roit une obfervation importante, comme il vous la fait » actuellement par ma bouche. » Voyez-vous, dit-il, par l'exemple de ce qui m'arrive, » à quelle variété font fujets les » évenemens de la vie, com» bien la fortune eft incertaine » & chancelante, quelles infi» délités l'on éprouve de la » part de fes amis, fous com» bien de faux femblans fe ca che la duplicité, combien » l'on fe trouve abandonné dans » les périls, comment tout » tremble autour de celui que frappe la foudre. Il viendra, oui certes il viendra un tems, » & nous verrons tôt ou tard » arriver telle circonftance où votre fortune fe foutenant » comme je l'efpere fans attein»te, mais ayant fouffert peut» être quelque ébranlement par les révolutions publiques, » auxquelles l'expérience du » paffé ne doit nous avoir que » trop accoutumés, où, dis-je, >> votre fituation vous donnera » lieu de regretter la bienveil» lance d'un ami de cœur, la » fidélité d'un homme conftant » & inébranlable, & la gran» deur d'ame du plus coura geux de tous les mortels. » La réflexion valoit bien la peine que Cn. Pompée s'y rendît attentif; mais, il étoit fermé depuis long-tems aux confeils les plus falutaires. Un autre obftacle que Cicéron avoit encore à tâcher de détruire, venoit de la part de T. Annius Milon même, dont Paffurance & la fierté étoient capables d'indifpofer plufieurs de fes Juges, qui fe croyoient prefque bravés par un homme dont le fort étoit entre leurs mains. Cicéron prend fur lui le perfonnage de fuppliant, que T. Annius Milon dédaignoit. Tout ce qui peut s'imaginer de plus tendre, de plus humble de plus foumis, il le met en œuvre avec une vérité & une amertume de douleur qui devoient d'autant plus toucher les Juges, qu'ils étoient tous gens de bien, & par conféquent amis de Cicéron, en faveur duquel ils avoient signalé leur zele dans l'affaire de fon rétablissement. » Si je perds T. Annius » Milon, leur dit-il, je ne » jouirai pas même de la trifte >> confolation de me livrer au » reffentiment contre ceux qui » m'auront fait une plaie ft » cruelle. Car, j'aurai à m'en » prendre, non à des ennemis, » mais à mes amis les plus fide» les; non à des hommes qui >> m'aient rendu en quelque » occafion de mauvais fervices, » mais à ceux qui toujours ont » le mieux mérité de moi. Non, » Meffieurs, il n'eft point de » douleur fi cuifante que vous » puiffiez me caufer, quoiqu'a» près tout celle que je crains >> maintenant eft tout ce qu'il y >> a pour moi de plus dur au » monde; mais, cette douleur» là même, quelque violente qu'elle foit, ne le fera pas » affez pour me faire oublier. » ce que je vous dois, & quels fentimens vous m'avez tou » jours témoignés. Si vous l'a» vez oublié vous-mêmes, » Meffieurs, ou fi quelque cho» fe vous a déplu en moi » pourquoi la peine n'en re» tombe-t-elle pas plutôt fur ma tête que fur celle de T. » Annius Milon? Car, ma vie » fera heureusement terminée, » fi je la perds avant que de » voir le malheur dont je fuis » menacé. » Cicéron trouve même l'art de faire dire à T. Annius Milon les chofes les plus touchantes, en lui confervant toute la dignité & toute la fermeté de fon caractere. Ces nuances, fi difficiles à concilier, font fondues enfemble avec une habileté merveilleufe, qui produit en mêmetems l'attendriffement & l'admiration. Mais, nous craignons d'oublier que nous devons rendre un fait hiftorique, & non pas faire l'extrait d'un plaidoyer fouverainement éloquent. Venons donc à l'évenement de la caufe, qui fut trifte pour T. Annius Milon. Quatre-vingt-un Juges avoient écouté la plaidoierie. Avant que l'on allât aux voix, l'accufateur & l'accufé en rejetterent chacun quinze. Ainsi, le nombre des opinans fut réduit à cinquante-un. Sur ce nombre, T. Annius Milon n'eut que treize fuffrages favorables; mais, il en eut un bien glorieux, & qui feul pou-voit être regardé prefque comme équivalent à tous les autres enfemble. S'il nous eft permis d'appliquer ici une pensée célebre dont Lucain a abusé, nous dirons que le parti victorieux compte pour lui trente-huit Juges, mais que le vaincu eut le fuffrage de Caton de fon côté. Le défaftre de T. Annius Milon fut complet. Après cette premiere condamnation, il en effuya trois autres dans l'efpace de peu de jours à trois Tribunaux différens, devant lefquels il ne comparut point. Ses biens furent vendus; mais, quelque grands qu'ils fuffent, il s'en fallut beaucoup qu'ils ne fuffiffent pour payer fes dettes, qui fe montoient à foixante-dix millions de fefterces, c'est-à-dire, huit millions fept cens cinquante mille livres de notre monnoie; fomme prodigieufe, & qui eft pourtant de près d'un tiers au deffous de ce que devoir Jules Céfar après fa Préture. T. Annius Milon fe retira à Marseille, & il y foutint, au moins à l'extérieur, le même caractere de fierté qu'il avoir fait paroître avant fa difgrace. Car, Cicéron lui ayant envoyé fon plaidoyer, tel qu'il l'avoir compofé depuis le jugement: » Je fuis charmé, lui dit-il dans » la lettre qu'il lui écrivit en » réponse, que vous n'ayiez » pas fi bien plaidé. Si vous >> aviez prononcé ce difcours » devant mes Juges, je ne man» gerois pas de fi bon poiffon » à Marfeille. » Il fit néanmoins dans la fuite quelques efforts pour rétablir fa fortune. En effet, étant repaffé en Ita כג lie, il fe mit à courir le païs, pour y exciter des troubles; & cela, de dépit de ce qu'il avoit été laiffé feul en exil par Jules Céfar, pendant que tous les autres avoient obtenu leur rappel. Mais, la mort dérangea entiérement fes projets. Il avoit déjà rassemblé au tour de lui un certain nombre de gens fans aveu, de misérables, & d'efclaves dont il rompait les chaînes. Ayant entrepris avec cette bande d'affiéger Compfa, dans le païs des Hirpiniens, il fut tué d'une pierre lancée avec une machine de deffus les murailles, l'an 49 avant J. C. T. Annius Milon ne paroît avoir été plaint de perfonne, quoiqu'il eût de très-grandes qualités. Il fut le plus courageux des hommes; mais, fon courage dégénéroit en audace & en témérité. C'eft une finguJarité qui ne lui fait pas d'honneur, qu'il ait été rebuté tout à la fois des deux partis qui divifoient alors la République; & que chaffé de Rome par Cn. Pompée, il n'ait pas pu trouver d'afyle auprès de Jules Céfar. MILONIE, Milonia, la même que Milionie. Voyez Milio nie. MILTAS, Miltas, Mixtas, (a) fameux devin, né en Theffalie, avoit étudié dans l'école de l'Académie. Comme Dion étoit près de marcher contre Denys le jeune, tout à coup la (a) Plut. Tom. 1, pag. 967, 968, Lune vint à s'éclipfer. Cela ne furprit point Dion; mais, fes foldats troublés & effrayés avoient befoin de quelque confolation. C'eft pourquoi, Miltas, fe levant au milieu d'eux, leur ordonna d'avoir bon courage & de s'attendre au plus heureux fuccès, parce que la Divinité leur promettoit une éclipfe de tout ce qu'il y avoit alors de plus éclatant. » Or, leur dit-il, » il n'y a rien de plus éclatant » que la tyrannie de Denys » & vous en allez éteindre tout » l'éclat, dès que vous ferez » arrivés en Sicile. » Voilà l'explication que Miltas donna de l'éclipfe à haute voix au milieu de l'affemblée. Mais, quant aux abeilles qui parurent fur les vaiffeaux, & dont un effaim alla fe pofer fur la pouppe de celui de Dion, il n'en parla qu'en particulier à lui & à fes amis, & leur dit qu'il craignoit que fes actions, qui certainement feroient grandes & glorieuses, ne fuffent de peu de durée, & qu'après avoir jetté un grand éclat, elles ne vinffent promptement à fe faner & à fe fléttir. C'est une chofe affez finguliere & bien remarquable, un effaim d'abeilles qui venoit à paroître tout d'un coup, étoit regardé comme un très-mauvais augure. Cette fuperftition ne régnoit pas feulement parmi les Grecs, elle régnoit auffi parmi les Romains, comme nous le voyons dans Cicéron. Cet Orateur, dans fon oraifon de Harufpicum refponfis, écrit: Si examen apum ludis in Scenam veniffet, Harufpices acciendos in Etruria putaremus. Videmus univerfi repente examina tanta fervorum immiffa in populum Romanum, feptum atque inclufum, & non commovemur? Atque in apum fortaffe examine nos ex Hetrufcorum fcriptis Harufpices, ut à fervitio caveremus, monerent, &c. » Si » un effaim d'abeilles étoit ve» nu tout d'un coup dans la » Scene, pendant que nous cé» lébrons les jeux, nous croi>>rions qu'il faudroit faire ve>nir d'Etrurie les Harufpices. Aujourd'hui nous voyons tous » de nos propres yeux tant d'ef» faims d'efclaves fondre fur le peuple Romain, clos & »‹couvert dans fon théâtre, & » nous n'en fommes point émus. » Peut-être que fur cet effaim » d'abeilles, ces Harufpices, » après avoir confulté leurs » livres Tofcans, nous aver» tiroient de nous garder de » l'efclavage, &c. » ne, originaire d'Egine, qui avoit été reçue au nombre des familles Athéniennes. Un jour, les Dolonces, qui habitoient la Cherfonnèfe de Thrace, fe voyant affoiblis par la guerre que leur faifoient les Abfynthiens, envoyerent leurs Rois à Delphes pour confulter l'oracle fur cette guerre. La Pythie leur fit réponse, qu'ils priaffent celui qui le premier au fortir du Temple, les inviteroir à prendre un logement chez lui, d'amener en leur païs une colonie. Ainfi, les Dolonces fortant du Temple, prirent le che min qu'on nommoit Sacré, pafferent au milieu des Phocéens & des Béotiens, & voyant que perfonne ne les invitoit à loger, tournerent du côté d'Athenes. En ce tems-là, Pifistrate y avoit véritablement toute la puiffance, & néanmoins Miltiade y avoit auffi de l'autorité. Comme il étoit donc un jour à la porte de fon Palais, & qu'il vit paffer les Dolonces, dont les habits & les armes n'étoient pas à la mode du païs, il les appella fans les connoître; & lorfqu'ils fe furent approchés, il les invita à prendre un logement chez lui, & leur fit les préfens qu'on faifoit ordinairement aux étrangers. Quand ils furent dans fa maifon, où ils furent reçus avec toute forte d'humanité, ils lui découvrirent l'oracle qui leur avoit été ren-, (b) Herod. L. VI. c. 34. & feq. Rolla Hift. Anc. Tom. 1. p. 156. & fuis. du, & le prierent de mettre à (a) Pauf. p. 31, 61, 138, 183, 379, prirent vif. Créfus, roi de Lys Les peuples de la Cherfon- MILTIADE, Miltiades, (a) Après la mort de ce dernier, c. 34. & feq. Plut. Tom. I. pag. 321, |