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§ II.

Affranchissement des Communes.

- Consulatum, Si

Origine et cause de cet affranchissement. Son caractère. gillum, Communitatem. · Noms divers que prennent les communes affranchies et leurs magistrats. La royauté s'unit aux bourgeois. Louis le Gros. Le clergé est-il favorable ou hostile à l'affranchissement des communes? Novum ac pessimum nomen. Avantages du self government pour les communes. Ses inconvénients. Qu'y gagne le peuple?

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Les villages devenus bourgs, les bourgs devenus villes, formaient, dans les premiers siècles de la France féodale, autant de communes, autant de communautés d'habitants dont les membres, vassaux d'un même seigneur, étaient unis entre eux par la solidarité des mêmes intérêts, par les liens du même joug.

Plusieurs de ces communes, il est vrai, avaient obtenu de leurs seigneurs diverses franchises, diverses immunités qui devaient rendre ce joug moins lourd; mais, toujours trop chèrement payées, et rachetées souvent par de nouvelles et plus poignantes douleurs, ces immunités, ces franchises, n'étaient presque jamais qu'un mot dépouillé de sa chose, et les communes auxquelles elles avaient été octroyées n'étaient, en définitive, ni plus libres, ni moins surchargées que celles qui avaient gardé leur joug primitif.

Toutefois, quelques communes avaient obtenu de leurs seigneurs, soit par convention', soit par insurrection armée2, le triple privilége sur lequel reposait toute

1 Voy. exemples de ces concessions, Granier de Cassagnac, Classes ouvrières, p. 144 et 147.

• Dans le onzième siècle, on vit se former les premières communautés qui se levèrent en armes pour se défendre contre les exactions de leurs seigneurs. Le Mans en donna le premier exemple connu,

en

commune affranchie : Consulatum, Sigillum et Communitatem, c'est-à-dire l'administration, la justice et le trésor public'. Mais le plus grand nombre restait soumis, sans garantie, à toutes les capricieuses et tyranniques sujétions du pouvoir féodal.

C'est pourquoi ce cri terrible: Affranchissement des communes! retentit, avec tant d'unanimité et tant d'énergie, à la porte des donjons féodaux, au commencement du douzième siècle.

Ce cri, repoussé vigoureusement par les seigneurs, fut vivement accueilli par la royauté, aussi intéressée que les communes à l'abaissement du pouvoir des ba

rons.

La royauté ne pouvait rien toute seule contre cette nuée de seigneurs retranchés dans leurs donjons, et qui exploitaient pour leur compte personnel les ressources de la France. Les communes ne pouvaient pas davantage sans l'appui des rois. Il y eut donc entre elles et eux une véritable alliance offensive et défensive, qui n'a pas peu contribué à fonder l'indépendance et l'unité nationales.

Louis le Gros (de 1108 à 1137) est le premier roi qui ait recouru à l'appui des bourgeois pour résister aux usurpations de la noblesse. C'est aussi le premier roi qui ait, non pas, comme on l'a dit à tort2, établi les communes en France', mais accordé les premières

1070 (Desmichels, Préc. de l'hist. du moyen âge, p. 239. Voy. autres exemples, Granier, ub. sup., p. 153).

1 Voy. à ce sujet Granier, ub. sup., p. 141.

Voy. le préambule de la charte de 1814, et la dissertation de M. A. Thierry à ce sujet dans ses Lettres sur l'histoire de France.

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"

Il y avait des communes libres, et des communes insurgées avant que Louis le Gros leur octroyât des chartes. Mais c'est à partir

chartes d'affranchissement aux communes qui y existaient depuis la formation des bourgs ou des villes 1, et cela pour les soustraire à la tyrannie des seigneurs 2.

On compte deux cent trente-six actes de gouvernement relatifs aux communes dans le cours des douzième et treizième siècles. Les rois n'étant pas les seuls qui donnassent des chartes et qui intèrvinssent dans les affaires communales, il est facile de concevoir l'énergie du mouvement général des esprits, et l'importance du changement qui s'était opéré dans la condition des peuples à cette époque.

Ce mouvement, ce changement ne furent pas propres à la France. Nous voyons, en effet, s'établir presque simultanément les communes dans toute l'Europe, en Italie, en Espagne, en Allemagne, en Angleterre. Gênes, Florence, Venise, Barcelone, Brême, Lubeck, Hambourg, Bruges, Londres, Bristol, Paris, Lyon, Marseille, semblent un moment régies par les mêmes lois".

Quels que fussent les noms divers que prissent les

de son règne que les affranchissements se multiplient, tant par la couronne que par les seigneurs » (Châteaub., Etudes hist., III, 292).

1 Voy. développement à ce sujet dans l'Hist. des classes ouvrières de M. Granier de Cassagnac, p. 146 et suiv.

'On lit dans le préambule d'une charte communale accordée aux habitants de Dourlens, « que cette charte est concédée à cause des injustices et des vexations exercées par les puissants contre les bourgeois de la dite ville. » Philippe-Auguste disait, en octroyant une charte à la ville de Saint-Jean-d'Angély, qu'il y adhérait de grand cœur afin que les habitants pussent mieux défendre et garder lant leurs droits que les siens.

• Guizol, Cours d'hist. mod., t. V, p. 132.

4 Voy. Blanqui, Hist. de l'écon. polit., t. I, p. 209.

1

communes affranchies ' et leurs magistrats, la sûreté des personnes et des propriétés, la garantie solidaire de chacun des membres de l'association, l'élection des magistrats municipaux et leur juridiction particulière étaient les bases de toute charte d'incorporation communale ".

Un économiste moderne a résumé en ces termes les résultats de cette grande innovation : « La richesse mobilière s'établit fièrement, dans les communes affranchies, à côté de la propriété foncière et y revendique ses droits. La terre, incapable désormais de suffire seule aux besoins de la société nouvelle, commence à perdre de son prestige, et voit passer aux mains des artisans une part du pouvoir des propriétaires. La démocratie apparaît, forte de l'esprit d'association et de toutes les ressources du travail organisé et discipliné. Le tiersétat se constitue; la classe moyenne, rêvée jadis par Aristote, devient un corps délibérant, accorde ou refuse des subsides, se juge, se garde, se régit elle-même. La population s'accroît avec les moyens de subsistance; les industries se perfectionnent, le commerce donne le signal du rapprochement général des nations, et les châteaux forts deviennent tributaires des manufactures 1. »

1 Ces noms variaient selon les localités : Communio, Communia, Communitas, Franchisia, Consuetudines, Libertas, Burgesia, etc. (Voy. textes à ce sujet dans l'Hist, des classes ouvrières, p. 143).

• Tournai avait trente Jurats; Péronne, vingt-deux Cossors; Châteauneuf, en Touraine, dix Bourgeois. Les officiers de la commune de Verdun s'appelaient li Communs de la ville; ceux de Boussac, Consuls; ceux d'Issoudun, Gouverneurs; ceux de Nancy, Francs-Bourgeois; à la tête de ces conseils se trouvait un maire électif, appelé aussi maïeur et prévót (La Thomassière, Cout. loc., ch. XIX).

Desmichels, ub. sup., p. 239.

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Pourquoi donc le clergé, si favorable à l'émancipation progressive des esclaves, se montra-t-il généralement si opposé à l'affranchissement des communes1? C'est que cet affranchissement ouvrait la porte à la révolte en même temps qu'à la liberté, et que, parallèlement à ce fait, s'en produisait un autre non moins inquiétant pour l'Église, savoir : l'affranchissement de la raison, s'insurgeant contre le principe même de l'autorité. Le clergé, cependaut, ne fut pas le dernier à comprendre le besoin de cette époque; et si l'on vit plusieurs princes de l'Église résister courageusement aux exigences intempestives, et comprimer une liberté qui dégénérait en violence3, on en vit d'autres aller au devant des vœux du peuple, présider eux-mêmes à l'organisation des communes, et leur octroyer des chartes et des franchises1.

Au fond, les avantages du self-government, revendiqués et conquis par les communes, n'ont-ils pas été contre-balancés pour elles par les charges et la responsabilité nouvelles qui en ont été la con→ séquence nécessaire? Ce qu'il y a de certain, c'est que les communes affranchies, obligées de pourvoir aux dépenses municipales, créèrent des taxes, des

1

« Novum ac pessimum nomen, » s'écrie l'abbé Guibert, chroniqueur du douzième siècle; « nouveauté détestable qui réduit les seigneurs à ne pouvoir rien exiger des gens taillables au-delà d'une rente annuelle une fois payée, et qui affranchit les serfs des levées d'argent qu'on avail coutume de faire sur eux » (Voy. Aug. Thierry, Lettres sur l'hist. de France, p. 248 à 250).

• Voy. l'Introduction à l'Hist. de saint Bernard, par M. l'abbé Ratisbonne, t. I, p. 73.

8 Voy. Dunoyer, Liberté du travail, liv. IV, ch. V.

Voy. l'abbé Ratisbonne, ub. sup.

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