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gnes arrachées; on ne coupait pas ses arbres, on les dépouillait de leur écorce. Tuer un homme, ravir une femme, trahir son seigneur et son pays, ne constituait pas un plus grand crime, aux yeux de la loi, que de voler un cheval ou une jument. On arrachait les yeux aux voleurs d'église et aux faux monnayeurs. Le vice qui fit la honte de l'antiquité requérait la mutilation en première offense, la perte d'un membre en récidive, le feu au troisième délit. La femme, convaincue du même vice en même progression, perdait successivement les deux lèvres, et arrivait au bûcher. En menues choses, le vol postulait le retranchement d'une oreille ou d'un pied. Le premier infanticide d'une mère impétrait au renvoi de cette malheureuse devant le tribunal de pénitence; si elle le commettait une seconde fois, on la brûlait morte. L'enfant coupable de meurtre subissait la peine capitale comme l'homme en âge de raison; on lui accordait dispense d'âge pour

mourir 1.

Outre que les peines étaient arbitraires, tout seigneur qui possédait des propres avait droit de justice pour les appliquer. L'axiome de l'ancien droit était : « La justice est patrimoniale. » C'est qu'alors le patrimoine était la propriété 2.

Il y avait trois sortes de justices seigneuriales: la haute, la basse, la moyenne; chacune d'elles ayant son signe visible distinct.

Loyseau décrit ainsi qu'il suit les sigues visibles des justices ou seigneuries:

<«< Or, il y a deux marques et signes visibles de la

1 Châteaubriand, Etudes histor., III, 393.

2 lbid., p. 388.

possession publique des justices, à savoir le pilori, soit tournant ou en simple pilier, auquel y a un carcan attaché, ou bien une échelle, le tout selon la mode des lieux; signe qui est commun et uniforme à tous les seigneurs subalternes quels qu'ils soient, jusques aux hauts justiciers; car les moyens et bas n'ont pas droit d'avoir pilori ni échelle, qui est le signe de la haute justice, et de la seigneurie publique du territoire, lequel n'appartient ni aux moyens ni aux bas justiciers.

Mais l'autre, qui est le gibet, est différent, selon la qualité de chacune seigneurie. Car ordinairement celui du haut justicier est à deux piliers, celui du châtelain à trois, du baron à quatre, du comte à six, et du duc à huit...

<< Tant y a que le pilori sert pour les punitions corporelles non capitales qui, de tout temps, ont pu être faites dans les villes; c'est pourquoi il est toujours mis au principal carrefour ou endroit de la ville, bourg ou village de la seigneurie. Mais le gibet ne sert que pour les supplices capitaux, dont autrefois les exécutions n'étaient faites, sinon hors les villes; c'est pourquoi le gibet est toujours planté dans les champs'.>> Après Loyseau, Châteaubriand a dit :

« A la porte de chaque chef-lieu des seigneuries, s'élevait un gibet composé de quatre piliers d'où pendaient des squelettes cliquetants".

Ces squelettes n'étaient pas que ceux des malfaiteurs. C'étaient ceux aussi des vagabonds et des mendiants qu'une ordonnance du roi Jean de l'an 1350 condamnait au fouet et au pilori, et, en cas de troi

1 Loyseau, Des Seigneuries, ch. IV, p. 36. 2 Châteaubriand, ub. su ., p. 395.

sième récidive, à être marqués au front d'un fer rouge, et bannis.

En fait de mendicité, la législation du moyen âge s'occupa surtout de pugir. Nous verrons, dans le paragraphe suivant, si elle s'est pareillement occupée de prévenir.

S V.

Institutions de Bienfaisance.

Lois barbares sur les pauvres.

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Humanité de ces lois.

Système nouveau de

solidarité el de garantie mutuelle. - Le droit à l'assistance passe des canons dans les Capitulaires. L'Église est toujours la dépositaire et la dispensatrice du bien des pauvres.. Mais, quand devient féodale, cesse de remplir sa mission. - Alors les pauvres se font prêtres. Les deux tiers de la fortune du clergé appartiennent à sa partie plébéienne. — Conséquences. – L'hopital est la formule exclusive de la charité. Cinq espèces d'établissements publics de bienfaisance. - Grand nombre d'hôpitaux. - Ladreries et maladreries. Ordres hospitaliers. — Abolition du droit d'asile. MaxiLois somptuaires. L'usure et les monts-de-piété.

mum.

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L'hospitalité, au dire de Tacite et de César1, était une vertu particulièrement en honneur chez les nations germaniques : c'est pourquoi elles n'eurent point de lois contre les vagabonds et les mendiants.

Cependant, dans l'état barbare, dans la défiance mutuelle des tribus guerrières, l'étranger est un ennemi. L'ancien mot latin hostis signifiait d'abord étranger. Le sort de l'étranger, de l'homme qui erre sans feu ni lieu, ne vaut guère mieux que celui du proscrit. Son nom, dans les lois germaniques, est wergangus, errant. Les Anglais l'appellent wretch, le misérable 2.

1 Tacit., De moribus Germ., cap. XXI.-Cæs., De bell. gall., liv. VI, cap. XXIII.

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Mais, quel que soit l'esprit de défiance des lois et coutumes barbares à l'égard de l'homme errant, de l'étranger, on trouve, dans ces lois, plusieurs dispositions hospitalières, particulièrement dans les coutumes allemandes du moyen âge.

Loi des Burgundes : « Si quelqu'un a refusé le couvert ou le foyer à un voyageur, qu'il soit frappé d'une amende de trois solidi. Notre volonté est que, dans toute l'étendue de notre royaume, ni riche ni pauvre ne se permette de refuser l'hospitalité aux étrangers..... Que personne ne refuse le toit, le foyer et l'eau 1. »

La loi des Wisigoths permet au voyageur d'allumer du feu, de faire paître son cheval et d'abattre des branches.

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2

Les usages de la Marche permettent au voyageur éloigné de toute habitation de prendre de quoi se nourrir, lui et son cheval. Le voyageur peut cueillir trois pommes à l'arbre, se couper dans la main trois ou quatre grappes de raisin, prendre des noix plein le gant. On est d'avis encore que, s'il arrivait un étranger d'une distance de cent milles, et qu'il voulût pêcher, il aurait la faculté d'emprunter un hameçon à un homme de la Marche, puis d'aller pêcher au ruisseau : il pourra faire du feu sur le bord, faire cuire sa pêche et la manger. Avienne le cas qu'un homme traverse la forêt avec son chariot, il pourra regarder autour, et, s'il aperçoit un tronc d'arbre qui puisse venir en aide à son chariot, il pourra l'abattre et réparer son chariot; il mettra le vieux bois sur le

1 Capitul., ann. 802 et 803.

Le nom de marche signifie marque (marca, signum, terminus, limes); c'était l'ager du droit allemand, c'est-à-dire la terre indivise appartenant à la commune (Voy. Michelet, ub. sub., p. 86).

tronc qu'il a abattu. S'il tenait pourtant à garder ce vieux bois et qu'il l'emportât avec lui, il devra placer sur la terre trois pfennings. Si un homme chevauche par un chemin qui traverse au large la prairie, et qu'il ait besoin de faire paître son cheval, il faut qu'il ait une corde de cinq aunes et une perche de six pieds et demi; il plantera dans son chemin ce bois, auquel tiendra la corde, moyennant quoi il pourra impuné– ment faire paître son cheval dans la prairie 1.

Loi des Lombards. Si quelqu'un enlève plus de trois grappes de raisin dans la vigne d'autrui, qu'il paye une composition de six sous; s'il en prend jusqu'à trois seulement, cela ne lui sera pas imputé'.

En Allemagne, un passant pouvait impunément arracher trois raves dans le champ d'autrui. — Un homme qui se trouve en route, et qui vient à chevaucher dans la plaine, peut ramasser autant de gerbes qu'il pourra en saisir au grand galop avec sa lance, mais pas autrement'.

Avec ces mœurs si naïves, et qui contrastent si étrangement avec les faits atroces de la conquête, les barbares durent avoir peu de pauvres chez eux, et ceux qu'ils firent chez les autres, après l'invasion, ne purent qu'être entourés de toute la sollicitude de leurs législateurs.

« Que personne n'ose dépouiller le pauvre du peu qui lui reste, ni le priver de sa liberté, » porte un capitulaire de l'an 809.

« Les comtes prendront soin des pauvres, » dit un autre capitulaire'.

1 Michelet, Origines, p. 411 et 412.

Recueil des Capitulaires, liv. II, ch. VI; et liv. VI, ch. CCXLVII.

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