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de payer à des termes fixes pour le terrain qu'il cultive; n'est pas le maître d'attendre qu'on mette à sa denrée le prix qu'il lui plaît ; et quand il ne la vendroit pas pour s'entretenir, il seroit forcé de la vendre pour payer la taille; de sorte que c'est quelquefois l'énormité de l'imposition qui maintient la denrée à vil prix.

Remarquez encore que les ressources du commerce et de l'industrie, loin de rendre la taille supportable par l'abondance de l'argent, la rendent plus onéreuse. Je n'insisterai point sur une chose très-évidente, savoir que, si la plus grande ou moindre quantité d'argent dans un état peut lui donner plus ou moins de crédit au dehors, elle ne change en aucune manière la fortune réelle des citoyens, et ne les met ni plus ni moins à leur aise. Mais je ferai ces deux remarques importantes l'une, qu'à moins que l'état n'ait des denrées superflues, et que l'abondance de l'argent ne vienne de leur débit chez l'étranger, les villes où se fait le commerce se sentent seules de cette abondance, et que le paysan ne fait qu'en devenir relativement plus pauvre; l'autre, que le prix de toutes choses haussant avec la multiplication de l'argent, il faut aussi que les impôts haussent à proportion; de sorte que le laboureur se trouve plus chargé sans avoir plus de

ressources.

On doit voir que la taille sur les terres est un véritable impôt sur leur produit, cependant chacun convient que rien n'est si dangereux qu'un impôt sur le blé, payé par l'acheteur. Comment ne voit-on pas que le mal est cent fois pire, quand cet impôt est payé par le cultivateur même ? N'est-ce pas travailler aussi directement qu'il est possible à dépeupler le pays, et par conséquent à le ruiner à la longue? car il n'y a point pour une nation de pire disette que celle des hommes.

Il n'appartient qu'au véritable homme d'état d'élever ses vues dans l'assiette des impôts plus haut que l'objet des finances, de transformer des charges onéreuses en d'utiles règlemens de police, et de faire douter au peuple si de tels établissemens n'ont pas eu pour fin le bien de la nation pluque le produit des taxes.

tôt

Les droits sur l'importation des marchandises étrangères, dont les habitans sont avides sans que le pays en ait besoin ;

sur l'exportation de celles du crû du pays, dont il n'a pas de trop et dont les étrangers ne peuvent se passer; sur les productions des arts inutiles et trop lucratifs; sur les entrées dans les villes de choses de pur agrément, et en général sur tous les objets du luxe, rempliront tout ce double objet. C'est par de tels impôts, qui soulagent la pauvreté et chargent la richesse, qu'il faut prévenir l'augmentation continuelle de l'inégalité des fortunes, l'asservissement aux riches d'une multitude d'ouvriers et de serviteurs inutiles, la multiplication des gens oisifs dans les villes, et la désertion des campagnes.

Il est important de mettre entre le prix des choses et les droits dont on les charge, une telle proportion que l'avidité des particuliers ne soit point portée à la fraude par la grandeur des profits. Il faut encore prévenir la facilité de la contrebande, en préférant les marchandises les moins faciles à cacher. Enfin il convient que l'impôt soit payé par celui qui emploie la chose taxée, plutôt que par celui qui la vend, auquel la quantité des droits dont il se trouveroit chargé, donneroit plus de tentation et de moyens de les frauder. C'est l'usage constant de la Chine, le pays du monde où les impôts sont les plus forts et les mieux payés : le marchand ne paye rien; l'acheteur seul acquitte le droit, sans qu'il en résulte ni murmure ni séditions, parce que les denrées nécessaires à la vie, telles que le riz et le blé, étant absolument franches, le peuple n'est point foulé, et l'impôt ne tombe que sur les gens aisés. Au reste, toutes ces précautions ne doivent pas tant être dictées par la crainte de la contrebande, que par l'attention que doit avoir le gouvernement à garantir les particuliers de la séduction des profits illégitimes qui, après en avoir fait de mauvais citoyens, ne tarderoient pas d'en faire de malhonnêtes gens.

Qu'on établisse de fortes taxes sur la livrée, sur les équipages, sur les glaces, lustres et ameublemens, sur les étoffes et la dorure, sur les cours et jardins des hôtels, sur les spectacles de toute espèce, sur les professions oiseuses; comme baladins, chanteurs, histrions, et, en un mot, sur cette foule d'objets de luxe, d'amusement et d'oisiveté qui frappent tous les yeux, et qui peuvent d'autant moins se cacher que leur seul usage est de se montrer, et qu'ils Tome XII.

Q

seroient inutiles, s'ils n'étoient vus. Qu'on ne craigne pas que de tels produits fussent arbitraires, pour n'être fondés que sur des choses qui ne sont pas d'une absolue nécessité; c'est bien mal connoître les hommes que de croire qu'après s'être une fois laissé séduire par le luxe, ils y puissent jamais renoncer; ils renonceroient cent fois plutôt au nécessaire, et aimeroient encore mieux mourir de faim que de honte. L'augmentation de la dépense ne sera qu'une nouvelle raison pour la soutenir, quand la vanité de se montrer opulent fera son profit du prix de la chose et des frais de la taxe. Tant qu'il y aura des riches, ils voudront se distinguer des pauvres, et l'état ne sauroit se former un revenu moins onéreux ni plus assuré que sur cette distinction.

Par la même raison, l'industrie n'auroit rien à souffrir d'un ordre économique qui enrichiroit les finances, ranimeroit l'agriculture en soulageant le labourcur, et rapprocheroit insensiblement toutes les fortunes de cette médiocrité qui fait la véritable force d'un état. Il se pourroit, je l'avoue, que les impôts contribuassent à faire passer plus rapidement quelques modes; mais ce ne seroit jamais que pour en substituer d'autres sur lesquelles l'ouvrier gagneroit sans que le fisc eût rien à perdre. En un mot, supposons que l'esprit du gouvernement soit constamment d'asseoir toutes les taxes sur le superflu des richesses, il arrivera de deux choses l'une, ou que les riches renonceront à leurs dépenses superflues pour n'en faire que d'utiles qui retourneront au profit de l'état; alors l'assiette des impôts aura produit l'effet des meilleures lois somptuaires; les dépenses de l'état auront nécessairement dininué avec celles des particuliers, et le fisc ne sauroit rien recevoir de cette manière qu'il n'ait beaucoup moins encore à dépenser; ou si les riches ne diminuent rien de leurs profusions, le fisc aura dans le produit des impôts les ressources qu'il cherchoit pour pourvoir aux besoins réels de l'état. Dans le premier cas, le fisc s'enrichit de toute la dépense qu'il a de moins à faire; dans le second, il s'enrichit encore de la dépense inutile des particuliers.

Ajoutons à tout ceci une importante distinction en matière de droit politique, et à laquelle les gouvernemens jaloux de faire tout par eux-mêmes devroient donner une grande

attention. J'ai dit que les taxes personnelles et les impôts sur les choses d'absolue nécessité, attaquant directement le droit de propriété, et par conséquent le vrai fondement de la société politique, sont toujours sujets à des conséquences dangereuses, s'ils ne sont établis avec l'exprès consentement du peuple ou de ses représentans. Il n'en est pas de même du droit sur les clauses dont on peut s'interdire l'usage; car alors le particulier n'étant point absolument contraint à payer, la contribution peut passer pour volontaire ;, de sorte que le consentement particulier de chacun des contribuans supplée au consentement général, et le suppose même en quelque manière; car pourquoi le peuple s'opposeroit-il à toute imposition qui ne tombe que sur quiconque veut bien la payer? Il me paroît certain que tout ce qui n'est ni proscrit par les lois, ni contraire aux mœurs et que le gouvernement peut défendre, il peut le permettre moyennant un droit. Si, par exemple, le gouvernement peut interdire l'usage des carrosses, il peut à plus forte raison imposer une taxe sur les carrosses; moyen sage et utile d'en blâmer l'usage sans le faire cesser. Alors on peut regarder la taxe comme une espèce d'amende dont le produit dédommage de l'abus qu'elle punit.

Quelqu'un m'objectera peut-être que ceux que Bodin appelle imposteurs, c'est-à-dire, ceux qui imposent ou imaginent les taxes, étant dans la classe des riches, n'auront garde d'épargner les autres à leurs propres dépens, et de se charger eux-mêmes pour soulager les pauvres. Mais il faut rejeter de pareilles idées. Si dans chaque nation ceux à qui le souverain commet le gouvernement des peuples en étoient les ennemis par état, ce ne seroit pas la peine de rechercher ce qu'ils doivent faire pour les rendre heureux, (Voyez ECONOMIE POLITIQUE.

(J. J. ROUSSEAU.)

Q

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ÉLOCUTION.

Ce mot qui vient du latin eloqui, parler, signifie proprement et à la rigueur le caractère du discours; et en ce sens il ne s'emploie guère qu'en parlant de la conversation, les mots style et diction étant consacrés aux ouvrages ou aux discours oratoires. On dit d'un homme qui parle bien, qu'il a une belle élocution; et d'un écrivain ou d'un orateur, que sa diction est correcte, que son style est élégant, etc.

Élocution, dans un sens moins vulgaire, signifie cette partie de la rhétorique qui traite de la diction et du style de Porateur; les deux autres sont l'invention et la disposition.

J'ai dit que l'élocution avoit pour objet la diction et le style de l'orateur; car il ne faut pas croire que ces deux mots soient synonymes : le dernier a une acception beaucoup plus étendue que le premier. Diction ne se dit proprement que des qualités générales et grammaticales du discours, et ces qualités sont au nombre de deux, la correction et la clarté. Elles sont indispensables dans quelques ouvrages que ce puisse être, soit d'éloquence, soit de tout autre genre; l'étude de la langue et l'habitude d'écrire les donne presque infailliblement, quand on cherche de bonne foi à les acquérir. Style au contraire se dit des qualités du discours, plus particulières, plus difficiles et plus rares, qui marquent le génie et le talent de celui qui écrit ou qui parle: telles sont la propriété des termes, l'élégance, la facilité, la précision, l'élévation, la noblesse, l'harmonie, la convenance avec le sujet, etc. Nous n'ignorons pas néanmoins que les mots style et diction se prennent souvent l'un pour l'autre, surtout par les auteurs qui ne s'expriment pas sur ce sujet avec une exactitude rigoureuse; mais la distinction que nous venons d'établir ne nous paroît pas moins réelle. Il est parlé plus au long au mot style des différentes qualités que le style doit avoir en général et sur toutes sortes de sujets : nous nous bornerons ici à ce qui regarde

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