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NEOPTOLEME.

4 La vengeance feroit honteufe & pour vous & pour moi. PHILOCTETE.

Qu'avons-nous à ménager avec les Grecs ? croïés-moi, les Chefs de l'armée font auffi peu braves en effet, qu'ils paroif fent fiers en paroles.

NEOPTOLEME.

Il est vrai. Mais enfin je vous ai rendu vos armes. Vous refte-t'il encore contre moi quelque fujet de courroux & de plainte ?

PHILOCTETE.

Non, mon fils. Ton grand cœur s'eft dévoilé. Auffi n'as tu pas reçû le jour d'un b Sifyphe, mais d'un Héros auffi illuftre chés les morts, qu'il fut célebre parmi nous.

NEOPTOLEME.

Il m'eft doux de voir Philoctete louer Achille; & cer éloge rejaillit fur moi. Mais écoutés, Seigneur, ce que j'ai à vous demander. Il eft des maux qui nous viennent des Dieux. Ils font inévitables. Il faut les fupporter. Mais efton excufable ou digne de pitié, quand on s'en procure volontairement comme vous ? votre cœur eft aigri, & incapable de confeil. Qu'un ami vous parle, vous prenés feu, & le traités d'ennemi. Je parlerai toutefois, & j'appelle Jupiter à témoin de mes paroles. Gravés-les profondément dans votre cœur, & apprenés d'abord que votre bleffure eft un coup

« C'est la même penfée qu'a emploiée dit à Pauline au fujet de Severe son amant M. Corneille dans Polieucte. Celui-cy qui l'avoit revûë,

Quoi, vous me foupçonnés déja de quelque ombrage!
Et Pauline répond ce beau mot fi applaudi d'un grand Prince :
Je ferois à tous trois un trop fenfible outrage.

Elle parle de fon mari, de Severe, & d'elle. Polience Ac. II. Sc. IV.
b A yeul d'Ulyffe,

parti du Ciel, pour avoir approché du ferpent dépofitaire des Thréfors du Temple que vous avés trouvé à Chryfa. N'efperés jamais de guerifon,tant que ce foleil vous éclairera, que vous n'alliés à Troye. Votre guerifon eft refervée aux enfans d'Efculape, comme la prife de Troye à nos efforts communs, & à vos fléches. D'où fçai-je ces merveilles? je vais vous le dire. Le Troyen Helenus, ce Prophete fi renommé est prifonnier dans le camp. C'est lui qui nous a développé ce myftere. » Par ce moïen, ajouta-t'il, l'été prochain verra finir le deftin d'Ilion. Grecs, ôtés-moi la vie, fi mes Oracles fe » trouvent faux. « Sur cette affurance devés-vous balancer à vous rendre? quel honneur pour vous d'avoir été le feul de tous les Grecs jugé digne d'accomplir ces grandes destinées! goûtés donc le bonheur de revivre, & la gloire de renverfer Troye.

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PHILOCTETE.

Deftins odieux ! pourquoi vois-je le jour que j'abhorre que ne fuis-je habitant des enfers ! que ferai-je ? puis-je résifter à un ennemi fi tendre & fi généreux? mais quoi, faut-il ceder: fi je le fais, que deviens-je? oferai-je me montrer ? qui voir deformais? Aftres, témoins des affronts que j'ai reçûs, de quel œil verrés-vous Philoctete avec les Atrides qui m'ont perdu, avec Ulyffe qui m'a trahi! non les outrages que j'ai effuïés ne font rien en comparaifon de ceux que je prévois. Un cœur que la nature a inftruit au crime s'enhardit toujours à de nouveaux forfaits. Je vous l'avoue, Neoptoleme: je ne puis comprendre votre conduite. J'attendois de vous, que loin d'aller à Troye vous me détourneriés de cette lâcheté. Quoi, les Grecs vous ont cruellement offensé ; ils vous ont dépouillé des armes, de la gloire d'Achille; par un jugement inoui ils ont préféré Ulyffe à Ajax; & vous allés les fecourir ! & vous voulés m'engager à vous fuivre! non, mon fils, non, tunc commettras point cette indignité. Remenemoi dans ma patrie; tu me l'as juré. Demeure toy-même à Scyros, & laiffe périr ces ingrats. Mets ton honneur & le mien à couvert: tu obligeras doublement Achille & Philoctete; & abandonnant des perfides, tu t'épargneras la honte de leur reffembler. NEOPTOLEME,

NEOPTOLEME.

Votre courroux n'eft que trop légitime. Laiffons les Grecs & les Atrides. Mais que demandai je de vous, finon d'obéïr aux Dieux, & de fuivre un ami?

PHILOCTETE.

Moi ? qu'irois-je faire au fiége? voir les fils d'Atrée jouir des maux qu'ils m'ont caufés?

NEOPTOLEME.

Trouver la guerifon de ces maux, & revoir non vos ennemis, mais vos liberateurs.

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Regardés-les d'un autre œil, & foïés moins fier dans le

malheur.

Tome I.

Pp

PHILOCTETE.

Si je l'ai bien compris, vous voulés me perdre.

NEOPTOLEME.

Vous ne m'avés pas entendu, je prétends vous fauver.

PHILOCTETE.

Les Atrides m'ont rejetté de l'Armée, voilà tout ce que je comprens.

NEOPTOLEME.

Oui, mais ils réparent leur faute; ils veulent vous rendre heureux.

PHILOCTETE.

Ce ne fera pas à condition de les voir à Troye.

NEOPTOLEME.

Que voulés-vous que je faffe? rien ne peut vous ébranler. Il faut donc me taire, & vous laiffer languir dans vos maux.

PHILOCTETE.

Laiffés-moi mes maux. Ils me font chers. Acquittés seulement votre promeffe. Remenés-moi dans ma patrie. Çà ne différons plus. Oublions Troye & les Grecs. Ils m'ont trop coûté de larmes.

NEOPTOLEME.

Partons, puifque vous le voulés ainfi.

PHILOCTETE le fuivant.

O parole pleine de charmes !

NEOPTOLEME s'arrêtant.

Mais effaïés vos forces.

PHILOCTETE.

Elles répondront à mon courage.

NEOPTOLEME revenant encore.

Mais comment me juftifierai-je auprés des Grecs?

PHILOCTETE.

En les méprifant.

NEOPTOLEME.

Ils ravageront mes Etats.

PHILOCTETE.

Je volerai à votre fecours.

NEOPTOLEME.

Avec quelles troupes ?

PHILOCTETE.

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Avec les fléches d'Hercule. Ces armes & ce bras fuffiront pour les faire trembler.

NEOPTOLEME.

Hé-bien, embarquons-nous. Faites vos derniers adieux

à Lemnos.

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Ne partés pas encore... Philoctete, reconnois Hercule. Tu l'entens, tu le vois. C'eft pour toi que j'ai quitté la voute azurée, Je viens t'annoncer les ordres de Jupiter, & te marquer un autre chemin. Demeure donc, & m'écoute.

pour ac

Tu fçais mes travaux, & ce qu'il m'en a coûté quérir l'immortalité dont tu me vois jouir. Apprens que tu dois remplir la même deftinée. C'eft par cette route pénible qu'il te faut arriver à la gloire. Il faut que tu ailles à Troye avec le fils d'Achille. Tu guériras; ta valeur te donnera le premier rang dans l'armée. Tu perceras de mes fléches le fier Paris, autheur de tant de malheurs. Tu renverferas

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