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le lieu où ce culte étoit établi. Inachus apprit aux Grecs à honorer Ifis; les Grecs la regarderent comme fa fille. Cécrops dans la fuite porta dans l'Attique le culte de Minerve, honorée à Saïs fa patrie; on publia de même que cette déeffe, que les Grecs nommoient Athéné, étoit la fille de ce Prince. On voit par-là combien eft jufte la réflexion d'Hérodote, & en même tems qu'il ne faut pas chercher d'autre origine à cette fable.

Pour ce qui regarde les perfécutions de Junon, qu'Ovide raconte dans un grand détail,

on peut dire avec beaucoup de vraisemblance, que ce Poëte a fait allufion à la jaloufie de la femme du roi d'Argos, qui peut-être fit fouffrir bien des maux à fa rivale; & que fi le mari portoit le nom de Jupiter, la femme pouvoit fort bien fe faire appeller Junon. Mais, il eft tems de rapporter la véritable hiftoire d'Ifis.

Les Égyptiens, au rapport de Diodore de Sicile & de Plutarque, affuroient que cette Princeffe étoit née dans leur païs; qu'elle époufa Ofiris; que celui-ci vivoit avec elle dans une parfaite union, & qu'ils s'appliquoient l'un & l'autre à polir leurs fujets, à leur en· feigner l'agriculture, & plufieurs autres arts néceffaires à la vie. Diodore de Sicile ajoûte qu'Oliris ayant formé le deffein d'aller jufques dans les Indes pour les conquérir, moins par

la force des armes que par la douceur, leva une armée compofée d'hommes & de femmes; & qu'après avoir établi lfis régente de fon royaume, & laiffé près d'elle Mercure & Hercule, dont le premier étoit chef de fon confeil, & le fecond, intendant des provinces, il partit pour fon expédition, où il fut fi heureux, que tous les païs où il alla, fe foumirent à fon Empire.

Ce Prince, étant de retour en Égypte, trouva que fon frere Typhon avoit fait des brigues contre le gouvernement, & s'étoit rendu redoutable. Julius Firmicus ajoûte même qu'il avoit fuborné fa belle four Ifis. Ofiris, qui étoit un Prince pacifique, entreprit de calmer cet efprit ambitieux; mais, Typhon, bien loin de fe foumettre à fon frere, ne fongea qu'à le perfécuter, & à lui dresfer des embûches. Plutarque nous apprend de quelle manière enfin il lui fit perdre la vie. Typhon, dit-il, l'ayant invité à un fuperbe festin, proposa après le repas aux conviés, de fe mesurer dans un coffre d'un travail exquis, promettant de le donner à celui qui feroit de même grandeur. Ofiris s'y étant mis à fon tour, les conjurés fe leverent de table, fermerent le coffre,& le jetterent dans le Nil.

Ifis, informée de la fin tragique de fon époux, fe mit en devoir de chercher fon corps; & ayant appris qu'il étoit dans la Phénicie, caché fous un tas

marin, où les flots l'avoient jetté, elle alla à la cour de Bybios, où elle fe mit au fervice d'Aftarté, pour avoir plus de commodité de le découvrir. Enfin, après des peines infinies, elle le trouva, & fit de fi grandes lamentations, que le fils du Roi de Byblos en mourut de regret; ce qui toucha fi fort le Roi fon pere, qu'il permit à Isis d'enlever ce corps & de fe reti

rer en Égypte. Typhon, informé du deuil de fa belle-four, ouvrit le coffre, mit en pièces le corps d'Ofiris, & en fit porter les membres en différens en

droits de l'Égypte. Ifis ramaffa avec foin fes membres épars, les enferma dans des cercueils, & confacra les repréfentations des parties qu'elle n'avoit pu trouver; de-là l'ufage du Phallus devenu fi célebre dans toutes les cérémonies religieufes des Égyptiens. Enfin, après avoir répandu bien des larmes, elle le fit enterrer à Abyde, ville fituée à l'occident du Nil. Que fi les Anciens placent le tombeau d'Ofiris en d'autres endroits, c'eft qu'Ifis en fit élever un pour chaque partie du corps de fon mari, dans le lieu même où elle l'avoit trouvée.

Cependant, Typhon fongeoit

à affermir fon nouvel em

pire; mais, Ifis ayant donné quelque relâche à fon affliction, fit promptement affembler fes troupes, & les mit fous la conduite d'Orus fon fils. Ce jeune Prince pourfuivit le tyran, & le vainquit

dans deux batailles rangées.

Il est peu de divinites, dont il nous reste autant de monumens, qu'il nous en refte d'Ifis; il en eft auffi peu fur lesquelles les Sçavans de tous les âges, aient plus exercé leur imagination, qu'ils l'ont fait au sujet de cette déeffe. Plutarque a fait un livre d'Ifs & d'Ofiris; mais, on ne peut que s'étonner que la fureur des étymologies ne fe foit pas étendue fur le nom d'une divinité célebre. Ces recherches fouvent plus curieufes que d'autres fur lefquelles quelques Sçavans fe font exercés, n'auroient cependant pas laiffé de répandre un certain jour fur la nature de cette divinité, & par-là même fur le culte faftueux & prefque univerfel qui lui étoit rendu.

Une ancienne racine arabe ifcia, fignifie exifter invariablement, avoir une existence propre, fixe, & durable; de-là cucía des Grecs, effentia, ovcía, poteftas, facultas ; & chez les Latins, ces anciens mots du fiecle d'Ennius, incorporés par nos Grammairiens modernes dans le verbe auxiliaire fum, es, eft, eftis, esse. On ett bien convaincu aujourd'hui que les langues Phéniciennes & Egyptiennes étoient des dia

lectes d'une autre ancienne langue; d'où l'on peut conclure fans trop hazarder, que le mot Ifis eft un dérivé d'Ifcia, & marquoit dans fon origine l'effence propre des choses, la nature; ce qui, pour le dire en paffant, juftifieroit cet ancien culte

dans fon origine, & le rapprocheroit affez des idées des plus Tages Philofophes.

Nous ne ferons qu'indiquer ici d'autres étymologies propres à répandre du jour fur cette matière. Iza, racine Syriaque, figuifie fe taire avec foin, garder un filence religieux, & l'on fçait jufqu'à quel point il devoit s'obferver dans les mystères d'Ifis; Ifciaz, Chaldaïque, le fondement, une bafe folide; Ifch, en Hébreu, un homme par excellence ; fon féminin, Ifcha, une femme, & chez les Arabes & les Phéniciens Ifchitz, Ifis; enfin, celle qui feroit peut-être la plus vraifemblable, l'ancien mot efch, ifch, le feu, le foleil, qui a dû être le premier objet de l'admiration religieufe des humains, & parlà même de leur culte.

Les Egyptiens ont toujours paffé pour avoir pouffé l'idolâtrie beaucoup plus loin qu'aucun autre peuple, & avoir élevé des autels aux plantes & aux animaux qui en méritent le moins. Cependant, leur mythologie paroît affez fimple & naturelle dans fon origine; ils admettoient deux principes, l'un bon, l'autre mauvais; du principe du bien venoit la générofité; de celui du mal, procédoit la corruption de toutes chofes. Le bon principe excelloit par-deffus le mauvais, il étoit plus puiffant que lui, mais non pas jufqu'à le détruire, & empêcher fes opérations. Ils reconnoiffoient trois chofes dans le bon principe,

dont l'une avoit la qualité & faifoit l'office de pere, l'autre de mere, & la troisième de fils; le pere étoit Ofiris, la mere Ifis, & le fils Orus; le mauvais principe s'appelloit Typhon. Plus une doctrine s'éloigne de fon principe, plus elle dégénere, chacun veut y mettre du fien; des idées refpectables dans leur origine deviennent enfin monftrueufes; la multitude ne voit que l'erreur, & la condamne fans remonter à une fource d'autant plus excufable, qu'elle fembloit plus naturelle."

Le culte d'Ifis étoit plus célebre que celui d'Ofiris; on la trouve bien plus fouvent fur les marbres; elle étoit regardée comme la mere & la nature des chofes, comme le prouve l'infcription de Capoue:

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Sageffe.» Je fuis, dit Ifis, la » nature, mere de toutes cho» fes, maîtreffe des élémens » le commencement des fiecles, la fouveraine des Dieux, la » reine des Manes la pre»mière des natures céleftes, la » face uniforme des Dieux & » des Déeffes; c'est moi qui » gouverne la fublimité lumi>> neufe des cieux, les vents » falutaires des mers, le filen» ce lugubre des enfers. Ma divinité unique, mais à plu>> fieurs formes, eft honorée » avec différentes cérémonies » & fous différens noms. Les Phrygiens m'appellent la Pef>> finontienne mere des Dieux; » les Athéniens, Minerve Cé>>cropienne; ceux de Cypre, » Vénus Paphienne ceux de » Crete, Diane Dictynne, les » Siciliens qui parlent trois » langues, Proferpine Stygien»ne; les Eleufiniens, l'ancien»ne déeffe Cérès; d'autres, » Junon; d'autres Bellone; » quelques-uns, Hécate; il y en a auffi qui m'appellent » Rhamnufia. Les Éthiopiens "orientaux, les Ariens, & ceux qui font inftruits de l'ancien»ne doctrine, je veux dire » les Égyptiens, m'honorent » avec des cérémonies qui me font propres, & m'appellent » de mon véritable nom, la rei>> ne Ifis. «

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Ifis à recuillir les fentimens des divers Auteurs, eft Cérès, Junon, la Lune, la Terre, ou la Nature, Minerve, Proferpine, Thétis, la mere Tom. XXII,

ces

des Dieux ou Cybele, Vénus Diane Bellone Hécate Rhamnufia, en un mot toutes les Déefles. Aucun Auteur particulier ne lui attribue tous ces noms-là; mais, tous ensemble la font la même que toutes Déeffes. Apulée tout feul la dit, comme on vient de le voir, Cybele, Minerve, Vénus, Diane, Proferpine, Cérès, Junon, Bellone, Hécate & Rhamnufia. C'eft ce qui a donné lieu de l'appeller Myrionyme, ou la Déeffe à mille noms.

Il eft impoffible de démêler aucune apparence de vérité dans des fujets où le principal mérite étoit de la voiler fous une multitude de fables & de rêveries poëtiques. C'est à la faveur de toutes ces idées fi peu liées entr'elles, & fouvent incompatibles, qu'on a cru trouver l'lfis des Égyptiens dans préfque toutes les Déeffes du paganifme; mais, il paroît par le culte qu'on lui rendoit, & les divers fymboles dont on ornoit fes ftatues, que les Égyptiens regardoient leur Ifis fur le même pied que les Grecs leur Cérès. Ifis fut particuliérement honorée en Grece, comme il eft aifé de le voir par le grand nombre de monumens qu'on lui érigeoit dans ce païs, & par les figures d'lfis qu'on voit fur les médailles Grecques. Le culte d'Ifis & des autres Dieux Égyptiens, eut d'abord beaucoup de peine à s'établir à Rome, quoique la tolérance fût extrême pour les opinions & les cultes E &

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etrangers, que chacun pouvoit librement adopter & fuivre dans le particulier. Le culte d'lfis ne fut incorporé qu'allez tard dans la religion des Romains par arrêt du Sénat; il parcit même qu'il fut rejetté plufieurs fois, fur-tout par la fermeté des confuls Fifon & Gabinius qui, au rapport de Tertullien, s'oppoferent fortement à la célébration des myílères d'lfis. Le Sénat renouvella fouvent les mêmes défenfes; mais, l'empereur Commode eut tant de paffion pour ces mystères, que pour les honorer davantage, il fe fit rafer, & porta lui-même le fimulacre d'Anubis.

On voit par les médailles de l'empereur Julien, & quelques autres où Ifis paroît portant un navire fur fa main, que, comme le dit Apulée, elle préfidoit à la mer, comme fi elle eût été la première qui eût trouvé l'art de naviger, ou du moins de fe fervir de voiles à cet effor.

Son culte a paffé de l'Égypte dans les Gaules; mais, ce feroit peut-être trop donner aux conjectures, que de vouloir dériver le mot Paris, de

lois, à caufe que cette ville n'étoit pas éloignée du fameux temple de la déeffe Ifis, & d'établir que les Parifiens ont pris un navire pour armes de leur ville, parce que cette déefse y étoit venue dans un vaisfeau; mais, on ne peut raifonnablement douter qu'il n'y eût à Paris, ou dans fon veilinage,

au village d'Iffy, un fameux temple dédié à la grande déeffe des Egyptiens. Les anciennes Chaitres des abbayes de Sainte Genevieve & de Saint Germain en font mention, & difent que Clovis & Childebert leurs fondateurs leur ont affigré les dépouilles d'fis & de fon temple; & nous aurions une preuve fans replique de ce fair, fans le zele un peu véhément du bon cardinal Briffonet, qui étant abbé de Saint Germain-des-Prés, l'an 1514, fit réduire en poudre le grand idole d'Ifis qu'on avoit par curiofité confervé dans un coin de ladite églife de Saint Germain. Les Iconoclates tant anciens que modernes ont détruit de belles chofes; le zele aveugle eft prefque toujours deftructeur.

Tacite, dans fon traité de moribus Germanorum, nous apprend que le culte d'Ifis avoit pénétré jufques chez les Sueves, peuple diftingué parmi les anciens Germains; il avoue qu'il ne comprend pas comment il avoit paffé dans un païs fi éloigné; mais, f, comme l'établit folidement Dom Pezron, les Sueves étoient fortis d'Afie, il ne feroit pas étonnant qu'ils euffent apporté avec eux un culte qui de l'Egypte avoit paffé dans prefque tous les païs qui avoient quelque communication avec la Méditerranée; il feroit auffi très-probable que le culte d'liis eût éré porté dans la Ger manie par les Gaulois qui y en voyerent des colonies, & qui

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