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atteignit les hommes et les enfants, plutôt que les vieillards et les femmes, frappant de préférence la force et l'espoir des générations 1.

A ces fréquentes épidémies venait se joindre l'épidémie du crime. Le quatorzième siècle, cette ère nationale de la France, comme on l'appelle, fut celui des accusations d'empoisonnement, d'adultères, de faux, de sorcellerie, -de sorcellerie surtout, en même temps que celui des supplices atroces, obscènes, lesquels, étant eux-mêmes des crimes, punissaient les crimes et les provoquaient. Plus on brûlait, plus il en venait 2.

Ce temps était comme le règne du diable 2.

Le quinzième siècle ne fut pas moins fertile en crimes et en misères. Les Armagnacs et les Bourguignons, les bouchers de Paris et les cabochiens, Jeanne d'Arc et le bûcher de Rouen, la praguerie et les écorcheurs, etc., etc., sont autant de jalons qui marquent les divers degrés de souffrance par lesquels la France a passé pendant cette triste période de son histoire.

Toutes ces misères, dont nous venons d'esquisser le tableau, ont imprimé au moyen âge un caractère particulier de tristesse poignante et profonde, - tristesse telle que l'impression en est arrivée jusqu'à nous, à travers six siècles; telle, qu'il est encore impossible de prononcer le nom du moyen âge sans réveiller des sentiments de terreur et de mélancolie, ce dont on ne peut trouver l'explication que dans les calamités sans pareilles que les dominations de cette époque firent peser sur le monde.

1 Ibid., p. 425, 428, 435. • Ibid., p. 209 et 210.

CHAPITRE II.

Remèdes au mal.

Abolition de l'esclavage.

Affranchissement des communes. —

Organisation du travail. Institutions répressives. Institutions de bienfaisance. Monastères. - Croisades.

-

Résultats obtenus.

A tant de maux, le moyen âge chercha-t-il, trouva-t-il quelques tempéraments, quelques adoucissements, quelques remèdes? Il en essaya plusieurs qui, s'ils n'atteignirent pas le but, en indiquèrent du moins la voie. Étudions-les dans leur origine, dans leurs développements, dans leurs effets.

§ I.

Abolition de l'Esclavage.

Mission sociale du clergé. sements graduels.

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droit. Id. en fait. de ces deux états.

Charité tempérée par la prudence.

Affranchis

Serfs de corps, serfs de la glèbe. — Leur condition en

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- Ordonnances célèbres de Philippe le Bel et de Louis le Hutin. Les serfs refusent la liberté qui leur est offerte. Pourquoi.

Lorsque les Francs s'établirent dans les Gaules, l'an 420, ce pays pouvait contenir de dix-sept à dixhuit millions d'hommes, sur lesquels cinq cent mille chefs de famille tout au plus étaient de condition à payer la capitation romaine 1. Cela veut dire que les deux tiers au moins des habitants étaient de condition servile; cela veut dire que les Francs prirent ces deux

1 Châteaubriand, Etudes historiques, t. III.

tiers comme esclaves d'origine, et asservirent l'autre tiers comme esclaves par droit du plus fort; c'était le droit des gens de ce temps-là; droit affreux! et qui pourtant marque le premier pas des barbares vers la civilisation; car l'homme entièrement sauvage tue et mange ses prisonniers ce n'est qu'en prenant une idée de l'ordre social qu'il leur laisse la vie, afin de les employer à ses travaux '.

Le christianisme déclara tous les hommes égaux. Dès lors, la grande mission sociale du clergé fut l'émancipation des classes esclaves. Mais, provoquer prématurément des affranchissements par masse, au sein d'une société si peu imbue encore des vertus du christianisme, c'eût été appeler sur cette société naissante un mal plus grand que l'esclavage même. Seul dispensateur de l'action civilisatrice, à cette époque, le clergé sut unir la charité à la prudence. Acceptant la part qui lui fut attribuée dans la grande licitation qui fut faite par la conquête des terres et des esclaves du monde romain, il se réserva d'améliorer graduellement le sort de ces hommes qui, sous la domination plus douce et enviée de l'Église, se considéraient comme appartenant à Jésus-Christ. Il s'étudia surtout à leur préparer une carrière d'utilité et de bien-être par le défrichement des forêts qui couvraient les plus belles contrées de l'Europe. Lorsque ces défrichements étaient opérés, les abbayes de moines remettaient aux esclaves agriculteurs une portion de terre suffisante pour les nourrir avec leur famille et payer une redevance annuelle. C'est ce qu'on appelait une manse.

Ibid., Voy. ci-dessus, t. I, p. 240.

ง Voy. ci-dessus, p. 144 et suiv.

Cette espèce de bail, fait du maître à l'esclave, se prolongeait plus ou moins selon l'activité et la probité du nouveau colon. Lorsque le colon avait ramassé un pécule suffisant, et si déjà il n'avait été affranchi complétement, il pouvait se racheter ainsi que sa famille. Il est facile d'apercevoir combien ce système tendait à constituer, au sein de cette classe jusqu'alors si infortunée, la famille, la propriété, l'intelligence, l'industrie, et, enfin, la liberté1.

L'émancipation commença par l'esclavage domestique. Déjà, sous les rois de la seconde race, on ne voyait plus de serfs de corps dans les maisons, il n'y avait plus que des serfs de la glèbe dans les campagnes.

Le caractère particulier des mœurs germaines dut contribuer plus que tout à l'abolition de la servitude domestique. Il paraît qu'une sorte d'orgueil, propre aux dominateurs du moyen âge, et qu'on n'aperçoit point chez ceux de l'antiquité, ne leur permettait pas de se laisser approcher par des hommes de condition servile, et qu'ils ne consentaient à avoir auprès d'eux que des personnes de leur condition. Accepter le service de quelqu'un, l'introduire dans sa maison, dans sa famille, ce n'était pas l'humilier, l'avilir, c'était lui donner une marque de considération et de confiance 2.

« L'effet de cette disposition, observe M. de Montlosier, fut de renvoyer peu à peu à la profession des métiers et à la culture des terres ces misérables que les Gaulois faisaient servir, ainsi que les Romains, dans l'intérieur des maisons. Les Francs, ajoute-t-il plus loin,

1 De Villeneuve Bargemont, Hist. de l'écon. polit., t. I, ch. VIII. Ch. Dunoyer, Liberté du travail, liv. IV, ch. V.

n'admirent, en s'établissant dans les Gaules, aucun esclave à leur service personnel. A mesure que les Gaulois ingénus devinrent Francs, et adoptèrent les mœurs franques, ils se défirent de même de leurs esclaves, et, à la fin, l'esclavage tomba et s'abolit. Il est constant, dit M. de Montlosier, que, vers le douzième et le treizième siècle, c'est-à-dire au temps où les mœurs franques ont été pleinement établies, on n'a plus vu d'esclaves en France. Il y avait des serfs de la glèbe, il y avait des artisans dans la condition de sujets et taillables à merci; mais la servitude domestique avait complétement disparu. Il est constant encore, poursuit M. de Montlosier, qu'à cette époque aucun gentilhomme, baron, châtelain ou vavasseur, n'a admis ce qu'on appelle un esclave à son service. Il est constant qu'il n'y a eu d'autres serviteurs parmi les nobles que des parents ou des amis, et que, pour approcher, en général, ces gentilshommes, il lui a fallu être gentilhomme comme lui. Le service personnel, le service qui faisait approcher habituellement de la personne du maître, qui mettait avec lui dans un commerce particulier, dans une familiarité intime, un tel service ne pouvait être confié qu'à ce qu'il y avait pour lui de plus noble et de plus cher. Ce fut, de la part d'une femme de qualité, une faveur de permettre à d'autres femmes de partager avec elle les soins domestiques; ce fut également une faveur, de la part d'un haut baron, de permettre à des enfants de ses parents et de ses amis de venir s'adjoindre aux enfants de la maison pour remplir, à leur place, ou conjointement avec ceux-ci, les fonctions dont ils étaient chargés; les seigneurs envoyaient ainsi réciproquement les uns chez les autres leurs enfants, pour soigner les chevaux, servir à table, remplir les offices

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