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Qui de l'enfance a pris l'air et le ton.
De l'art des vers tel est le digne usage ;
Mais laissons-lui sa noble liberté.
A peine il sent le frein de l'esclavage,
Qu'il perd son feu, sa grâce et sa fierté.

La poésie eut le sort de Pandore.
Quand le génie au ciel la fit éclore,
Chacun des arts l'enrichit d'un présent.
Elle reçut, des mains de la Peinture,
Le coloris, prestige séduisant,

Et l'heureux don d'imiter la nature :

De l'Eloquence elle eut ces traits vainqueurs,
Ces traits brûlants qui pénètrent les cœurs ;
A l'Harmonie elle dut la mesure,

Le mouvement, le tour mélodieux,
Et ces accents qui ravissent les dieux.
La Raison même, à la jeune immortelle,
Voulut servir de compagne fidèle;
Mais quelquefois, invisible témoin,
Elle la suit et l'observe de loin.

Lorsque Rousseau s'élève au ton de l'ode,
Et qu'il décrit en vers harmonieux
L'ordre éclatant qui règne dans les cieux (1),
L'enthousiasme est sa seule méthode.

Quand sous ses doigts commence à retentir
La harpe sainte ou le luth de Pindare,
J'aime à penser, je crois même sentir.
Qu'un feu divin de son ame s'empare :
Je m'abandonne, avec lui je m'égare.
Mais d'un ton grave et d'un air réfléchi,
A la raison (2), si lui-même il insulte,

(1) Voyez l'ode 2 du premier liv. Ps. 8, (2) Voyez l'ode à M. de La Fare.

les

yeux ?

Pour la combattre, il faut qu'il la consulte;
Et de ses lois il n'est point affranchi.
Que dis-je? est-il d'essor qu'elle ne règle?
Pour s'élever et planer dans les cieux,
L'enthousiasme a les ailes de l'aigle;
Pourquoi veut-on qu'il n'en ait pas
Voyez Horace, et si, dans son délire,
Sa main voltige au hasard sur sa lyre.
Avec quel art variant ses accords,
D'un mode à l'autre il s'élève, il s'abaisse!
Vrai dans sa fougue, et sage en son ivresse,
La raison même applaudit ses transports.
D'un ton moins haut, si l'ami de Mécéne,
Des mœurs de Rome ingénieux censeur,
A mes regards en expose la scène,
Quelle morale et plus vive et plus saine !
Qu'il y répand de charme et de douceur !
En le lisant avec lui je crois vivre :
A Tivoli je m'enpresse à le suivre."
La liberté, l'enjouement, la raison,
Dans sa retraite accourent sur ses traces :
L'Amour y vient sans bandeau ni poison,
Et la vieillesse y joue avec les Grâces.

De nos devoirs le mutuel accord,
De nos besoins l'intime et doux rapport,
Le choix du bien, sa nature immuable,
Le vrai, l'utile, étude inépuisable,
De l'amitié le charme et les liens,
L'art précieux de plaire à ce qu'on aime,
L'art de trouver son bonheur en soi-même,
Sous ces berceaux, voilà nos entretiens.

Mais à mes yeux encor plus familière,
Plus près de moi, plus facile à saisir
La vérité, dans les jeux de Molière,
De ses leçons sait me faire un plaisir.

Enseigne-nous où tu trouves la rime,

Lui dit Boileau, sans doute en badinant.
Est-ce donc là ce que ton art sublime,
Divin Molière, a de plus étonnant?
Enseigne-nous plutôt quel microscope,
Depuis Agnès jusqu'au fier Misanth rope,
Te dévoila les plis du cœur humain;
Quel dicu remit ces crayons dans ta main.
Dans tes écrits quelle sève féconde,
Quelle chaleur, quelle ame tu répands!
La cour, la ville, et le peuple, et le monde,
Tu fais de tout une étude profonde;

Et nous rions toujours à nos dépens.
Le jaloux rit d'un sot qui lui ressemble;
Le médecin se moque de Purgon;
L'avare pleure et sourit tout ensemble
D'avoir payé pour entendre Harpagon.
Le seul Tartufe a peu ri, ce me semble.
Moi, qui n'ai point le masque d'un dévot,
Quand la vapeur d'une bile épaissie
S'élève autour de mon ame obscurcie,
Quand de l'ennui j'ai bu le froid pavot,
Ou` que la sombre et vague inquiétude
Trouble mes sens fatigués de l'étude,
J'appelle à moi Sotenville et Dandin,
Le bon Sosie, et Nicole, et Jourdain.
Le rire alors dans mes yeux étincelle,
A pleins canaux mon sang coule soudain,
De mes esprits le feu se renouvelle,

Je crois renaître ; et ma sérénité

En un jour clair me peint l'humanité.

Tous ces travers, qui m'excitaient la bile, Ne sont, pour moi, qu'un spectacle amusant. Moi-même enfin, je me trouve plaisant

D'avoir tranché du censeur difficile.

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Fruits du génie, heureux présents des cieux, Embellissez la retraite que j'aime,

Et rendez-moi mon loisir précieux.

Seul avec vous, je me plais en moi-même.
Par vous, guéri de cette vanité

Qui sacrifie à la célébrité

Le doux repos, des biens le plus solide,

De cette vie inconstante et fluide

Je suis le cours avec tranquillité,

L'œil attaché sur un charmant rivage,

Où la nature étale à mon passage

Son abondance et sa variété.

mm

LEOPOLD DE BRUNSWICK,

ΡΟΕΜΕ.

LU DANS LA SÉANCE PUBLIQUE DE L'ACADÉMIE FRANÇAISE

du 13 mars 1788,

JOUR DE LA RÉCEPTION DE M. D'AGUESSBAU, CONSEILLER D'ÉTAT.

QUE

UELS que soient les travaux que la gloire environne,
Ils sont récompensés quand sa main les couronne.

Et que faut-il de plus à des cœurs généreux?

Un immense théâtre, un spectaclè nombreux,
Tout un siècle attentif, l'avenir, la patrie,
Qu'au milieu du péril on croit voir attendrie,
Avec des yeux de mère observer son enfant,
Le pleurer malheureux, l'embrasser triomphant;
Tout inspire aux héros la constance et l'audace.

Qui daigne alors savoir quel danger le menace?
La mort même, embellie aux regards du guerrier,
Pare son front hideux d'un rameau de laurier;
Et si dans les combats, sur les mers des deux mondes,
A l'éclat de ces feux qui silonnent les ondes,

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