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efpeces que j'ai marquées, & par conféquent donnent lieu à quatre fortes de dénoumens. Car fi le héros déja supposé malheureux tombe ïnsensiblement dans le dernier malheur, le dénoument renverse toutes les espérances qui le flattoient de s'en dégager, & l'y precipite fur le champ ou par degrés fans retour. S'il s'agit de rendre malheureux un homme comblé de bonheur & de gloire, le dénoument le fait en détruifant toute cette grandeur par les moïens même qui fembloient devoir l'affermir. Si l'on veut tirer du malheur une personne infortunée, le dénoument le fera par un retour d'événemens qui produiront un effet tout contraire à celui qu'ils annonçoient. Enfin s'il faut en même-tems punir le coupable & fauver l'innocent, le dénoument fait une double opération comme dans les deux cas précédens; de maniere qu'à le bien prendre le dénoument n'étant que le paffage, ou du trouble à la tranquillité, ou d'un état à un autre, foit heureux, foit malheureux, il peut être réduit à ces deux espèces, de quelque façon qu'il se faffe, par une reconnoiffance ou autrement.

Eschyle a dû observer que l'Iliade se dénouë par un événement qui leve les obftacles oppofés à la réconciliation d'Achille avec les Grecs. Cet évé nement eft la mort de Patrocle, qui attire celle d'Hector, dont les funérailles terminent l'action, Il a vû de même que le dénoument de l'Odyffée eft le retour & la reconnoissance d'Ulysse après le carnage des amans de Pénélope. C'est d'un côté cette reconnoiffance, & de l'autre cet événe

ment, qui ont donné l'idée aux Poëtes Tragiques de faire entrer dans leurs fpectacles le dénoument de l'Epique, comme ils y ont transmis l'exposition & le nœud. La reffemblance eft trop marquée pour en douter. Auffi voïons-nous qu'on n'a rien imaginé de plus pour dénouer une intrigue, que ce qu'a emploïé Homere, un incident nouveau, ou bien une reconnoiffance.

Mais l'art de rendre les dénoumens heureux & naturels a été perfectionné fur l'étude particuliere du Génie Tragique. En effet les maîtres de cet art ont trouvé en l'approfondiffant qu'un dénoument ne pouvoit être conforme à la raison, s'il ne naiffoit du fonds même du fujet; & c'est ce qui a engagé Horace à condamner les Dieux en machine, à moins que le nœud ne fût de nature à ne pouvoir être autrement délié. On voit par exemple qu'une Tragédie fur le facrifice d'Ifaac ne peut finir que par la machine, c'est-à-dire, par une voix du Ciel, n'étant pas permis de rien changer d'effentiel à une hiftoire connue, fur tout à l'Ecriture, & d'ailleurs l'action étant de caractere à mériter une pareille iffuë. Mais afin que le dénoument femble éclorre du sujet même, il faut le préparer fans le prévenir, en jetter des fondemens fans le laiffer conjecturer, & sans qu'on puisse dire qu'on l'ait vû avant qu'il ait paru en fon entier. En un mot il veut être traité comme les autres incidens de la piéce, avec un rapport fi jufte à tout le refte du corps, qu'il paroiffe qu'on ne pourroit, fans gâter l'ouvrage, le finir d'un autre façon. Le chef-d'œuvre des dé

noumens est sans contredit celui de l'Oedipe dans Sophocle. Il commence avec le nœud même, & continue tellement à nouer ce qu'il dénouë, que le fort d'Oedipe s'embrouille, même en se dévoilant, & n'est enfin éclairci que par un seul mot, qui comme un raïon perçant porte tout à coup lumiere dans l'efprit d'Oedipe, lui deffille entierement les yeux, & lui fait connoître qu'il eft le meurtrier de fon pere, & l'époux de fa mere.

la

Outre ce rapport & cette liaison avec l'intrigue, le dénoument veut encore une autre qualité nonmoins nécessaire, c'eft une certaine équité qui réveille l'amour naturel que nous avons pour la juftice. Les Anciens l'ont Tenti & pratiqué. C'est parlà qu'ils ont puni le vice & fait triompher la vertu. Mais leur adreffe a été admirable à le faire d'une façon, qui loin de diminuer le plaifir de la terreur & de la pitié, ne fît au contraire que l'augmenter. Quelle merveille y auroit-il à produire fur la Scene un fcelerat qu'on rendroit malheureux, ou une vertu irréprochable que l'on couronneroit ? cela ne peut exciter aucune paflion bien vive. Mais d'expofer au spectateur une perfonne peu coupable & beaucoup malheureuse, voilà le grand fecret de la crainte & de la compaffion. Ses malheurs nous touchent, fa peine nous pénétre, Mais la comparaifon de fes vertus, de fes fautes & de fes malheurs nous enleve par un retour fur nous-même, & nous fait fentir à la fin ce que les deux paffions Tragiques ont de plus vif & de plus doux.

Je fçai bien que ce n'eft pas d'Homere feul qu'Efchyle

qu'Efchyle a pris ces obfervations, puifque le dénoument de l'Iliade & de l'Odyffée causent plûtôt une admiration pleine de joïe, que les derniers effets de la crainte & de la pitié fatisfaites. Mais lui & ses successeurs ont trop apperçû la différence de l'Epique & du Tragique pour ne pas joindre leurs réflexions particulieres à celles d'Homere. On voit donc affés comment les premiers lineamens du Théatre ont été tracés par ce Poëte, & imités par Eschyle. Il me reste à montrer de quelle manière celui-ci a rempli ces premiers traits de la Tragédie fur le modele de l'Iliade avec tant d'adreffe, que la fille en confervant quelque air de la mere, a toutefois fon air propre & perfonnel a.

XIV. Efchyle après avoir discerné dans le Poëme Epique l'idée, la fin, l'expofition, l'intrigue & le dénoument du fpectacle, a vû qu'une pareille entreprise supposant des interlocuteurs en présence d'une affembléc, il falloit examiner ce qui eft convenable aux personnages & à leurs mœurs, à la Diction & à fes ornemens, au Théatre & à fes décorations. Et pour commencer par les personnages,' il fit attention que les principaux devoient être illuftres,comme dans Homere:car chés-lui c'eft Agamemnon, Menelas, Achille, Ulyffe, les deux Ajax, qui jouent les premiers rôles. Voilà des héros pour un action héroïque. Mais on y voit auffi un Therfite.

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Les Per

fonnages.

Les Chœurs,

& des perfonnages d'un ordre inférieur contraster
avec ceux du premier rang. On y voit même des
armées, & des peuples en foule occuper le lointain
& quelquefois le champ du tableau. Tous ces per-
fonnages furent tranfmis fur la Scene. On y vit,
outre des Dieux, de grands Princes & des Rois dé-
mêler entr'eux des interêts d'Etat, y perdre la cou-
ronne ou la vie, & étaler à une République jaloufe
de fa liberté des malheurs d'autant plus intereffans
pour elle, qu'ils flattoient fon orgueilleufe com-
paffion, & qu'ils n'excitoient dans des cœurs Ré-
publicains qu'une majestueuse & noble terreur à la
vûë des têtes couronnées qu'on fembloit lui immo-
ler. On reffufcita les héros d'Homere, & ils reparu-
rent dans des fituations Tragiques, parce qu'il
étoit queftion de plaire à des Grecs, dont l'oreille
étoit faite aux noms auguftes de tant de grands
hommes de leur nation. A ces principaux rôles on
en ajouta de moins relevés & de fubalternes, pour
donner par le moïen des uns plus de luftre, de sail-
lie, & de jeu aux autres. On fit connoître aux fpec-
tateurs ce qu'ils ne pouvoient voir, par les narra-
tions de ces moindres Acteurs. Ils animerent le
Théatre par des nouvelles
peu attenduës, par des
reconnoiffances inéfperées, & par le fecours qu'ils
prêterent aux Acteurs plus confidérables. L'inter-
vention même & le miniftere des Dieux entra dans
l'expofition, dans les nœuds, & dans les dénou

mens.

XV. Les Choeurs auparavant occupés à chanter Bacchus ou quelqu'autre Sujet, ne chanterent

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