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minent bientôt a ma carriére, & demandés pour vous des jours moins infortunés que les miens.

CREON.

C'est trop nourrir vos douleurs. Retirés-vous, Seigneur, dans le Palais.

!

OEDIPE.

Dans ce Palais où j'ay . . .j'y confens puifque vous ke youlés; mais j'obéis contre mon gré.

CREON.

Il le faut. Vous avés trop déploré vos malheurs. Chaque chofe a fon tems.

OE DIPE.

Sçavés-vous, Prince, ce qui m'occupe prefentement à

Quoy?

CREON.

OEDIPE.

Le defir de fortir promptement de cette terre fatale.

CREON.

C'eft aux Dieux de prononcer.

OE DIPE.

Aux Dieux ! & ne fuis-je pas pour eux un objet d'exe

tration?

CREON.

Hé-bien, Seigneur, vous obtiendrés d'eux ce que vous demandés..

Mr Dacier a très bien fubftituées qui n'en fait pas un raifon ye qui fait un beau fensànable,

OEDIPE.

Me l'affurés-vous ?

CREON.

Mes paroles font toujours conformes à mes penfées.

OEDIPE.

Il fuffit. Faites-moy donc conduire hors de ces lieux.

CREON.

Allons, Seigneur, mais quittés ces enfans.

OEDIPE.

Non, je ne puis m'en féparer. Ah ne me les arrachés pas

tous.

CREON.

Seigneur, a ne vous obftinés point à les retenir. Vous fçavés ce que vous ont coûté vos b trop ardens defirs.

LE CHOEUR.

Vous voyés ce Roy, ô Thebains, cet Oedipe dont la penetration développoit les énigmes du Sphinx, cet Oedipe dont la puissance égaloit la fageffe, & dont la grandeur n'étoit point établie fur la faveur ou les richeffes; vous voyés en quel précipice de maux il est tombé, apprenés,aveugles mortels, à tourner les yeux fur le dernier jour de la vie des humains, & c à n'appeller heureux que ceux qui font arrivés fans infortune à ce terme fatal.

Creon, (dit excellemment Mr Dacier) apprehende avec raifon qu'en l'état où il eft, un moment de defefpoir ne Le porte à ajouter le meurtre de fes en

fans à fes autres crimes.

b Les defirs opiniâtres de fe connoître, c C'est le mot de Solon, qu'Oedipe tourné ainfi.

Sed fcilicet ultima femper
Expectanda Dies homini eft, dicique beatus
Ante obitum nemo fupremaque funera debet,

d

****

REFLEXIONS

SUR L'OE DIP E.

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'OE DIPE de Sophocle a été regardé dans tous les tems, jufqu'à nos jours, comme le chef-d'œuvre du Tragique ancien, de même que le Laocoon, le Laocoon, & la Venus de Medicis en genre de fculpture, où Homere en fait de poëme Epique. Cette eftime univerfelle, immemoriale & non interrompuë, eft justifiée par les imitateurs & par les critiques: mêmes de cet ouvrage. S'avife-t'on d'imiter ou de critiquer ce qu'on n'eftime pas ? il mérite donc bien que nous recher-chions les caufes les plus fecrettes de cet applaudiffement ge-neral, fans déguifer toutefois ce que la critique peut y trou-ver de défectueux, & en comparant le modele avec les copies qu'en ont faites ceux qui ne vivent plus, defquels feuls il eft permis de parler. Voilà les trois objets de ces reflexions.

Pour pénétrer les raifons du plaifir qu'a toujours caufé cette piece, il n'eft pas néceffaire d'entrer fort avant dans les profondeurs des recherches d'Ariftote, ni d'éxaminer si elle eft fimple & implexe, & en quel fens; comment elle n'a qu'une feule Catastrophe; & comment elle unit la reconnoiffance avec la peripetie. Parlons françois à des François, & fuivons les idées & les fentimens que la nature nous infpire, fans: nous aftreindre à des expreffions étrangeres. On voit d'abord que rien n'eft plus regulier que l'Oedipe : que l'unité de lieu y eft exacte & naturelle : que l'unité d'action ne l'eft pas moins : & que l'unité de tems y eft fi fcrupuleufement gardée, qu'il n'a pas fallu plus de tems pour exécuter la chofe, que pour la reprefenter. Il feroit encore inutile de faire obferver à des lecteurs éclairés le fil inimitable qui lie les Scenes les unes aux autres, & les moindres morceaux entr'eux avec

tant d'artifice, que fi quelque chofe en étoit détaché, tout s'écrouleroit comme un édifice vouté,dont les pierres s'entre foutiennent mutuellement. Venons à quelque chofe de plus important. Car quelqu'importantes que foient les qualités dont nous venons de parler, & qui fe rencontrent si rarement dans les pieces de Théatre, il faut avouer qu'elles ne font pas les feules qui conftituent une bonne Tragedie, & que même une Tragedie peut avoir tout cela fans être tout à fait bonne. Un édifice en effet peut être d'une extrême regularité, & d'une batiffe très liée, fans avoir ni une fituation avantageuse, niun afpect agréable, ni un air majestueux, ni de riches ameublemens, ni l'affortiment de ce qui pourroit contribuer à le rendre parfait. Autre chofe eft l'art, autre chofe les fineffes de l'art. M. d'Aubignac fit, dit-on, une Tragedie dans les regles qui ne valoit rien: c'eft qu'il n'avoit pris que la marche du jeu fans en faifir l'efprit.

Le fujet d'Oedipe eft un des plus heureux qui ait jamais été imaginé. On en convient même aujourd'hui. Quoi de plus grand & de plus intereffant que le falut d'un Royaume entier qui dépend de la revelation d'un fecret, & de la punition d'un crime dont l'auteur fe trouve à la fin être un grand Roy qui travailloit à découvrir l'un & à punir l'autre? quoi de plus capable de piquer la curiofité que la recherche de ce fecret & de ce crime? quoi enfin de plus frappant que la découverte de l'un & de l'autre, par les moïens même dont on ne devoit attendre qu'une plus grande obscurité ? entrons dans le détail, & fuivons le plan.

L'ouverture eft fi furprenante, qu'il eft également impoffible de n'en pas fentir la beauté, & de l'exprimer. C'eft un de ces magnifiques tableaux dignes du pinceau de Raphaël. Cette place qui laiffe voir plufieurs rues dans le lointain, ce Palais & ce Veftibule qui forment l'arriere-fonds du tableau, cet Autel qui fume d'encens, ce bon Roy qui vient au devant d'une troupe d'enfans, de jeunes hommes, & de Sacrificateurs, qui tous avec des branches en main tachent d'émouvoir fa pitié, ces corps morts difperfés çà & là dans l'éloignement,

P'éloignement, ces Temples, ces ftatues des Dieux, & ces groupes de peuple qui les environnent; voilà un spectacle parlant, & un tableau fi bien ordonné, que la feule attitude du Sacrificateur & d'Oedipe déclareroit fans autres paroles, que l'un expofe les maux dont la ville eft affligée, & que l'autre attendri à cette vûë témoigne fon impatience du retardement de Creon, qu'il a envoïé confulter l'Oracle. Creon pouvoit-il furvenir plus à propos? il eft attendu: on compte les momens : le falut de l'Etat dépend de fa réponse: il paroît. On le preffe de parler; il veut qu'on fe raffure. Mais l'ambiguité de l'Oracle diminue un peu la joie. Cependant Oedipe part refolu de le fatisfaire, s'il eft poffible, & de chercher Ï'auteur du meurtre de Laïus. Cette Scene eft le commencement de l'intrigue. C'est l'entrée du labyrinthe Théatral où Oedipe va fe perdre pour fe retrouver le plus malheureux de tous les hommes. L'invocation du Chœur, qui finit l'Acte, devroit fans doute nous reconcilier avec les Cheeurs; du moins acheve-t'elle de faire voir que Sophocle a étalé dans ce premier tableau toutes les richeffes d'une ordonnance achevée, & toute la vivacité du plus beau coloris.

Autre ordonnance dans l'Acte fuivant. Elle eft une fuite de la premiere. Oedipe reparoit non-plus en Roy fimplement compatiffant, mais en Roy agiffant, en legiflateur, qui pour commencer d'obéir à l'Oracle oblige tous fes fujets raffemblés, à lancer avec lui fur le coupable inconnu les plus horribles malédictions. Quel retour, quand le dénoument découvrira que c'eft lui-même qui a prononcé fa fentence! on confulte, on délibere, on examine les moindres lueurs. Tirefias vient, non fans avoir été appellé ; car Oecipe a fongé à tout. Il femble que la piece eft fur le point de finir, & que le Devin va tout déclarer. Il le fait effectivement. Mais quelle apparence qu'il foit crû d'Oedipe, du peuple, & des fpectateurs Oedipe paffe pour fils de Polybe, & non de Laius. De-là cette belle conteftation entre le Roy & le Devin. Le caractere fier, curieux, & emporté d'Oedipe s'y fait connoitre. Les paroles de Tirefias fondent une affaire d'Etat. Tome I.

M

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