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cette satire méprisable; et le plus grand nombre des savants ont répété sans discussion ce qu'en avait dit Suidas (1). Quelques-uns cependant ont douté que ce livre fût de Procope (2); il y en a même qui l'ont nié, et de ce nombre est Eichelius, dans la préface et les remarques de l'édition qu'il en a donnée. Il commence par faire voir qu'il n'est ni vrai, ni vraisemblable, que Procope en soit l'auteur; et, en supposant qu'il le fût, il ajoute que, dans une déclamation si outrée, si impudente et si absurde, il serait indigne de foi. Ce qui me confond, c'est que l'illustre auteur de l'Esprit des Lois ait donné quelque croyance à un libelle si manifestement supposé. Je sais de quel poids est son autorité : mais elle cède à l'évidence.

Le moyen de croire en effet qu'un homme d'État, estimé de son siècle, pour le plaisir de diffamer ceux qui l'avaient comblé de biens, ait voulu se diffamer luimême, en réduisant la postérité au choix de le regarder comme un calomniateur atroce, ou comme un lâche adulateur? Le moyen de croire qu'un écrivain, jusquelà si judicieux, eût perdu le sens et la pudeur, au point de vouloir qu'on prît, sur sa parole, pour un homme hébété, pour un rustre imbécille (3), Justin, ce sage et vertueux vieillard, qui, de l'état le plus obscur et des plus bas emplois de la milice, étant monté aux plus hauts grades par sa valeur et ses talents, avait fini par réunir les vœux du sénat, du peuple et des armées, et par être élu empereur? Le moyen de croire qu'un

(1) Vossius, Grotius, etc.

(2) Le père Combefils, La Mothic-le-Vayer, etc.

(3) Insignis homo stoliditatis, summa cum infantia summaque cum rusticitate conjunctæ.

homme qui avait écrit l'histoire de son temps avec tant d'honnêteté, de décence et de sagesse, ait pu dire de Justinien, qu'il était stupide et paresseux, comme un ́âne qui se laisse mener par le licou, en secouant les oreilles (1); que ce n'était pas un homme, mais une furie (2); que sa mère elle-même se vantait d'avoir eu commerce avec un démon, avant d'être grosse de lui (3); et qu'il avait fait tant de maux à l'empire, que la mémoire de tous les âges n'en avait jamais rassemblé de pareils, ni en si grand nombre (4)? Le moyen de croire qu'après avoir fait de Bélisaire un héros accompli, triomphant, et comblé de gloire, il ait osé le donner ensuite pour un méchant imbécille, méprisé de tout le monde, et bafoué comme un fou (3) ; et cela dans le temps de sa plus grande gloire, lorsqu'il fut chargé de sauver l'empire, en chassant les Huns de la Thrace?

Ceux qui, dans le grec des Anecdotes, ont cru reconnaître le style de Procope, y ont-ils reconnu son bon sens? Je le suppose ingrat, méchant, furieux contre ses bienfaiteurs; est-ce par des déclamations puériles qu'il aurait voulu rétracter et ses éloges, et les faits sur

(1) Nam mire stolidus fuit, et lento quam simillimus asino, capistro facilè trahendus, cui et aures subinde agitarentur.

(2) Quod vero non homo, sed, sub humana specie, furia visus sit Justinianus, documento esse possunt ingentia quibus affecit homines mala, quippe enim ex atrocitate facinorum, auctoris vitiorum immanitas palam fiat.

(3) Eo gravida antequam esset, quandam genii speciem ad se ventilasse, quæ non ad visum, sed ad contactum se præberet, accubaretque sibi, et quasi maritus se conjugem iniret.

(4) Is demum fuit Romanis tot tantorumque malorum auctor, quot et quanta audita non sunt ex omni superiorum ætatum memoria. (5) Tunc enimvero contemni ab omnibus et veluti demens subsannari.

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PREFACE DE BÉLISAIRE.

lesquels ils étaient fondés ? L'historien Procope se serait amusé à prouver en forme que Justinien et ses ministres n'étaient pas des hommes, mais des démons, qui sous des figures humaines, avaient bouleversé la terre (1) ! Je le croirais à peine capable de cette ineptie, quand tous les écrivains de son temps me l'attesteraient; à plus forte raison ne le croirai-je pas sur le témoignage 'équivoque d'un seul homme, qui a vécu cinq cents ans après lui.

Je n'ai donc vu Procope que dans son histoire authentique. C'est là que je l'ai consulté ; c'est là que j'ai pris le caractère de mon héros, sa modestie, sa bonté, son affabilité, sa bienfaisance, son extrême simplicité, surtout ce fonds d'humanité, qui était la base de ses vertus, et qui le faisait adorer des peuples. Erat igitur Bysantinis civibus voluptati Belisarium intueri in forum quotidie prodeuntem......... Pulchritudo hunc magnitudoque corporis honestabat. Humilem præterea se, benignumque adeo, atque aditu obviis quibusque perfacilem exhibebat, ut infimæ sortis viro persimilis videretur....... In suos præcipue 'milites munificentia cæteros anteibat....... Erga agricultores, agrestesque homines, tanta hic indulgentia ac providentia utebatur, ut Belisario ductante exercitu, nullam hi vim paterentur. Segetes insuper, dum in agris maturescerent, diligentius tuebatur, ne forte equorum greges has devastarent; frugesque cæteras, invitis dominis, suos attingere prohibebat.

PROCOP. De Bell. Goth. lib. 3.

(1) Hi nunquam homines (mihi) visi sunt, sed perniciosi dæmones... Humanas induti formas, quasi semihomines furiæ, sic universum terrarum orbem convulserint.

CHAPITRE PREMIER.

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DANS la vieillesse de Justinien, l'empire, épuisé par de longs efforts, approchait de sa décadence. Toutes les parties de l'administration étaient négligées; les lois étaient en oubli, les finances au pillage, la discipline militaire à l'abandon. L'empereur, lassé de la guerre, achetait de tous côtés la paix au prix de l'or, et laissait dans l'inaction рец de troupes qui lui restaient, comme inutiles et à charge à l'Etat. Les chefs de ces troupes délaissées se dissipaient dans les plaisirs ; et la chasse, qui leur retraçait la guerre, charmait l'ennui de leur oisiveté.

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Un soir, après cet exercice, quelques-uns d'entre eux soupaient ensemble dans un château de la Thrace, lorsqu'on vint leur dire qu'un vieillard aveugle, conduit par un enfant, demandait l'hospitalité. La jeunesse est compatissante ; ils firent entrer le vieillard. On était en automne; et le froid, qui déjà se faisait sentir, l'avait saisi : on le fit asseoir près du feu.

Bélisaire.

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Le souper continue; les esprits s'animent; on commence à parler des malheurs de l'État. Ce fut un champ vaste pour la censure; et la vanité mécontente se donna toute liberté. Chacun exagérait ce qu'il avait fait, et ce qu'il aurait fait encore, si l'on n'eût pas mis en oubli ses services. et ses talents. Tous les malheurs de l'empire venaient, à les entendre, de ce qu'on n'avait pas su employer des hommes comme eux. Ils gouvernaient le monde en buvant, et chaque nouvelle coupe de vin rendait leurs vues plus infaillibles. Le vieillard, assis au coin du feu, les écoutait, et souriait avec pitié. L'un d'eux s'en aperçut, et lui dit: Bon homme, vous avez l'air de trouver plaisant ce que nous disons là? Plaisant: non, dit le vieillard, mais un peu léger, comme il est naturel à votre âge. Cette réponse les interdit. Vous croyez avoir à vous plaindre, poursuivit-il, et je crois comme vous qu'on a tort de vous négliger; mais c'est le plus petit mal du monde. Plaignezvous de ce que l'empire n'a plus sa force et sa splendeur, de ce qu'un prince, consumé de soins, de veilles et d'années, est obligé, pour voir et pour agir, d'employer des yeux et des mains infidèles. Mais dans cette calamité générale, c'est bien la peine de penser à vous ! Dans votre temps, reprit l'un des convives, ce n'était donc pas l'usage de penser à soi? Hé bien, la mode en est venue, et l'on ne fait plus que cela. Tant pis, dit le vieillard ; et s'il en est ainsi, en vous négligeant

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