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PHILOCTETE.

Cher ami, peu de chofe fuffit à mes befoins.

NEOPTOLEME.

J'ay dans mon vaiffeau tout ce que vous pouvés fouhaiter. PHILOCTETE.

Laiffés moi prendre quelques plantes dont les feuilles appaisent mes douleurs.

NEOPTOLEME.

Emportés-les. Avés-vous quelqu'autre chofe à tranfporter? PHILOCTETE, en s'avançant vers fa Caverne.

Cet arc & ces fléches font toute ma richeffe. Je garde précieufement ce Thréfor. S'il m'en échappe quelque chofe, prenés garde qu'on ne me l'ôte.

NEOPTOLEME.

Ces armes célebres font donc à vous ?

PHILOCTETE.

Ce font celles dont je me fers.

NEOPTOLEME.

Me feroit-il permis de les voir de plus près, de les toucher, & de baifer avec refpect ce monument facré.

PHILOCTETE.

Vous en êtes le maître. Cet arc & tout ce que j'ay eft en votre difpofition.

NEOPTOLEME.

Jevous ay dit librement mon fouhait. Mais n'y aïés d'égard qu'autant que vous le croirés jufte. Je ferois fcrupule de prophaner ces armes confacrées par Alcide.

Tome I.

LI

STROPHE 1.

ANTISTR. I.

PHILOCTETE.

Mon fils, ta retenue & ta pieté me charment. Tu peux tout. C'est toi qui me rends aujourd'hui la lumiere, ma patrie, mon pere accablé de vieilleffe, mes amis, moi-même. C'est toi qui me délivres de la pourfuite de mes ennemis. Viens, tu pourras toucher ces armes, & te vanter d'être le feul d'entre les Grecs qui art mérité de les toucher. Ce préfent eft le prix de mes fervices; & la faveur que je t'accorde fera la recompenfe de ton bienfait. On doit faire du bien à ceux dont on en reçoit, & la reconnoiffance eft le plus précieux des Thréfors.

NEOPTOLEME.

Entrés dans votre grotte.

PHILOCTETE.

Entrés y avec moi. Auffi-bien la violence de mon mal m'oblige à ne pouvoir me paffer de votre fecours.

SCENE I V.

LE CHOEUR feul.

Ixion furpris par le pere des Dieux, tourne éternellement autour de la rouë où fon forfait l'a attaché. Il avoit attenté au lit même de Jupiter. Horfimis ce coupable malheureux, estil'un mortel qui éprouve un fort plus trifte que Philoctete innocent? car, helas, quel crime a-t'il commis ? ami de la vertu & des hommes vertueux, il périt toutefois indignement. Mais comment, agité de tant d'orages, a-t'il pû furvivre à. fes malheurs.!

Expofé aux injures de l'air, privé de l'ufage des pieds, fans amis, fans focieté (même importune) & toutefois confolante pour qui peut faire entendre fes plaintes,il n'a eu pour dépofitaire de fes brûlans foupirs & de fes profonds gémiffemens, que d'infenfibles rochers. Perfonne qui enveloppe

fa bleffure: perfonne qui lui cherche des plantes. Quand la violence de la douleur s'appaife, il fe traîne pour fe procurer les chofes néceffaires, semblable à un enfant qui fe roule s'il n'eft foutenu par les bras d'une mere.

STROPHE II La terre ne lui donne aucun des biens qu'elle accorde au travail des autres hommes. Il ne connoît plus leurs alimens, fi ce n'eft quand fes traits perçent par hazard quelque oifeau. L'infortuné Philoctete ignore depuis dix années la douce liqueur que verfe Bacchus; heureux encore de voir dans le creux de quelque pierre un peu d'eau tombée du Ciel,& qu'il ne lui en coute qu'un voïage pénible pour étancher fa foif.

ANTISTR.II

4 Ses maux vont prendre fin. Les Dieux lui font trouver dans le fils d'Achille un ami généreux qui lui offre fon vaiffeau. Philoctete reverra fa patrie après un fi long intervalle. Il reverra les danfes des Nymphes de Melie, les plaines qu'arrose le fleuve Sperchius, & le mont Octa, où Alcide, environné de flammes, s'éleva dans le fein du brillant Olympe.

a Les Grecs qui font le Chœur étant foumis à Neoptoleme, prennent toutes fes impreffions, & parlent comme lui. Il n'y a pas toutefois d'apparence qu'ils croïent que leur chef parle fincerement, quand il promet à Philoctete de le reme

ner en fa patrie. Ils feignent de le croire, dans la crainte de trahir le fecret s'ils étoient entendus, comme ils peuvent l'être, puifque la Grotte de Philoctete eft peu éloignée.

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NEOPTOLEME en fortant de la Grotte.

Suivés-moi, Philoctete... Mais d'où vient ce morne filence, & cet étonnement fubit dont vos fens paroifsent frappés ?

PHILOCTETE entrecoupant fes paroles de cris douloureux.

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Eft-ce un renouvellement de douleur qui vous faifit ? ne vous faites point de violence pour me le cacher.

PHILOCTETE.

Non. Je fens au contraire que mon mal s'adoucit. (Apart.) Jufte Ciel !

NEOPTOLEME.

Ah, Philoctete, vous gémiffés. Vous implorés les Dieux.

a Cet Acte eft fort court. Mais les Anciens ne s'embarraffoient pas de faire les Actes égaux. Les deux Scenes qui le compofent ont plus de jeu de Théatre & d'action que de mots. Les Grecs donnoient beaucoup au fpectacle & à la reprefentation. L'accès imprevû qui faifit Philoctete eft un obftacle qui recule la conclufion, & d'ailleurs la Scene eft ter

minée par un Intermede du Chœur, tandis que Philoctete repose: en voilà affés pour juger que c'eft un Acte complet, fuivant l'idée des Grecs. Au reste rien n'eft plus heureusement imaginé que cet obftacle qui détruit le ftratagême d'Ulyffe, dont le fuccès faifoit croire que tout étoit terminé.

PHILOCTETE.

C'est pour nous les rendre favorables dans notre fuite... ah! ah!

NEOPTOLEME.

Vous avés beau me déguifer votre mal. Vos foupirs vous trahiffent. Vous fouffrés, avoués-le.

PHILOCTETE.

Ah, mon fils, je fuis perdu. J'avoue malgré moi que je ne puis plus foutenir l'excès de ma douleur. Le poifon du ferpent fe gliffe dans mes veines; un feu fecret me confume. Ah Ciel ah! quel tourment? au nom des Dieux, fitu as un glaive, coupe moi le pied. Hâte-toi; n'épargne point ma vie. Frappe.

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