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ANTISTR, I.

STROPHE II.

ANTISTR.II

que

Découvrés-leur le défordre qui y regne. Dites-leur deux Princeffes, unies par les liens les plus étroits du fang, font divifées par la plus cruelle difcorde, & ne peuvent plus vivre ensemble. J'excufe toutefois Electre. Seule, & privée de tout appui, elle fe voit noïée dans la douleur, comme dans les flots de la mer. Semblable à la plaintive Philomele, elle ne ceffe de pleurer fon pere. La mort même n'a rien qui l'effraïe, refoluë d'affronter le trépas, elle ne fonge qu'à perdre deux horribles Furies. Eft-il en effet un cœur bien fitué qui puiffe fupporter de pareilles difgraces?

Non, un cœur généreux dans le fein de l'adverfité, ne peut voir fa gloire fe changer en infâmie. O Princeffe, ô ma fille, il faut en convenir, accablée jufqu'à prefent fous le poids d'une vie infupportable, & maintenant armée contre le crime pour vous mettre à couvert du deshonneur, vous mérités le double éloge de fille fage & généreuse.

Puiffiés - vous furvivre au coup que vous médités ! puiffions-nous vous voir furpaffer autant vos ennemis en force & en pouvoir, que vous en êtes aujourd'hui opprimée ! ce prix eft dû à votre pieté conftante envers les Dieux, malgré l'injufte & cruelle destinée que vous éprouvés..

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Dites-moi, je vous prie, ne ferions-nous point dans l'erreur ? fommes-nous en effet arrivés au lieu que nous cherchons ?

LE CHOEUR.

Que fouhaités-vous ?

ORESTE.

Je cherche depuis long-tems le Palais d'Egisthe.

LE CHOEUR.

Le Palais d'Egifthe: le voici, l'on ne vous a pas trompés. ORESTE.

Qui de vous veut bien fe charger de lui annoncer notre arrivée en ces lieux? elle ne peut qu'être agréable, & pour lui, & pour nous.

LE CHOEUR.

a Ce fera la Princeffe. Il faut que du Palais même.

ORESTE.

ce foit une perfonne

Allés donc, Madame, & dites que quelques perfonnes de la Phocide fouhaiteroient de voir Egifthe.

a Détour du Chœur, qui ne veut pas chagriner Electre en fe chargeant d'un meflage qui ne devoit pas lui être agréable. C'eft en même-tems une adreffe

du Poëte, qui par-là empêche Orefte d'entrer fi-tôt dans le Palais, & qui ménage ainfi cette belle reconnoiffance du frere & de la fecur.

ELECTRE.

Ah, malheureufe que je fuis! De quoi me chargés-vous? ne feriés-vous point envoïés pour confirmer la trifte nouvelle que nous avons reçûë ?

ORESTE..

J'ignore la nouvelle dont vous parlés: mais a Strophius m'a chargé d'en porter fur ce qui touche Orefte.

ELECTRE.

Sur Orefte? & quoi, ô étranger? Dieux, de quelle fraïeur je me fens faifie!

ORESTE.

Nous apportons dans cette Urne, que vous voïés, les triftes reftes de ce Prince mort.

ELECTR E.

Ah, infortunée, je ne fuis que trop affurée de mon mal

heur.

ORESTE.

Si vous vous intereffés à la destinée d'Orefte, apprenés que fon corps eft renfermé dans ce monument.

ELECTRE.

Donnés, cher étranger, donnés-moi cette Urne, au nom des Dieux, puifqu'il y eft renfermé : laiffés-moi l'embrasser & pleurer fur fa cendre mes infortunes, & celles de toute ma maison.

ORESTE à quelqu'un de fa fuite.

Approchés. Donnés-lui cette Urne. Ce n'eft pas par un efprit de haine qu'elle la demande. Il faut quelle foit unie de fang ou d'amitié à Oreste.

Roy de Criffa & Pere de Pylade, chés qui Orefte étoit demeuré caché après avoir été sauvé par Electre.

ELECTRE.

Déplorable monument de la perfonne du monde que j'ai mai le plus, reftes infortunés de mon frere, ô combien les efperances dont je m'étois flattée, quand je vous envoïai hors de ce Palais, font differentes des fentimens que j'éprouve en vous recevant aujourd'hui ! Je vous envoïai, cher Prince, plein de gloire & de vie, & je ne reçois entre mes bras que votre Ombre & vos cendres. Helas! puifque vous deviés m'être ravi, que ne le fûtes-vous, avant que je vous fiffe paffer dans une terre étrangere, après vous avoir fouftrait de mes mains au glaive qui vous menaçoit du moins, fi la mort vous eût enlevé alors, vous auriés trouvé place dans le tombeau de votre pere. Mais, helas, loin de ce Palais, féparé de votre fœur, & relegué dans une terre écartée, vous avés été la proie d'une mort cruelle, fans qu'une main cherie ait pû vous rendre les honneurs du tombeau. Car malheureuse que je fuis, je n'ay pas même eû le trifte avantage de laver moi-même votre cadavre, ni de porter fur le bucher ce précieux fardeau : des mains étrangères vous ont rendu ce dernier fervice, & vous ne revenés dans les miennes que comme un poids leger renfermé dans le contour d'une urne. Frivole & funefte fuccès des foins que je pris d'élever votre enfance foins fi doux pour moi, qu'êtes-vous devenus! car enfin, vous le fçavés, cher Prince, vous ne fûtes pas plus cheri d'une mere; vous dormiés dans mon fein. Je vous tenois lieu de mere en effet; & quoique je ne fuffe que votre fœur, vous me donniés un plus tendre nom. Tout cela eft mort avec vous dans le jour fatal qui vous a vû périr. Semblable à un orage affreux, la mort m'a tout ravi en vous enlevant. J'ay perdu mon pere, vous n'êtes plus, & je meurs avec vous. Cependant nos ennemis triomphent: notre mere, ou plûtôt notre marâtre, fe livre aux transports d'une folle joie. Vous deviés l'en punir un jour : ainfi me le faifiés-vous efperer dans vos lettres fecrettes : mais le Génie contraire, qui préfidoit à vos jours & aux miens, a bien fçu renverfer nos projets, en ne me rendant, au lieu de vous, qu'une Ombre vaine, & qu'unc inutile pouffiére. Helas, helas: dépouilles

trop malheureuses, malheureuse moi-même! helas, ô mon cher Orefte ô voïage fatal ! c'est lui qui m'a perduë. Il m'a perduë, vous-dis-je; pour toujours. O le plus cheri des mortels, recevés-moi dans le fein de cette urne: uniffés une fœur morte à un frere mort. Que deformais renduë à vous fur les fombres bords, rien ne puiffe m'en féparer. Tant que vous avés vécu j'ay partagé votre destinée avec vous; fouffrés que je partage auffi votre tombeau. La mort eft l'objet de mes defirs, & je ne vois pas à l'afpect de cette urne que les morts foient fenfibles & malheureux.

LE CHOEUR.

Songés, Electre, que vous avés reçû le jour d'un pere mortel. Orefte l'étoit de même. Moderés donc vos regrets; puifque la mort eft inévitable pour tous les mortels.

ORESTE émů.

O Ciel que vais-je lui dire ? parlerai-je fans déguisement, & par où commencer ? non je ne puis plus retenir mes tranfports.

ELECTRE.

Quel tranfport de douleur vous faifit? que dites-vous ?

ORESTE.

Est-ce donc Electre que je vois ? eft-ce-là cette beauté...

ELECTRE.

C'est elle-même, helas: mais dans quel état la voïés-vous !

ORESTE.

O Ciel : quel accablement de mifere

ELECTRE.

D'où viennent, ô étranger, ces foupirs en ma faveur ?

ORESTE,

O beauté trop indignement fletrie par d'affreux traite

mens!

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