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Au nom, à la vue de Justinien, le premier mouvement de la nature, dans le cœur de la fille de Bélisaire, fut un frémissement d'horreur.

CHAPITRE XVI.

Le lendemain l'empereur et Tibère, en allant trouver le héros, coururent un danger qu'ils n'avaient pas prévu; et la gloire de les en délivrer fut un triomphe que le Ciel voulut donner encore à Bélisaire.

Les Bulgares, qu'on n'avait poursuivis que jusqu'au pied des montagnes de la Haute-Thrace, n'avaient pas plus tôt vu la campagne libre, qu'ils s'y étaient répandus de nouveau ; et l'un de leurs corps détachés faisait des courses sur la route du château de Bélisaire, lorsqu'ils aperçurent un char qui annonçait un riche butin: ils l'environnent, lui coupent le passage, et se saisissent des voyageurs. Ceux-ci, en donnant ce qu'ils avaient, obtinrent aisément la vie. Mais on mit à leur liberté un prix qu'ils n'étaient pas en état de payer sur l'heure; et on les emmenait cap

tifs.

L'empereur ne vit qu'un moyen d'échapper aux Bulgares, sans en être connu. Conduisez-nous leur dit-il, où nous avons dessein de nous rendre : de là nous nous procurerons la rançon que vous demandez. Je vous réponds sur ma tête que vous n'avez point de surprise à craindre; et si je

manque à ma parole, ou si je vous fais repentir de vous être fiés à moi, je consens à perdre la vie.

L'air d'assurance et de majesté dont il appuya ces paroles, fit impression sur les Bulgares. Où faut-il vous mener, lui demanda leur chef? A six milles d'ici, répondit l'empereur, au château de Bélisaire. De Bélisaire! dit le Bulgare. Quoi ! vous connaissez ee héros? Assurément, dit l'empereur, et j'ose croire qu'il est mon ami. S'il est vrai, dit le chef, vous n'avez rien à craindre nous allons vous accompagner.

Bélisaire, au bruit de leur arrivée, croit qu'on vient l'enlever une seconde fois ; et sa fille toute tremblante le serre dans ses bras, avec des cris perçants. Mon père, dit-elle, ah! mon père! fautil encore nous séparer!

A l'instant même on vient leur dire que la cour du château se remplit d'hommes armés, qui environnent un char. Bélisaire se montre; et le chef des Bulgares l'abordant avec ses captifs : Héros de la Thrace, lui dit-il, voilà deux hommes qui te réclament, et qui se disent de tes amis. Qu'ils se nomment, dit Bélisaire. Je suis Tibère, dit l'un d'eux, et mon père est pris avec moi. Oui, s'écria Bélisaire, oui sans doute, se sont mes voisins, mes amis. Mais vous qui me les amenez, de quel droit sont-ils en vos mains? Qui êtes-vous? Nous sommes Bulgares, dit le chef; et nos droits sont les droits des armes. Mais il n'est rien qui

ne cède au respect que nous avons pour toi. Ce serait mal servir un prince qui t'honore, que de manquer d'égards pour ceux qui te sont chers. Grand homme, tes amis sont libres, et ils te doivent leur liberté.

A ces mots l'empereur et Tibère tendirent les bras à leur libérateur; et Bélisaire se sentant enveloppé de leurs chaînes, Quoi, dit-il, vos mains sont captives! et il détacha leurs liens.

Quels furent, dans l'ame de l'empereur, l'étonnement, la joie et la confusion! O vertu, dit-il en lui-même, ô vertu, quel est ton pouvoir! Un pauvre aveugle, du fond de sa misère, imprime le respect aux rois! désarme les mains des barbares! et rompt les chaînes de celui!.... Grand Dieu! si l'univers voyait ma honte!.... Ah! ce serait encore un châtiment trop doux.

Les Bulgares voulaient lui rendre tout ce qu'il leur avait donné. Non, leur dit-il, gardez ces dons, et soyez sûrs que j'y joindrai la rançon qui vous est promise.

Leur chef, en quittant Bélisaire, lui demanda s'il ne le chargeait d'aucun ordre auprès de son roi. Dites-lui que je fais des voeux, répondit le héros, pour qu'un si vaillant prince soit l'allié de ma patrie, et l'ami de mon empereur.

O Bélisaire! s'écria Justinien, quand il fut revenu du trouble que ce péril lui avait causé; ô Bélisaire! quel ascendant vous avez sur l'ame des peuples! les ennemis même de l'empire sont vos

amis! Ne vous étonnez pas, lui dit Bélisaire en souriant, de mon crédit chez les Bulgares. Je suis fort bien avec leur roi. Il y a même très peu de jours que nous avons soupé ensemble. Où donc, lui demanda Tibère? Dans sa tente, dit le vieillard: j'ai oublié de vous le dire. Lorsque je me rendais ici, ils m'ont arrêté comme vous sur la route, et ils m'ont mené dans leur camp. Leur roi ma bien reçu, m'a donné à souper, m'a fait coucher sous ses pavillons; et le lendemain je me suis fait remettre au lieu même où l'on m'avait pris. Quoi dit Justinien, ce roi sait qui vous êtes; et il ne vous a pas retenu! Il en avait bien quelque envie, dit Bélisaire; mais ses vues et mes principes ne se sont pas trouvés d'accord. Il me parlait de me venger. Me venger! moi! la digne cause pour mettre mon pays en feu ! je l'ai remercié comme vous croyez bien; et il m'en estime davantage.

Ah! quels remords! Quels remords éternels pour l'ame de Justinien, lui dit Justinien luimême, s'il sait jamais quel a été l'excès de son ingratitude! Où trouvera-t-il un ami comme celui qu'il a perdu? Et n'est-il pas indigne d'en avoir jamais, après son horrible injustice?

Non, reprit Bélisaire, ne l'outragez pas. Plaignez, respectez sa vieillesse. Vous allez voir comment il a été surpris. Ma ruine a eu trois époques. La première fut mon entrée dans Carthage. Maître du palais de Gelimer, je fis de son trône

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