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femmes, lesquels se privaient de leurs biens pour les enrichir'.

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Les esséniens, au contraire, fuyaient les grandes villes, et, à l'instar des disciples de Pythagore, et pour mieux se rapprocher de la vie des prophètes 3, ils mettaient leurs biens en commun. « Voici, dit l'écrivain juif Philon*, en quoi consiste la communauté des esséens, ou esséniens. En premier lieu, aucune maison n'appartient en propre à aucun d'eux qui n'app irtienne, par le fait même, à tous; car, outre qu'ils y vivent plusieurs en famille, elle est ouverte à tout survenant qui fait partie de leur secte; de plus, toutes les provisions qu'elle renferme sont à tous; on y trouve un office pour tous les habitants ou hôtes, un vestiaire commun à tous, des aliments mis à la disposition de ceux qui sont chargés de préparer les repas. C'est qu'il serait impossible de trouver au même degré, ailleurs que chez eux, cette confraternité qui fait que des hommes, unis par les liens du sang ou par l'amitié, vivent sous le même toit, partagent le même sort, mangent à la même table... De ce qu'ils ont gagné comme récompense de leur labeur, en travaillant pendant la journée, ils ne gardent rien comme leur propriété particulière; mais, portant tout à la communauté, ils en font la propriété de tous. Les faibles et les malades, ne pouvant subvenir à leurs besoins, trouvent leur nécessaire assuré dans le superflu des forts et des valides; et ils peuvent

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2 Voy. sur les pythagoriciens, ces jésuites de l'antiquité, l'Hist. du communisme, de Sudre, p. 53 et suiv.

› Voy. sur le nombre et la vie en commun des prophètes, Les Mœurs des Israélites, de Fleury, ch. XXII.

+ Comparez Josèphe, Antiquit. judaïc., lib. I, 7, 8, et Philon, De vitá contemplat., vol. II, p. 471, qui parlent longuement des esséniens.

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en jouir sans honte, car c'est aussi leur propriété 1.» Les esséniens habitaient par petites bourgades la contrée solitaire qui forme la côte occidentale de la mer Morte. Leur nombre ne dépassa jamais quatre mille. Ils s'adonnaient à l'agriculture et à la fabrication des objets de première nécessité, dédaignant le commerce et la navigation'. La plupart des esséniens vivaient dans le célibat. Ils se recrutaient par des admissions volontaires. Tout coupable de crimes ou de fautes graves était chassé de la communauté. Ils méprisaient les richesses, n'amassaient ni or ni argent, et s'étudiaient à vivre de peu, ce qui ne les empêchait pas d'être fort riches, « car, dit Philon, la simplicité et la modération sont une grande richesse. »> Leurs biens, mis en commun, étaient administrés par des économes électifs. Leur doctrine religieuse reposait sur ces trois points fondamentaux: aimer Dieu, la vertu, et les hommes. Enfin, ils n'avaient point d'esclaves, et considéraient l'esclavage comme impie

1 Traduction de Pierre Leroux. - Voy. Id. De l'Égalité, 2o partie. 2 « Vous ne trouverez pas, dit le juif Philon, un artisan parmi eux qui travaille à faire une flèche, un dard, une épée, une cuirasse ou un bouclier, en un mot aucune espèce d'armes, de machines, ou d'instruments servant à la guerre, ni même qui se livre à aucune des occupations, pacifiques en apparence, qui tournent si facilement à mal; je veux parler des différents genres de négoces ou de trafics, cette source d'une insatiable avidité; ils les suppriment complétement. Ils ne savent ce que c'est que marchés, boutiques, factoreries. >>

C'est ce qui fait dire à Pline le naturaliste : « La peuplade solitaire des esséniens, peuplade la plus extraordinaire qui soit sous les cieux, vit sans argent, et se perpétue sans femmes. Ainsi, chose incroyable, depuis plusieurs siècles, elle se renouvelle sans qu'il y naisse personne.» (Hist. nat., ch. V, p. 15.)

་ Le repentir et le dégoût du monde sont la source féconde qui alimente cette peuplade. » (Pline, ub. sup.)

et contraire à la nature qui a fait tous les hommes égaux. « L'égalité, dont le maintien était le véritable esprit du mosaïsme, fut ainsi conservée par la secte essénienne dans laquelle la vie en commun et le repas égalitaire furent constamment pratiqués '. »

Il en fut de même, pour le repas égalitaire, dans la secte juive des thérapeutes de l'Égypte, lesquels, bien que leurs maisons fussent isolées les unes des autres, par groupes d'habitations cellulaires, ne s'en réunissaient pas moins, périodiquement, pour le banquet fraternel 2.

Maintenant, le seul fait de la vie en commun et du repas égalitaire des esséniens suffit-il pour chasser d'au milieu d'eux la misère et les vices qui l'amènent? L'histoire ne nous apprend rien de précis à ce sujet. Nous savons seulement qu'à leurs coutumes et à leurs maximes, dont plusieurs se rapprochent des préceptes du christianisme, les esséniens mêlaient des erreurs et un orgueil qui les séparent profondément des disciples de Jésus. L'égalité et la fraternité, leur doctrine fondamentale, n'étaient pas même pratiquées parmi eux. Dans la hiérarchie des classes, qu'ils avaient été obligés d'établir pour se gouverner, les membres des classes supérieures s'abstenaient de tout contact avec ceux d'un rang inférieur, et s'en purifiaient comme d'une souillure quand ils n'avaient pu l'éviter. Quant aux incirconcis, aucune secte juive ne professait une antipathie plus prononcée contre eux 3.

1 P. Leroux, De l'Egalité, 2e partie.

2 Les thérapeutes furent les devanciers des anachorètes chrétiens, comme les esséniens furent ceux des cénobites. Voy. Sudre, ub. sup., p. 58 et 519. Et Salvador, Jésus et sa doctrine, tom. I, p. 465. Voy. Sudre, ub. sup., p. 57.

Si, avec son humilité et ses vertus, l'Église primitive de Jérusalem ne put, ainsi que nous le verrons bientôt, se soutenir, et se généraliser, sur la base de la communauté des biens, comment, avec son orgueil et ses vices, la secte des esséniens eût-elle pu ne pas trouver, dans cette base même, la nécessité de sa chute, alors même qu'elle eût pu survivre aux autres causes de dissolution et de mort qui firent, de la ruine simultanée du monde païen et du monde juif, la palingénésie du monde chrétien?

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La solution du problème de la misère tel qu'il avait été posé par Moïse estelle sortie de ses institutions ? - Non. Pourquoi ?

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En résumé:- - Prééminence de l'agriculture sur l'industrie; Absence de commerce extérieur; Tributs prélevés sur les peuples conquis; -- Impôts assis sur les terres possédées par les citoyens; Droits perçus sur les marchandises étrangères; Art monétaire, connu de toute l'antiquité; Prévoyance dans les cas de disette; Économie et épargne considérées comme principes générateurs de l'aisance et de la richesse; Esclavage admis, mais tempéré par des préceptes humains; -Luxe autorisé, mais seulement pour le culte de l'Éternel; Code rural où l'on voit poindre le principe fécond des assolements; Code moral où brillent l'aurore de la charité chrétienne et le principe de la taxe des pauvres; - Code industriel qui consacre, avec la légitimité du salaire, et du repos

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hebdomadaire pour l'ouvrier, l'obligation du travail, et sa division comme moyen de perfectionnement et d'économie de la main-d'œuvre; Code civil qui adopte pour base la propriété et la famille; Code social qui consacre la gratuité du crédit, la remise périodique des dettes, et le retour périodique des biens vendus aux mains des anciens propriétaires ; Enfin, richesse et bien-être temporel de l'homme assigués comme but et comme récompense à son travail ': - Tels sont, en substance, indépendamment de l'essai de communisme pratiqué par les esséniens, les divers éléments de l'économie politique des Hébreux tels qu'on peut les déduire de leur histoire.

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Ces divers éléments, combinés et sanctionnés par l'autorité de la religion et du pouvoir, eurent-ils pour résultat de résoudre le problème de la misère dans le sens que l'avait posé Moïse : « Des pauvres, oui; des indigents, non 2. »

Oui, tant que l'institution du Jubilé, leur couronnement et leur base, resta debout. Cette institution avait surtout pour but d'empêcher la formation des castes qui, comme celles de l'Égypte, se fussent rendues propriétaires de tout le territoire et, par suite, maîtresses souveraines du pays. Pour cela, que fit Moïse? Il permit la mobilisation, c'est-à-dire la circulation des terres, mais en la soumettant à des règles qui rendissent impossibles les agglomérations constantes des propriétés dans une même main, dans une même famille. Par là, les pauvres étaient forcément ramenés, au bout d'un certain nombre d'années, au

1 Voy. ci-dessus, p. 27 et 62, et ci-après, chap. II, S X. $ Isaïe, V, 8.

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