & de la maniere que le feroit la nature, fi elle offroit la réalité au lieu de la représentation. Rotrou a voulu enchérir fur Euripide, en faisant voir d'abord Agamemnon au fonds de fa tente, où il écrit & déchire une lettre, puis la recommence, puis appelle un valet. Ce monologue eft interrompu par des allées & venues pour introduire un confident. Le reste de la Scène eft Euripide tout pur. Dolcè n'a fait que l'allonger. Racine n'en a rien perdu. La différence unique qu'il y ait entre ces quatre morceaux vient de la différence des tems & des mœurs. Chez Euripide on voit un Roi à la Grecque, c'est-à-dire, un peu bourgeois, felon notre maniere de penfer. Dolcè lui a donné un air de Prince Italien; Rotrou le releve encore davantage : mais Racine le rend tout-à-fait majeftueux à la Françoife. Les écrits des Auteurs, comme les tableaux des Peintres, fe reffentent toujours de ces différences de lieux & de fiécles, en forte qu'un ceil un peu

fin

fin pourroit deviner à peu-près l'âge d'un tableau ou d'un ouvrage par les traits qu'il y découvriroit. Cette réflexion a lieu dans le Théâtre, & doit être appliquée non-feulement à tout le refte des quatre Iphigénies, mais encore à toutes les piéces Tragiques, tant anciennes que modernes.

Euripide, après cette unique Scène amene le Chœur qui en fait une autre & finit l'Acte. Cela a paru trop fimple aux autres Poëtes. Pour allonger l'Acte, Dolcè introduit Calchas; & Rotrou jette une nouvelle incertitude dans le fein d'Agamemnon. Mais tout cela revient,

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peu de chofe près, au fyftême du Poëte Grec. Pour Racine il fait venir fur la Scène Achille & Ulyffe qui parlent le langage d'Homère, fource de grandes beautés. Voici un trait qu'il a imité de Rotrou, à qui il doit auffi le perfonnage d'Ulyffe. C'eft Agamemnon qui parle au Roi d'Itthaque.

* Ah! Seigneur, qu'éloigné du malheur qui m'opprime

Votre cœur aisément fe montre magnani

me!

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