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parti que celui de l'Etat; on féme entr'eux la défiance; on perfuade au Prince de fe tenir en garde contre une multitude indocile, remuante & féditieufe; on lui fait croire qu'il doit avoir des forces à lui oppofer. Il s'arme donc contre fon peuple; à la tête de fon parti marchent l'ambition & la cupidité; & c'est pour affouvir cette hydre infatiable qu'il croit devoir fe réserver des moyens qui ne foient qu'à lui. Telle est la cause ́ de ce partage que nous avons vu dans l'Empire, entre les Provinces du peuple & les Provinces de Céfar, entre le bien public & le bien du Monarque. Or dès qu'un Souverain fe frappe de l'idée de propriété, & qu'il y attache la fûreté de fa couronne & de fa vie, il est naturel qu'il devienne avare de ce qu'il appelle fon bien, qu'il croie s'enrichir aux dépens de fes peuples, & gagner ce qu'il leur ravit, qu'il trouve même à les affoiblir l'avantage de les réduire ; & de-là les rufes & les furprifes qu'il em

ploie à les dépouiller; de-là leurs plaintes & leurs murmures; de-là cette guerre inteftine & fourde qui, comme un feu caché, couve au fein de l'Etat, & fe déclare çà & là par des éruptions foudaines. Le Prince alors fent le befoin des fecours qu'il s'eft ménagés: il croit avoir été prudent: il ne voit pas qu'en étant jufte, il fe feroit mis au-deffus de ces précautions timides, & que les paf fions ferviles & cruelles qu'il foudoie & tient à fes gages, lui feroient inutiles s'il avoit des vertus. C'est-là, Tibére, ce qu'un jeune Prince doit entendre de votre bouche. Une fois bien perfuadé que l'Etat & lui ne font qu'un, que cette unité fait, fa force, qu'elle eft la base de fa grandeur, de fon repos & de fa gloire, il regardera la propriété comme un titre indigne de la couronne ; & ne comptant pour fes vrais biens que ceux qu'il affure à fon peuple (a), il fera juste

(a) Trajan comparoit le tréfor du Prince à

par intérêt, modéré par ambition, & bienfaifant par amour de foi-même. Voilà dans quel fens, mes amis, la vérité eft la mere de la vertu. Il faut du courage fans doute pour débuter par elle avec les Souverains; & quand de lâches complaifans leur ont perfuadé qu'ils regnent pour eux-mêmes, que leur indépendance confifte à vouloir tout ce qui leur plaît, que leurs caprices font des loix fous lefquelles tout doit fléchir; un ami fincére & courageux eft mal reçu d'abord à détruire ce faux fyftême. Mais fi une fois on l'écoute, on n'écoutera plus que lui la premiere vérité reçue, toutes les autres m'ont qu'à venir en foule, elles auront un libre accès; & le Prince, loin de les fuir, ira luimême au devant d'elles.

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La vérité lui aura fait aimer la vertu ; la vertu, à fon tour, lui rendra la vérité

la rate, dont l'enflure cause l'affoiblissement de tout le refte du corps.

chere. Car le penchant au bien que l'on ne connoit pas, n'eft qu'un inftinct confus & vague; & défirer d'être utile au monde, c'eft défirer d'être éclairé. Or la vérité que doit chercher un Prince, eft la connoiffance des rapports qui intéreffent l'humanité. Pour lui le vrai, c'est le jufte & l'utile; c'eft dans la fociété, le cercle des befoins, la chaîne des devoirs, l'accord des intérêts, l'échange des fecours, & le partage le plus équitable du bien public entre ceux qui l'opérent. Voilà ce qui doit l'occuper & l'occuper toute fa vie. S'étudier foi-même, étudier les hommes (a), tâcher de démêler en eux le fond du naturel, le pli de l'habitude, la trempe du caractére, l'influence de l'opinion, le fort & le foible de l'efprit & de l'ame; s'inftruire, non pas avec une curiofité fri

(a) Quanam funt eorum mentes, quibus rebus ftudent, qua habent in honore, que amant. Cogita te nudas ipforum mentes intueri. Marc. Antonin. L. 9.

vole

vole & paffagere, mais avec une volonté fixe & impofante pour les flatteurs, des mœurs, des facultés, des moyens de fes peuples, & de la conduite de ceux qu'il charge de les gouverner; pour être mieux inftruit, donner de toutes parts un libre accès à la lumière; en détestant une délation fourde, encourager, protéger ceux qui lui dénoncent hautement les abus commis en fon nom : voilà ce que j'appelle aimer la yérité; & c'est ainsi que l'aimera, dit-il, s'adreffant à Tibére, un Prince bien perfuadé qu'il ne peut être grand qu'autant qu'il fera jufte. Vous lui aurez appris à fe rendre indépendant & libre au milieu de fa Cour; c'est à présent de fa liberté même qu'il doit fçavoir fe défier; c'eft avec elle que je vous mets aux prifes, & c'est encore que votre zéle a befoin d'être courageux. Il le fera, dit le jeune homme, & vous n'avez qu'à l'éclairer. A ces mots ils fe féparerent.

ici

C'est une chofe étrange, dit l'Empe

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