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propices. Car il n'eft point de raifons qu'il n'allegue pour la perfuader. » Chéres amies, répond-t'elle, les Dieux font devenus infenfibles aux maux d'Electre, & fourds aux cris » du fang d'Agamemnon : tout concourt à m'accabler, le pere mort que je pleure, & le frere qui me refte encore. » Malheureux Prince, il erre dans des climats étrangers, où le terme de fes erreurs cft l'esclavage, tandis que chaf» fée de la maison paternelle, & condamnée à vivre dans une » cabane fur ces triftes rochers, je féche de douleur à la vûë d'une mere qui jouit tranquillement du fruit de fon crime » dans le lit de l'époux qu'elle a maffacré, "

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23

ACTE I I.

Orefte & Pylade, qui ont tout entendu, fe levent tout à coup de l'endroit où ils s'étoient cachés, & la Princeffe effraïée à la vûë de deux étrangers en armes veut prendre la fuite. Mais Orefte l'arrête malgré fes cris, en lui proteftant qu'il eft bien éloigné de lui vouloir nuire. » Pourquoi donc »ces armes, dit-elle, & cette affectation à vous tenir en embufcade proche de ma maison. « Electre eft justement étonnée de voir des gens armés, parce que les Grecs portoient rarement des armes, ainfi que nous l'avons obfervé. Le Prince pour raffurer fa fœur d'un feul mot, lui répond qu'il est un étranger qui vient lui apporter des avis certains de fon frere. "Ah, Dieux, s'écrie-t'elle, vit-il, ou ne vit-il plus ? il vit, dit Orefte, goûtés la douceur de cette heureuse nouvelle. « Si l'on veut bien fe rappeller le tour que Sophocle donne à cette entrevûë du frere & de la fœur, on conviendra qu'Euripide n'a pas été à beaucoup près fi heureux dans cette Scene. Elle est toutefois attachante. Car Orefte fe donnant toujours pour un étranger, fait raconter à fa fœur, fes aventures & la fuite de fon exil. Elle lui dit qu'elle eft mariée à un époux dont la fortune eft fort au deffous du rang de Princeffe, mais dont la générofité l'égale; que ce vertueux ami l'a traitée en fœur, par égard pour la race Roïale, & pour ne pas être le miniftre de l'inhumaine politique d'Egifthe; que le Tyran abufé par le volte fpécieux d'un mariage qu'il croit réel, jouit

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du plaifir de la voir réduite à cet humiliant état pour la rendre méprifable, & pour n'avoir rien à craindre de fa pofterité; qu'enfin les amies qu'elle s'eft faites (elle parle du Choeur) font de véritables confidentes, fidelles à Agamemnon, & ennemies de l'ufurpateur, auffi-bien que fon mari; mais que le seul Oreste eft capable de renverser la Ty-rannie.

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» Vous fentés-vous affés de courage, reprend Orefte, pour l'aider à égorger votre mere: Affes,répond-t'elle,pour » l'immoler de ce même fer dont elle immola fon époux. Puis-je affurer Orefte, dit l'un, que vous êtes inébranlable dans cette réfolution? Puiffai-je mourir dit l'autre, après avoir donné la mort à cette barbare mere. « Cela eft atroce, Pref. d'Elec. comme le remarque très-bien M. Dacier; & fans doute Electre eft plus fupportable chés Sophocle. Au furplus Euripide fe fert d'un artifice pour fufpendre la reconnoiffance du frere & de la fœur, en faifant dire à l'Electre qu'elle ne pourroit le reconnoître, fi elle le voïoit, fans le fecours du vieillard qui l'a dérobé à la mort. Ainfi la reconnoissance ne se fait pas au fecond Acte, (comme le dit M. Dacier;) mais feule-ment au troifiéme, comme on le verra. Car icy Oreste, pour garder le rôle d'étranger qu'il a pris, demande à fa fœur ce qu'il doit rapporter de fa part à un frere fi chérement aimé. Racontés-lui mes maux & les fiens, dit-elle. On en a vû le détail qu'elle répéte d'une maniere encore plus animée. Car elle répand les plus vives couleurs fur la trifte fituation où l'a mife le Tyran, fur fes vêtemens ruftiques, fur fes mains endurcies au travail, & occupées à fubvenir à fes befoins, fur fon deuil perpetuel qui l'écarte des affemblées, des fêtes, des facrifices, & qui la condamne à une obfcure folitude. D'un autre côté elle décrit par oppofition » la félicité criminelle,mais paisible de Clytemneftre affife fur le » Throne dans le fein de la magnificence Phrygienne, au » milieu de ses fidelles étrangeres efclaves d'Agamemnon, » dans tout l'éclat d'une Cour brillante & fiere, tandis que »le fang du Roy mort féche fans vengeance fur les murs » du Palais, qui qui en font rougis. Enfin elle représente Egifthe trainé fierement fur le même char dont fe fervoit

رو.

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Agamemnon

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Agamemnon avec tant de dignité, & tenant le Sceptre de

» la même main qu'il trempa dans le fang de ce grand Roi, dont il infulte même les manes & le tombeau.

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Sur ces entrefaites le Chœur apperçoit le mari d'Electre qui revient des champs, & qui paroît d'abord furpris de cette converfation familiere de la Princeffe avec deux hommes. Electre en apporte auffi-tôt la raison pour lever ce fcrupule, né de la délicate bienfeance des Anciens. Le laboureur apprenant qu'Orefte vit encore, en témoigne fa joie. Il veut même donner l'hofpitalité aux voïageurs. Il les prie d'entrer dans fa cabane, preft à les recevoir le moins mal que fa pauvreté pourra le permettre. Il voudroit qu'on les y eût déja reçûs. Il marque fa peine & fon chagrin qu'on n'y ait pas fongé d'abord. Il ordonne à fes domeftiques de prendre les malles des voïageurs, en les priant eux-mêmes de ne pas dédaigner fes offres. C'est Philemon qui reçoit des Dieux fous fon humble toict.

Orefte également furpris, & charmé de trouver dans un homme indigent, & vil en apparence, des fentimens qu'on cherche fouvent en vain dans un rang plus élevé, fait une belle morale, quoiqu'un peu longue, fur la bifarrerie de la fortune, qui cache fi fouvent des cœurs lâches dans les Princes, & des fentimens héroïques dans les cœurs des hommes du commun. Mais Electre, confufe de recevoir d'illuftres étrangers dans une chaumine où elle manque de tout, envoïe fon marichés le vieux Gouverneur qui a fauvé Oreste, afin de l'engager à regaler les deux Grecs d'une maniére moins indigne d'eux. Le laboureur y confent, parce que fon épouse le veut ainfi ; mais il ajoute, que fa pauvreté même pourroit fuffire à bien traiter fes hôtes, au moins pour un jour. C'eft qu'il compte pour une richeffe ce que Philemon donna à fes hôtes, Jupiter & Mercure, un vifage ouvert, & un cœur généreux,

Super omnia vultus

Acceffere boni, nec iners pauperque voluntas. Toutefois il confidere, en s'en allant, »un grand avantage dans les richeffes & dans la profperité, c'eft de nous

Tome I.

Ee

Ovid. Meta. 1. 8. v. 631.

Hor. fat. I. 1.1. v. 48.

رو

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» mettre en état d'obliger des amis, ou de fubvenir à des
befoins extraordinaires. Car pour les befoins communs il
>> croit l'abondance peu néceffaire, fuivant la maxime,
qu'Horace a depuis traduite ainfi en parlant à unr iche..
Non tuus hic capiet venter plufquam meus.

L'eftomac du riche n'eft pas plus grand que celui du pauvre.
Ces maximes d'un homme fatisfait dans l'indigence, & qui
n'envie aux grands que la douce fatisfaction de pouvoir faire
des heureux, achevent le portrait intereffant d'un homme

vertueux.

L'intermede du Choeur femble un peu détaché du fujet. C'est pour le moins un écart Pindarique. Car on y apoftrophe les mille vaiffeaux qui voguérent à Troye, on y releve la gloire d'Achille, on y parle de fon bouclier comme Homere, on décrit les principales figures que l'art de Vulcain y traça. On repréfente Achille fur un char rapide, environné d'un nuage de pouffiere, & portant la Terreur dans les rangs des Troïens. L'on finit enfin par des mouvemens d'indignation contre Clytemneftre, qui a été affés dénaturée pour faire mourir le chef de pareils héros, & le Roy de tant de Rois ; & l'on prédit la vengeance d'un fi horrible attentat. Car voilà où l'on en vouloit venir, comme fait Pindare dans fes Odes.

ACTE FIK

Le bon vieillard qui a élevé Agamemnon & fes enfans ar rive courbé fous le poids des années, & frappe à la porte d'Electre, non fans gémir fur la pauvreté de la cabane, qui tient lieu de palais à une Princeffe. Dès qu'elle paroît il l'aborde civilement, en lui préfentant un agneau, ( il l'a choifi fur tout fon troupeau) des fleurs pour joncher la table, des fromages, & un Outre de vin exquis, en un mot un répas champêtre pour les nouveaux hôtes. Il fait porter tout cela dans la chaumine; puis il effuïe fes larmes : car la vûë d'une Princesse auffi malheureuse qu'Electre, & la comparaifon de l'état où il la trouve, avec celui où il l'avoit vûë autrefois, lui reveillent une idée chére qui l'attendrit. Il parle & agit

Comme les peres nourriciers des Princes Grecs, & avec toute la naïveté du bon vieux tems.

Après ce premier abord il ajoute qu'il vient de paffer par le tombeau d'Agamemnon, pour lui réiterer un leger hommage de fes pleurs, & d'une libation de vin: mais qu'il a trouvé un grand fujet d'étonnement, des boucles de cheveux, une brebis noire dont le fang étoit fraîchement répandu, & tous les veftiges d'un facrifice récent. On a vû cydeffus cette Scene traduite. C'eft une malice d'Euripide, pour tourner la reconnoiffance d'Eschyle en ridicule. Electre réfute toutes les raifons du vieillard', qui veut que ce foit Orefte qui eft venu honorer les manes de fon pere. Cette Scene indépendamment du fel de la fatyre qui eft déplacé, ne laiffe pas de fuivre agréablement le fil de la piéce, & d'aider à la fufpenfion qu'Euripide a voulu ménager.

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Après cet entretien, Orefte fort & fe montre au vieillard. Tandis qu'il demande à Electre quel eft cet homme, le vieux Gouverneur l'envisage en filence avec une furprise extraordinaire ; & il le dévore des yeux. » Invoqués les Dieux, ô Electre, s'écrie-t'il auffi-tôt, & jettés un regard fur vôtre hôte. C'est Orefte. « On ne peut le croire. Il infifte; & il en apporte enfin une preuve indubitable. C'est la cicatrice d'une bleffure, que le Prince étant enfant avoit reçûë au front en poursuivant un faon de biche avec fa fœur. C'eft la reconnoiffance d'Ulyffe dans Homere.

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Electre convaincuë par cette marque, & par l'authorité du vieillard,embraffe à l'inftant fon frere. Les premiers tranfports de cette reconnoiffance font bien touchés. Mais elle eft moins vive & moins animée que celle d'Efchyle, qu'Euripide a voulu railler. Pour Sophocle il l'emporte fur tous les deux, en fuppofant Orefte crû mort, qui revit tout à coup pour faire paffer Electre de l'abîme de la douleur au comble de la joie.

Euripide donne au Chœur des fentimens très vifs fur le retour d'Orefte: mais ce Prince, fans trop s'arrêter à de frivoles démonstrations de tendresse, commence par interroger le vieillard fur la maniere de venger Agamemnon.»Nous →eft-il resté encore quelques amis, dit-il; ou fommes-nous

Ody fféci

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