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CREON.

Que refte-t'il donc, s'il n'eft pas permis de fe taire ? &c.

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Enfuite de ce début Creon fait une defcription plus qu'infernale de tout ce qu'il a vû. Encore s'arrête-t'il long-tems à décrire le lieu de la magie avant que de venir au fait. Il y vient, & en quels termes : la terre s'ouvre, & que n'en fort-il pas! le bel endroit s'il n'étoit gâté par le ftyle dominant dont jay parlé, ce feroit celui où l'on croit voir les Ombres des Rois de Thebes qui s'apparoiffent à Tirefias. Laïus paroît à fon tour, & revele toute l'abomination de l'hymen & du crime d'Oedipe. Mais celui-cy, qui fe croit fils de Polybe, entre en fureur contre Tirefias & Creon, qu'il accufe de complot pour le déthrôner. Creon s'en défend comme chés

Tome I,

Sophocle. Mais tout cela eft étranglé, fans liaison & fans goût. Les fentences terminent la Scene comme elles l'ont commencée; & le Chœur fait fon office à l'ordinaire, c'està-dire, qu'il chante des vers qui ne difent pas grand chofe..

ACTE IV.

Oedipe revient avec quelque cffroy fur la mort de Laius,. que le Ciel & l'enfer lui imputent, quoi qu'il ne fe fente point coupable: apparemment qu'il a fait fes réflexions. Il raconte donc à Jocafte l'aventure du chemin de Daulie où il avoit tué un homme.. Il interroge fa femme fur les circonstances du meurtre de Laius, & il trouve qu'elles fe rapportent à fon aventure. Je tiens le coupable, dit-il, teneo nocentem ; il croit donc l'être, & le voilà déja convaincu. Ce n'est pas ainfi qu'en a ufé Sophocle. Chés lui Oedipe n'eft convaincu du meurtre de Laïus que quand il fçait que c'étoit fon pere. Continuons & revenons à Seneque.Un vieillard de Corinthe annonce à Oedipe que Polybe eft mort. C'est la Scene Grecque,mais fubtilifée. Ce vieillard apprend de plus auRoy qu'il n'eft point le fils de Polybe, & qu'il l'a reçû enfant d'un Ber ger de Laius. Oedipe ordonne qu'on faffe venir ce Berger, mais tout cela d'un air qui énerve, ou plûtôt qui traveftit l'art inimitable du Poëte Grec. Phorbas arrive: Oedipe le contraint de parler, & Phorbas lui leve le voile de deffüs les yeux par ce mot. L'enfant dont vous parlés est né de votre épouse. Conjuge eft genitus tuâ. Enfuite le Choeur déclame.

ACTE V.

Le cinquiéme Acte confifte en deux Scenes, dont l'une eft le récit des fureurs d'Oedipe. Rien n'eft plus tragi-comique. Car Oedipe tire fon épée, (il n'en devoit point avoir, ) & au lieu de fe la plonger dans le fein, il s'exhorte théatralement à mourir. Mais il fait réflexion, heureufement pour lui, qu'une mort ne fuffit pas pour fes crimes, & qu'il vaut mieux

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multiplier fon trépas en vivant malheureux, c'est-à-dire, vivre, mourir, & renaître toujours.

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Liceat, renafci femper: ut totiès nova
Supplicia pendas, utere ingenio mifer.
Quod fæpè fieri non poteft, fiat diu.

Il veut donc pour cela fe fervir de tout fon efprit, & il le met, comme on voit, en ufage. Il y a apparence qu'il remit fon épée dans le fourreau : car il n'en eft plus parlé. Il fonge à s'arracher les yeux ; autre cérémonie décrite du même ton. » Car il faut, dit-il, que mes yeux fuivent mes larmes, & pleurer c'eft trop peu. Ses yeux lui obéiffent; ils fe tiennent » à peine dans leur lieu,& ils courent au devant de ses mains" Vulneri occurrunt fuo. Ce n'eft pas affés pour Oedipe d'avoir yeux dans fes mains; il en déchire jufqu'à la place.

fes

Haret in vacuo manus,

Et fixa penitùs unguibus lacerat cavos
Altè receffus luminum & inanes finus ;
Savitque fruftrà, plufque quàm fat eft furit.

Cela paroît bien fuffifant. C'eft encore peu. Ocdipe craint tant le jour, qu'il leve la tête pour éprouver s'il ne verra rien, & dans la crainte de voir le jour, il arrache jufqu'aux moindres fibres. C'est ainfi qu'on extravague, quand on veut aller au delà du naturel & du vray pour courir après l'efprit.

Après un mot du Choeur, Jocafte fait fa Scene avec Oedipe. C'est la feconde & la derniere de l'Acte. Jocafte ne fçait fi elle doit appeller Oedipe fon fils ou fon mari. Elle rafine là-deffus, auffi-bien qu'Oedipe, qui s'imagine voir Jocafte parce qu'il l'entend. Celle-cy rejette tout le paffé fur fa deftinée, & elle a raifon. Pourquoi donc fe tuer car elle fe tue un moment après en déclamant beaucoup; tandis qu'Oedipe, qui s'accufe de l'avoir tuée, & d'être doublement parricide, dit quelques injures à Phoebus autheur de l'Oracle,

?

L

& fe condamne brufquement à l'exil. Il emporte avec lui la famine, la maladie, & la douleur. Cette derniere idée, qui fe trouve deux fois dans la même piéce, eft fort belle.

τέ ;

On voit affés par ce court détail le génie & la maniere de Seneque. La verfification eft d'ordinaire d'une grande beaumais elle est toujours remplie, s'il m'eft permis d'ufer de ce terme, d'une certaine hydropifie poëtique qui rebute. Il doit y avoir à la vérité de la difference entre la verfification,. foit tragique, foit comique; mais non pas au point d'outrer le langage jufqu'à le bouffir. Par exemple, Terence fait trèsTerent. bien dire à Chremes,* Lucefcit hoc jam. Le jour commence: heautontim. à paroître. Seneque de fon côté a raifon dans l'Oedipe de

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A&. 3. S.I.V.I.

*Virg. Eclo Z. v. 99.

commencer ainfi.

Jam nocte pulfa dubius affülfit dies:

La lumiere encore incertaine vient diffiper les tenebres.
L'un eft le langage de la Comedie, & l'autre celui de la Tra
gedie. Mais cet autre eft outré dans les vers fuivans.
Et nube maftum fquallidâ exoritur jubar,

Lumenque flamma trifte lutiferâ gerens, &c..

L'aftre du jour atristé fort à peine d'une nuée qui marque fon deuil;& fa flamme qui annonce des pleurs ne rend qu'une lueur fombre & affligeante. Il faut aimer extrêmement Lucain pour approuver de tout point Seneque.

* Qui Bavium non odit amet tua Carmina, Mavi,

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Canalyfe.

NETTE piéce eft trop connue pour en faire une exacte analyse. Il fuffira d'en fuivre legérement le fil pour fela rappeller & pour faire voir en quoi elle differe de Sophocle, & quel genre different de beauté elle contient.

Corneille avoue qu'il a crû devoir s'écarter entierement de l'Oedipe Grec & Latin,»*parce qu'il a reconnu dit-il, que ce * Examen qui avoit paffé pour merveilleux dans le fiécle de Sophocle d'Oedipe.

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» & de Seneque, (il auroit fallu excepter ce dernier,) pour

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"

» roit fembler horrible au nôtre; que cette éloquente & fe-
rieuse description de la maniere dont ce malheureux Prin-
ce (Oedipe) fe creve les yeux, ce qui occupe tout le cin-
quiéme Acte, feroit foulever la délicatelle de nos dames,
» dont le dégoût attire aifêment celui du refte de l'auditoire;
» & qu'enfin l'amour n'aïant point de partà cette Tragedie,
» elle étoit dénuée des principaux agrémens qui font en pof-
feffion de
gagner la voix publique. « La mauvaise humeur
que caufoit au grand Corneille l'efpece de néceffité où le jet-
toit le goût dominant de Paris, l'a fait fans doute parler ainsi ̧
& s'applaudir d'avoir renverfé le plus beau fujet de l'anti-
quité Tragique, pour y faire entrer l'amour comme le ref
fort principal.

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ACTE PREMIER.

Thesée Roy d'Athénes, épris des charmes de Dircé filiè de Jocafte & de Laïus, fait avec elle la premiere Scene. Ce n'eft qu'un étalage de fentimens d'amour en beaux vers. Dirce fouffre de voir fon amant expofé à la malignité de la

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